Fonctionnement d’une alimentation (2ème partie)

Correction du facteur de puissance

NB : Ce dossier représente la deuxième et dernière partie de notre introduction à un comparatif d’alimentations, intitulée “Fonctionnement d’une alimentation”. Vous pourrez retrouver la première partie ici. Aujourd’hui, nous nous penchons sur la correction du facteur de puissance, la régulation des tensions et enfin l’influence de la température.

Préambule à la compréhension

Avant d’aller plus loin dans les explications, il faut définir ce que sont les harmoniques car l’un des intérêts d’un PFC (Power Factor Correction) repose là dessus.

Vous n’êtes pas sans savoir que la tension et le courant qui circulent sur un réseau idéal sont alternatifs à une fréquence de 50 Hz. Leur allure est une sinusoïde parfaite de période 1/50 = 0.02 s = 20 ms. On dit que ces signaux (idéaux) sont issus d’une seule fréquence fondamentale, aussi appelée harmonique de rang 1, égale à 50 Hz. Aucune autre fréquence n’est présente dans le signal, il est pur.

Malheureusement, les signaux ne sont jamais des sinusoïdes parfaites en réalité. Ils vont alors contenir d’autres fréquences en plus du 50 Hz et c’est ce qu’on appelle les fréquences harmoniques. Elles sont des multiples entiers du 50 Hz ici. Par exemple, l’harmonique de rang 2 a une fréquence de 2*50=100 Hz, celle de rang 3 de 150 Hz et ainsi de suite… Les multiples non entiers sont aussi possibles dans le cas d’inter harmoniques (phénomènes aléatoires sur la puissance absorbée) mais on n’en parlera pas. A cause du redressement et de la charge symétrique (demi-alternances de courant égales et opposées), on n’aura à faire qu’à des harmoniques de rang impair (3, 5, 7…).

Un signal réel n’est jamais parfait et il est plus ou moins déformé car les appareils électriques engendrent des charges non linéaires (elles déforment le courant). Ce signal peut être décomposé en une somme de plusieurs signaux sinusoïdaux superposés ayant chacun leur fréquence (décomposition de Fourier). Le principe de base est illustré sur le schéma suivant :


N’importe quel signal périodique peut être décomposé de la sorte. Ces signaux de fréquence unique sont appelés les harmoniques, et plus globalement les courants harmoniques si l’on s’occupe du courant. Ce sont eux que l’on souhaite éviter à tout prix car ils ne participent pas à l’alimentation de la charge et engendrent pas mal d’inconvénients. Ils surchargent le réseau en faisant transiter des courants inutiles qui provoquent un échauffement accru des câbles d’alimentation (perte joules). Ils peuvent aussi faire vieillir plus vite les éléments branchés sur le réseau en engendrant des phénomènes de résonance et des échauffements (transformateurs, machines tournantes). Ca peut perturber les organes de sécurités tels que les fusibles car le courant appelé est plus grand que celui réellement nécessaire. La capacité du réseau diminue alors plus ou moins suivant l’ampleur des harmoniques générées.

Ci-dessous, voici l’exemple pris d’une alimentation qui ne dispose d’aucun PFC. On s’intéresse uniquement à l’allure du courant tiré du réseau :


Le courant est très déformé (on expliquera pourquoi ensuite) et, de ce fait, il contient beaucoup d’harmoniques. La décomposition spectrale de l’allure du courant permet de connaître l’amplitude des courants harmoniques par rapport au courant issu du fondamental (celui qui nous intéresse). C’est ce que le graphe de droite montre avec des harmoniques d’amplitude très élevées. Le fondamental (rang 1) est à 100 % puisque c’est la référence et l’on voit que l’harmonique de rang 3 (notée H3) représente 90 % du fondamental. C’est à dire que si le fondamental fait transiter un courant maximum de 2 A, la H3 fait 2*0.9 = 1.8 A. Vous superposez le tout et vous obtenez un courant de crête très élevé par rapport à ce qu’il faudrait si le courant était purement sinusoïdal.

Ci-dessous, c’est la même chose mais avec un PFC passif qui rectifie déjà bien l’allure du courant et lui permet de contenir moins d’harmoniques. Sa forme est beaucoup plus proche d’une sinusoïde et c’est beaucoup mieux pour le réseau, le niveau des harmoniques a déjà bien diminué (H3 à 35 %) :


Tout l’art d’un bon module PFC sera principalement d’éliminer ces déformations sur le courant absorbé pour éviter l’apparition de courants harmoniques néfastes au réseau. Il aura aussi pour rôle de mettre le courant et la tension bien en phase (qu’ils montent et descendent en même temps en passant par 0 en même temps). Autrement dit, un PFC fera en sorte que le réseau voit l’alimentation comme une résistance pure (le seul élément électrique qui ne déforme rien ni ne déphase le courant) et non pas comme une charge non linéaire.

Correction du facteur de puissance – Ce que la norme impose

Depuis 2001, les standards européens et japonais notamment (IEC1000-3-2) imposent que tous les nouveaux appareils consommant plus de 75 W doivent comporter une correction du facteur de puissance pour respecter l’environnement. Ces standards imposent des limites sur le niveau des courants harmoniques engendrés par un système électrique à son entrée, et plus particulièrement pour des appareils de classe D (< 600 W) dont les ordinateurs font partie. Ces règles sont très strictes et les seuils à ne pas dépasser sont définis jusqu'à l'harmonique de rang 39, c'est à dire assez loin dans la décomposition des signaux.

Pour satisfaire la norme, il suffit d’être sous les seuils autorisés pour chaque harmonique. Voici par exemple 3 alimentations de 250 W qui ont été comparées à ce niveau d’exigence :


Sans PFC, quasiment tous les courants harmoniques des rangs 3 à 23 dépassent le seuil, elle n’est pas conforme à la norme et ne pourra pas être vendue en Europe. Pour le PFC passif, l’harmonique 3 est juste sur le seuil demandé, mais ça la respecte quand même donc pas de souci. Pour le PFC actif, il n’y a aucun problème non plus car tout est très atténué. On remarque que même avec un PFC actif, le signal contient encore des harmoniques qui déforment le courant car la correction n’est pas parfaite. Cependant, le taux de distorsion est si faible que l’allure du courant est relativement proche de la perfection et le facteur de puissance sera proche de 1 (0.99).

Un PFC est donc utilisé comme un système de compensation dans des applications où la tension et le courant tirés du réseau sont déphasés et/ou déformés.

Définition du facteur de puissance

Pour alléger les notations, on notera FP pour Facteur de Puissance. Le FP est un terme qui décrit les caractéristiques des signaux en entrée d’un appareil électrique utilisant du courant alternatif. Il faut savoir qu’en alternatif, tous les calculs et raisonnements sont plus compliqués qu’en continu car il y a une multitude de facteurs et de nouvelles puissances qui apparaissent.

Globalement, le FP est défini par le rapport entre la puissance active P (en watts) et la puissance apparente S (en voltampères). Il varie entre 0 et 1 et n’a pas d’unité :


La puissance active P est la puissance utile : c’est celle qui produit un travail utile suivant la fonction de l’appareil électrique. Elle se calcule en faisait U*I*cos(phi) en régime sinusoïdal, U étant la tension, I étant le courant (tous les 2 en valeurs efficaces) et phi est le déphasage entre tension et courant. C’est celle que l’on consomme réellement, ce qu’un wattmètre mesure en watts et c’est ce qu’on paye en tant que particulier grâce au compteur de la maison.

La puissance apparente S est celle qui est appelée par l’appareil sur le réseau. Elle se calcule en faisant U*I en valeurs efficaces et s’exprime en Voltampères (VA), attention ce ne sont pas des watts ! Comme son nom le laisse supposer, elle n’est qu’apparente car c’est ce que semble consommer l’appareil vu de l’extérieur. Or, une partie de celle-ci sera non productrice de travail si le PF ne vaut pas 1. Dans ce cas, il y a apparition de ce que l’on appelle la puissance réactive Q à laquelle s’ajoutera une puissance déformante D dans le cas de signaux déformés non sinusoïdaux (à cause des harmoniques encore une fois).

Cette puissance réactive Q n’est en moyenne pas consommée par le système et elle s’exprime en Voltampères réactifs (VAR). Elle se calcule en faisait U*I*sin(phi) en régime sinusoïdal. Elle sert à magnétiser des bobinages par exemple. Elle fait transiter un courant supplémentaire bien réel dont il faut tenir compte dans le dimensionnement des installations électriques. Il en va de même pour la puissance déformante.

Toutes ces puissances sont finalement reliées par cette égalité :


Un système peut très bien appeler 10 A sur le réseau, alors qu’il n’en utilisera réellement que 8 pour produire un travail utile. Le reste sera renvoyé au réseau car le courant est réel et c’est ce qui surcharge ce réseau (+ pertes accrues dans les câbles). C’est pour cela qu’on n’utilise pas la simple formule P=U*I en alternatif car la puissance n’est pas forcément consommée. La formule est fausse et surévalue la consommation réelle dans des systèmes à courant alternatif. Ces systèmes ne sont plus simplement résistifs, mais également capacitifs (condensateur) ou inductifs (bobinage), donc complexes au final. Un appareil qui absorbe une puissance apparente de 500 VA ne consommera que 250 W si son PF vaut 0.5, et non pas 500 W.

Par exemple, le fournisseur d’électricité (EDF) impose à ses clients d’avoir un facteur de puissance minimum car s’il est trop faible, le courant appelé est bien plus grand que nécessaire et on diminue la capacité de ses installations électriques. En effet, ses transformateurs sont définis pour une puissante apparente en VA, pas pour une puissance active en watts ! Si on génère beaucoup de puissance réactive, on diminue la capacité des transformateurs à fournir une puissance active (utile). S’ils autorisaient les petits facteurs de puissance, EDF devrait surdimensionner tout son réseau, ce qui est bien sûr hors de question pour des raisons évidentes de coût. Sans parler que les pertes augmenteraient aussi, et elles sont déjà assez élevées comme ça…

Définition du facteur de puissance – suite

Pour un particulier, avoir un facteur de puissance proche de 1, ou non, ne changera pas sa facture puisqu’il ne paye pas la puissance réactive. Néanmoins, si EDF a besoin de renforcer son réseau, c’est votre argent qui va servir à cela indirectement car le coût de l’électricité aura surement grimpé… Avec un grand FP, on utilise mieux le réseau et on fait plaisir en même temps à EDF en consommant mieux, pas moins.

C’est pour ça aussi que les industriels par exemple, qui utilisent des machines avec de gros moteurs développant beaucoup de puissance réactive, sont obligés de relever leur facteur de puissance global. Ils peuvent le faire grâce à des batteries de condensateurs montés sur l’arrivée du courant pour tenter de neutraliser le déphasage généré par les machines de production. Il y a des pénalités pour ceux qui tirent trop de puissance réactive car les courants deviennent élevés et le réseau s’en trouve surchargé. Ils sont d’ailleurs facturés sur les 2 puissances à la fois (active et réactive) vu les puissances en jeu, contrairement aux particuliers.

Prenons un autre exemple qui fera assez bien comprendre le phénomène. Si vous disposez d’un onduleur, vous aurez remarqué qu’il est aussi défini pour tenir une certaine puissance apparente en VA. On oublie l’écran pour l’exemple et l’on suppose, lors d’une coupure de courant, que vous teniez 10 min avec l’ordinateur allumé (150 W) qui comporte une alimentation avec un FP égal à 1 (PFC actif). Maintenant, vous changez juste l’alimentation pour en mettre une d’exactement même rendement, mais avec un FP égal à 0.6 (sans PFC). Cette configuration vous permettra de tenir seulement ~6 minutes alors que votre ordinateur consomme exactement la même puissance utile qu’avant. A cause des harmoniques et du déphasage, il y a eu apparition de puissance réactive et déformante à cause du petit FP, donc un courant plus élevé est tiré de l’onduleur, ce qui décharge plus vite la batterie pour rien…

Ce que l’on souhaite avec un PFC, c’est donc d’annihiler la puissance réactive Q générée par le déphasage et la puissance déformante D générée par les harmoniques afin d’avoir puissance apparente = puissance active. On limite alors le transport du courant au strict minimum et on maximise l’efficacité du transport d’énergie.

Il faut faire attention car il y a souvent confusion entre ce que l’on appelle le cos phi et le facteur de puissance, ça n’est pas la même chose. Le seul cas très exceptionnel où FP = cos phi, c’est quand la tension et le courant tirés du réseau sont purement sinusoïdaux, autrement dit jamais (il y a toujours déformation, même minime). Voici les différences avec les 4 cas possibles :


cas 1 : c’est celui vers lequel on veut tendre avec un PFC. C’est celui qu’on obtient si l’on branche une résistance pure sur le réseau, elle n’engendre aucune déformation ni déphasage (avance ou retard du courant sur la tension).
cas 2 : c’est celui obtenu quand la charge est purement inductive, elle ne déforme pas le courant, mais elle le retarde de 90°. Dans le cas d’une charge purement capacitive, le courant sera aussi non déformé, mais en avance sur la tension cette fois de 90°.
cas 3 : c’est un cas rare où le courant est très déformé, mais il reste en phase avec la tension. On a donc cos phi=1 car les 2 fondamentaux sont en phase, mais FP est inférieur à 1 à cause de la déformation du courant.
cas 4 : c’est le mélange des cas 2 et 3 (non représenté). Le courant est à la fois déformé et déphasé, dans un sens ou dans l’autre, par rapport à la tension. C’est ce qu’on obtient avec une alimentation sans PFC et plus globalement avec un système réel (non linéaire).

Le cos phi, aussi appelé facteur de déplacement, représente le décalage (-90° < phi < 90°) entre le courant et la tension lorsque les 2 sont purement sinusoïdaux. Le cos phi ne se base que sur les fréquences fondamentales et ignore les harmoniques, il est donc peu intéressant vu que l'on ne travaille jamais avec des signaux parfaits. Pour être plus global, il faut alors parler de facteur de puissance. Ce FP englobe à la fois le déphasage et un facteur de distorsion supplémentaire créé par les harmoniques. Il est donc un peu plus rigoureux car il marche pour tous les types de signaux. On peut le définir de la manière suivante :


Kd est le facteur de distorsion, il varie entre 0 et 1. Il se calcule avec le taux de distorsion harmonique global (THD) qui définit globalement la déformation d’un signal sinusoïdal. Kthêta est le facteur de déphasage entre le fondamental du courant et la tension et il varie aussi entre 0 et 1. Le but est de maximiser les 2 à la fois pour tendre vers PF = 1. Comme les harmoniques sont directement rattachées au facteur de puissance, la norme a imposé des limites à respecter sur leurs niveaux.

Origine du problème nécessitant une correction

Dans une alimentation, la première étape consiste à redresser la tension alternative du réseau en une source continue destinée à alimenter l’étage de découpage. Cette source continue n’est pas constante et doit donc être lissée grâce à un ou deux gros condensateurs pour alimenter au mieux et ne pas stresser les transistors. Pour expliquer l’origine du problème posé, on prend l’exemple d’une alimentation à un seul condensateur réservoir C et sans PFC évidemment :


Comme on l’a vu précédemment, le condensateur C fournit l’énergie nécessaire au découpage, donc la tension à ses bornes va décroître au fur et à mesure qu’il libère l’énergie emmagasinée. Comme la fréquence du réseau (50 Hz) est très petite devant celle du découpage (32-100 kHz), il faut un condensateur suffisamment gros pour assurer l’approvisionnement en énergie d’un grand nombre de cycles de découpage en attendant que la tension sinusoïdale du réseau ne remonte suffisamment haut pour le recharger.

A 100 kHz, on a 100000 impulsions par seconde à générer, or la tension redressée mettra 10 ms à revenir à un niveau identique pour recharger le condensateur. Celui-ci doit donc fournir l’énergie pour environ 1000 impulsions en complète autonomie (en fait c’est un peu moins car lors du rechargement on pourra tirer du réseau directement). Voici ce qu’il se passe une fois connecté au réseau :


Chargé initialement à 325 V, le condensateur se décharge lentement dans l’étage de découpage à partir du moment où la tension d’entrée commence à diminuer (point n°1). Quand la tension redressée remonte à l’alternance suivante, il aura peut être perdu 20 V juste avant de se recharger (point n°2). Entre ces 2 points, le condensateur est autonome et c’est à lui seul de fournir l’énergie à l’étage de découpage. Il doit donc être bien dimensionné pour pouvoir tenir la pleine charge pendant qu’il est coupé du réseau et pendant un certain temps (supérieur à 10 ms). Avant ce point n°2, la tension d’entrée n’est pas supérieure à celle aux bornes du condensateur, il ne se passe rien, mais dès qu’elle la dépasse, le condensateur se charge à très grande vitesse. Puisqu’il n’est jamais entièrement déchargé, la tension doit grimper très haut (quasiment au maximum) pour commencer son rechargement. Celui-ci dure alors très peu de temps, la tension du réseau redescend très vite et le cycle recommence.

Ces cycles de charge très brefs provoquent des appels de courants brutaux sous forme de pics (en rouge). Ces pics représentent l’allure du courant tiré du réseau. Il n’est plus du tout sinusoïdal, ni même en phase avec la tension. Cette déformation devra donc être corrigée par un module PFC pour retrouver un courant d’allure sinusoïdale et en phase (en rose).

Ces appels brutaux de courant génèrent de la pollution électrique avec l’apparition des courants harmoniques. Ca engendre aussi des interférences électromagnétiques car les variations et les transitions des signaux sont extrêmement rapides. Par rapport à une solution avec PFC actif, ça provoque un peu plus de pertes sur les éléments situés avant le condensateur car le courant est élevé lors des pics, or on sait que les pertes évoluent en I². Et enfin, ça stresse le réseau car on appelle un courant élevé, ce qui implique de surdimensionner les installations électriques. Ca pose surtout des problèmes dans le cas où on a plein d’ordinateurs sans PFC dans un bureau par exemple. A chaque alternance, le pic de courant total sera très grand puisqu’il se fait en même temps sur toutes les machines. Si l’on disposait de PFC actifs sur toutes ces machines, la demande de courant serait plus faible et bien plus étalée dans le temps.

On distinguera 2 techniques pour corriger l’allure du courant issu du réseau : la correction passive et active. On prendra 2 exemples qu’on étudiera brièvement avec le module passif d’une LC Power 550 W et le module actif d’une Tagan U01 420 W.

Correction passive du facteur de puissance

C’est la solution la plus simple et la moins chère d’entre toutes, mais également la moins performante. Comme son nom l’indique, elle utilise des éléments purement passifs pour tenter d’améliorer l’allure du courant. Et quoi de mieux qu’une bonne vieille inductance (simple bobine ici) encore une fois pour agir sur ce courant ! A noter qu’il existe de nombreuses variantes entièrement passives, on n’en étudie qu’une très courante ici. Avec la LC Power, on a un condensateur en parallèle de la bobine pour en faire un filtre passe-bande (dit “résonant parallèle”) et améliorer encore un peu plus la forme du courant par rapport à une simple bobine. Cet assemblage est normalement calculé pour atténuer la 3ème harmonique entre autre, la plus intense après le fondamental.

Le module se place juste à l’entrée de la manière suivante :


Cette bobine va générer une contre-réaction à la variation brutale du courant lors des cycles de charge du condensateur. Le courant induit dans la bobine, à cause du champ magnétique créé lors du passage du courant issu du réseau, va s’opposer à la variation du courant qui lui a donné naissance, autrement dit le courant tiré du réseau. En atténuant la déformation créée par les harmoniques, et notamment celle de rang 3, ça a pour conséquence de lisser son allure et de le remettre un peu en phase avec la tension. On atténue la raideur des fronts de montée du courant grâce à l’inductance en stockant un peu d’énergie puis en la redistribuant. On peut espérer obtenir un facteur de puissance entre 0.6 et 0.8 suivant la charge :


Un PFC passif a comme avantage d’être très simple, très fiable puisque c’est juste un fil enroulé autour d’un noyau métallique, robuste, insensible aux pointes de courants ou au bruit électrique, peu dissipatif et ça ne génère pas d’interférences électromagnétiques (ça joue même un peu le rôle de filtre).

De l’autre côté, il a quand même de sérieux inconvénients. C’est un système encombrant et lourd car la bobine doit avoir une certaine valeur d’inductance sous une fréquence de 50 Hz. Le comportement dynamique n’est pas génial car son efficacité dépend de la charge. En règle générale, le facteur de puissance s’effondre au fur et à mesure qu’on demande de la puissance car ça introduit de plus en plus de déphasage sur le courant, malgré la réduction d’intensité des harmoniques. Il se peut aussi qu’à partir d’une certaine charge, la bobine du PFC passif se mette à grésiller à cause des efforts électrodynamiques entre les fils qui se renforcent car ils sont mal noyés dans le vernis. Contrairement au transformateur qui travaille à une haute fréquence qu’on ne peut pas entendre, la bobine PFC travaille avec du 50 Hz, et plus globalement entre 0 et 1 kHz avec les harmoniques, donc directement dans le domaine des fréquences audibles par l’homme. La LC Power montrera d’ailleurs un très fort grésillement quand on commence à lui demander de la puissance (prochain dossier).

Néanmoins, un PFC passif c’est mieux que rien, mais ça ne vaudra jamais un module actif qui se charge des corrections d’une manière beaucoup plus pointue. Les normes en vigueur se basent sur l’intensité des différentes harmoniques, ça n’impose pas d’avoir une allure parfaite pour le courant. Il faut principalement un déphasage minimum et tant pis si le taux de distorsion est un peu élevé, du moment que les courants harmoniques soient suffisamment atténués. Evidemment, si on corrige tout, c’est encore mieux et c’est ce que va faire un module actif.

Correction active du facteur de puissance

Un PFC actif est un petit module intercalé à l’entrée de l’alimentation et géré par un contrôleur intégré qui analyse et corrige en temps réel l’allure du courant par rapport à la tension. Il en déduit les erreurs de forme par comparaison avec la sinusoïde redressée de la tension et il les corrige en contrôlant le flot d’énergie grâce à un découpage haute fréquence et un stockage d’énergie dans une inductance. Son rôle est d’obtenir un courant non déphasé et le plus sinusoïdal possible en entrée de l’alimentation.

Il est capable de s’adapter à quasiment n’importe quelle situation en entrée car c’est lui qui gère l’énergie envoyée vers l’étage de découpage. On peut par exemple se passer du switch 115/230 V présent sur certaines alimentations sans PFC ou à PFC passif car c’est utilisable partout dans le monde (95-260 V). On pourrait dire qu’il y a quasiment découplage entre le réseau et l’alimentation.

Là aussi, il existe d’innombrables manières de concevoir un PFC actif avec des topologies dites buck, boost, buck-boost (ordre 2) et jusqu’à des modèles complexes d’ordre 4. La topologie boost (montage élévateur) est la plus répandue pour nos alimentations. On la retrouve dans les Tagan par exemple et celle que l’on va étudier. Voici le module PFC démonté d’une Tagan et son schéma de principe :


Ce module est simplement composé d’une inductance L2, d’un MOSFET qui sert d’interrupteur piloté Q1 (le module présenté en utilise 2 en parallèle), d’une diode rapide CR1, d’un condensateur C4 et d’un contrôleur PFC intégré (sous la feuille de cuivre) avec sa circuiterie.

Le MOSFET travaille à haute fréquence pour limiter la taille des composants et faire des corrections de forme extrêmement précises. On utilisera encore une fois les propriétés des inductances sur la continuité obligatoire des courants en leur sein. Au moment où l’on interrompt le courant qui la traverse, on obtient aussi une tension à ses bornes qui devient très élevée (le fameux U=L*di/dt) et qui vient s’additionner à la tension d’entrée.

Au final avec ce montage, on va pouvoir générer des tensions plus élevées en sortie très facilement (d’où le terme “boost”) par rapport à l’entrée. Ca permet de travailler plus efficacement avec l’étage de découpage entre 350-400 V DC (mesuré à 352 V aux bornes du condensateur sur une Tagan U01) tout en ayant moins de pertes par conduction car le courant qui circule est plus faible. Le condensateur en sortie du PFC se chargera grâce à l’inductance quand Q1 sera bloqué et il fournira l’énergie nécessaire pour maintenir le niveau de tension par rapport à la charge quand Q1 sera passant pour charger L2.

En contrôlant le chargement de l’inductance et le relâchement de l’énergie emmagasinée dans cette inductance, on va modifier l’allure du courant tiré sur le réseau. On va imposer son allure suivant l’état du transistor Q1, qui définit le comportement de l’inductance L2. Le contrôleur régule aussi la tension en sortie du PFC en même temps (suivant la charge). Si l’on exagère très fortement l’allure de ce courant, voici à quoi il ressemble sur une période de 10 ms :


Le courant est en forme de dent de scie, elle même portée par une sinusoïde bien calée (en phase) par rapport à la tension. Quand le transistor Q1 devient passant, la diode CR1 se bloque et la tension aux bornes de L2 fait croître linéairement un courant qui la charge en énergie magnétique ; on est alors sur une phase montante (n°1 en rouge). Quand Q1 se bloque, l’énergie emmagasinée dans l’inductance fait naître un courant qui va se diriger vers la charge et le condensateur pour le charger, en traversant la diode CR1 devenue passante ; on est alors sur la phase descendante (n°2 en vert).

En jouant sur le temps de conduction-blocage du transistor, on fera varier la quantité d’énergie stockée dans l’inductance. Il suffit maintenant d’imaginer des dents de scie infiniment plus petites (ouverture-fermeture rapides de Q1) et l’on comprend aisément que l’allure du courant tiré du réseau tend vers une sinusoïde parfaite avec une valeur crête à crête bien plus faible qu’une alimentation sans PFC. On a étalé la demande de courant dans le temps et le facteur de puissance peut maintenant aller de 0.8 à 0.999 suivant la charge demandée :


Finalement, ce PFC actif agit comme si l’alimentation était une résistance pure vue de l’extérieur, c’est à dire que le courant est en phase avec la tension et il est sinusoïdal sans déformations. L’efficacité du transport énergétique est alors maximale. On ne fait pas circuler de courants inutiles et on ne pollue pas le réseau avec un tas d’harmoniques. C’est beaucoup plus efficace qu’un PFC passif. De plus, le facteur de puissance ne s’effondre pas quand on augmente la charge, et au contraire il ne fait que se rapprocher de 1 s’il est bien conçu.

Les avantages d’un PFC actif sont nombreux. Sa mise en place évite la surcharge des installations électriques et permet de faire des économies d’électricité pour ceux qui doivent payer la puissance réactive (entreprises notamment). Il améliore le fonctionnement de l’alimentation lors des microcoupures ou des petites variations de tension sur le réseau car le contrôleur PFC analyse tout (courant et tension), fait office de tampon et stocke de l’énergie dans son condensateur de sortie. Le temps de maintien (hold-up time) est généralement un peu meilleur. Il délivre une tension continue et bien régulée à sa sortie pour alimenter l’étage de découpage, sans stress excessif.

Néanmoins, il possède aussi quelques inconvénients. Comme son nom l’indique, c’est un module actif donc il occasionne des pertes (MOSFET et diode notamment). Un module PFC actif seul a un rendement électrique d’environ 94 %, alors qu’un PFC passif est à environ 97 %. L’ajout d’un module actif tend donc à réduire le rendement d’une alimentation de 1 à 5 % suivant la charge qu’on lui demande. On peut le remarquer avec les alimentations sans PFC, destinées au marché US, qui ont toujours un meilleur rendement que les modèles européens dans des conditions identiques. Néanmoins, un PFC actif permet d’avoir un convertisseur DC-DC un peu plus efficace grâce à la tension élevée donc ça compense un peu les pertes qu’il produit, mais en partie seulement. Un PFC n’a rien à voir avec le rendement et il ne l’améliore pas ! En augmentant le nombre de composants, on augmente aussi statistiquement le nombre de pannes. On augmente enfin le coût et la complexité, même si les contrôleurs sont de plus en plus souples à utiliser. Du fait du découpage, il génère des parasites (harmoniques) et il est alors nécessaire de bien dimensionner les filtres en ligne à l’entrée pour éviter de les renvoyer sur le réseau.

Répartition des besoins en puissance

Orientations actuelles

Ces besoins ont bien évolué au cours de ces 4 dernières années. Il y a eu 2 visions différentes de ces besoins vis-à-vis des 2 fabricants de processeurs Intel et AMD. Intel a anticipé en imposant directement le 12 V comme référence aux fabricants de cartes mères pour amener la puissance nécessaire au processeur par l’intermédiaire du connecteur ATX12V. AMD a été plus laxiste et certains fabricants se sont contentés du 5 V pour alimenter les processeurs jusqu’à la série des Athlons XP.

Ils ont dû virer de bord à l’arrivée de la nouvelle génération de processeurs et utiliser le 12 V comme tout le monde car une tension plus élevée signifie moins de courant à faire transiter dans les fils pour une même puissance. Pour une demande de 100 W, en 5 V il faut amener 20 A de l’alimentation, alors qu’en 12 V on se contente de 8.3 A. C’est beaucoup plus simple avec une tension élevée car les forts courants sont toujours source de problèmes et de pertes (chutes de tension et échauffement).

Ces besoins sont maintenus à jour par Intel dans la norme ATX12V (V2.2) et la norme EPS12V (V2.91) plutôt destinée aux serveurs. On peut visualiser les 2 situations différentes sur un graphe générique de répartition des charges d’une alimentation 450 W :


La partie verte est la zone où l’on se trouve quand on emploie le 5 V pour alimenter le processeur. Ce 5 V est alors la tension prédominante et il faut un rail capable de fournir beaucoup de courant, le 12 V étant peu utilisé. Aujourd’hui, c’est l’inverse car le 12 V est la tension la plus critique et on se trouve donc dans la zone rouge. Si l’on mesure les besoins sur une configuration actuelle en charge, on se rend compte que le courant sur le 12 V représente 70 à 90 % des besoins globaux de la machine ! On comprend maintenant pourquoi la norme ATX se renforce nettement vis-à-vis de cette tension.

On se rend compte aussi que la puissance annoncée d’une alimentation peut sembler élevée au premier coup d’oeil, mais compte tenu de la dissymétrie énorme des courants demandés sur chaque ligne pour une configuration récente, la partie 3.3 V + 5 V ne servira quasiment pas car on demande généralement moins de 50 W combinés (suivant la configuration). Si votre alimentation permet 200 W maximum pour le couple 3.3 V et 5 V, c’est donc près de 150 W qui ne serviront jamais car seul le rail 12 V aura vraiment de l’importance. Une alimentation est faite pour faire face à toutes les situations, même celles qui ne sont plus tout à fait d’actualité.

Répartition des besoins en puissance – Quelques pts de repère

Voici quelques unes de mes mesures sur divers matériels dans les pires conditions d’utilisation possibles. Ca donnera une idée précise des consommations réelles qu’on peut espérer :


Pour avoir une idée plus globale, on utilise une machine (non overclockée et déjà respectable) avec un P4 3.4C, un Geforce 6800GT, 2 disques durs, un graveur, un lecteur de DVD, une carte son SBLive! 5.1, une carte WIFI, 2 ventilateurs 120 mm, 1.5 Go de DDR et une Tagan 420 W. A la prise, elle consomme 115 W en Idle, 204 W en Full CPU (S&M) et 246 W avec le CPU et le GPU travaillant à fond. Ces valeurs à pleine charge sont supérieures à ce qu’on consomme en temps normal sous un jeu par exemple car ça charge bien moins la machine que des logiciels fait uniquement pour consommer un maximum. En situation réelle, on ne dépasse pas quasiment pas les 200 W réels environ avec cette machine.

On assiste depuis quelques temps à l’augmentation massive des puissances avec des alimentations de 850 à 1000 W maximum disponibles. Ces effets d’annonce et cette débauche de puissance engendre chez beaucoup de personnes le sentiment qu’en ayant une alimentation de 850 W pour alimenter leur machine qui en tire à peine 200 W à pleine charge permettra d’avoir de la stabilité. Manque de bol, stabilité et puissance disponible sont 2 choses différentes ! Sans compter que surdimensionner son alimentation à outrance n’engendre pas forcément que des bonnes choses, en plus de la payer une petite fortune.

Pour une grande majorité de personnes, sans configuration exotique ou méchamment overclockée, une bonne alimentation définie pour 350-400 W et bien équilibrée au niveau des rails est très largement suffisante pour subvenir aux besoins de la machine.

Il faut faire attention à certaines marques bas de gamme qui n’hésitent pas à mentir sur les capacités réelles de l’alimentation en annonçant des chiffres mirobolants alors que l’alimentation coûte une misère. Maintenir une grosse puissance de manière efficace et stable se paye ! Il ne faut pas être naïf quand on voit des alimentations 500 W pour 20-30 €, il y a anguille sous roche à coup sûr. En général, il suffit d’ouvrir l’alimentation pour s’apercevoir que les composants sont sous-dimensionnés pour tenir les spécifications du constructeur…

Comme on en a parlé dans la partie rendement, on pourrait très bien envisager de ne plus avoir que du 12 V en sortie d’alimentation pour simplifier fortement sa conception et son câblage (fini l’énorme connecteur ATX24 inutile). Dans le domaine des serveurs, on a ce genre de choses avec des alimentations qui ne donnent que du 12 V (75 A pour le 12 V par ex.) et les tensions nécessaires (3.3, 5 V ou autre) sont directement créées à part à partir de ce 12 V s’il y en a besoin à l’aide de petits étages de conversion comme celui du processeur sur une carte mère.

La tendance actuelle est de déporter les circuits d’alimentation directement sur les cartes en convertissant le 12 V. Ca permet de mieux faire face aux états transitoires et aux demandes en courant très brutales d’un CPU ou d’un GPU qui peuvent passer à pleine charge en 1 cycle, les vitesses de montées en courant étant alors phénoménales (40-70 A/µs au niveau de la sortie d’un étage d’alimentation processeur). La conception de ces étages, à découpage très haute fréquence et capacité réservoir dédiée, est bien plus apte à encaisser ce genre de variations qu’une alimentation classique.

Régulation des tensions

Aspect général

La régulation est l’un des critères de stabilité pour avoir un bon fonctionnement de la machine. C’est l’action de maintenir les tensions dans une plage définie pour n’importe quelle puissance demandée par la machine, qui est par définition une charge très variable. La régulation est nécessaire car la demande de puissance sur une ligne provoque irrémédiablement une chute de tension sur celle-ci et il faut alors la compenser pour garder un niveau correct.

Le cas idéal serait d’avoir autant de circuits dédiés (transistors, transformateur, etc.) que de tensions à délivrer pour garantir une régulation sans faille quelle que soit la charge, mais c’est infaisable pour cause de place et de coût. La norme ATX permet donc une tolérance de 5 % sur le maintien des tensions principales pour assouplir les choix de fabrication et faire face à n’importe quelle situation. Ca ne pose aucun souci car les composants sur une carte mère ou autre ont également leur tolérance de fonctionnement, parfois plus élevée que ce que demande la norme ATX :


La norme est là pour cadrer les fabricants et assurer une certaine qualité. Ca ne signifie en aucune manière que sortir des plages définies entraînera obligatoirement des plantages ou des bizarreries. Certains changent simplement leur alimentation parce que leur 12 V se trouve à 11.8 V alors qu’il n’y a jamais eu un quelconque problème, c’est complètement absurde. Les légendes urbaines ont la vie dure et certains sites renforcent tout ceci à coup de conclusions grotesques lors de leurs tests… Se fier uniquement aux tensions mesurées au voltmètre pour qualifier la qualité d’une alimentation est une hérésie.

Booster ses tensions en croyant que ça améliorera forcément celle du CPU en est aussi une car le VRM (Voltage Regulator Module) qui s’occupe de son alimentation est justement là pour maintenir le Vcore dans une très faible tolérance quelle que soit la tension en entrée et la charge. Sa tolérance de fonctionnement est d’ailleurs généralement bien plus élevée que la norme ATX car il est sensé pouvoir tourner avec 10 V (tests personnels à 10,6 V avec un 3.4C o/c à pleine charge avec une perte volontaire sur la ligne) et même jusqu’à 9 V suivant le contrôleur qui s’occupe de piloter les phases. Le problème c’est qu’à 10 V, le courant à amener doit être un peu plus élevé pour garder une puissance constante et que le rendement de l’étage de conversion risque de diminuer (suivant sa topologie et la commande des MOSFETs). La norme autorise d’ailleurs jusqu’à 11 V lors d’une soudaine montée en charge pour le 12V2 du processeur, le VRM faisant de toute façon office de tampon grâce aux condensateurs à son entrée. De même, le 12V1 peut varier à 10 % près lors d’un pic de courant. On a de la marge…

On alimente quasiment jamais un circuit en direct avec ce qui sort de l’alimentation, notamment pour le 12 V. Il y a toujours un petit régulateur ou un convertisseur qui s’occupe d’adapter la tension délivrée au circuit. Les disques durs ont aussi une tolérance plus large, de -8 % à +10 % sur le 12 V en général.

Pour opérer cette régulation, on distingue 2 méthodes nous concernant. Il y a les alimentations à régulation indépendante pour chacune des tensions principales et celles à régulation couplée entre le 5 et le 12 V. Ces premières sont couramment (et abusivement) désignées par le terme “True Power” en référence à Antec et sont un peu plus coûteuses à produire car il y a quelques éléments supplémentaires à intégrer.

Régulation couplée 5/12V

L’immense majorité des alimentations (Hiper, Tagan, LC Power, Silverstone, Coolermaster, certaines Seasonic, Enermax, Fortron, etc.) ont une régulation couplée entre le 12 et le 5 V pour réduire les coûts et simplifier l’électronique. Le -5 et le -12 V sont très souvent couplées aussi au 5 et 12 V, mais on n’y attachera pas trop d’importance vu leur très faible utilité. Le 3.3 V a sa propre régulation indépendante à part, on la décrira dans la partie suivante et on ne s’en occupe pas pour l’instant.

Voici la description des éléments du côté régulation sur une LC Power, c’est quasiment la même chose pour toutes les alimentations à régulation couplée :


Puisqu’il n’y a qu’un seul transformateur, une seule commande pour gérer le rapport cyclique du découpage et plusieurs tensions de sortie, il faut trouver un moyen de satisfaire tout le monde. Pour cela, on établit une sorte de moyenne pondérée des tensions 5 et 12 V (et le 3.3 V aussi généralement) à l’aide de résistances. Cette moyenne reflète l’usage qui est fait de toutes les lignes utilisées pour la calculer. Elle permet alors de gérer les transistors en fonction de la charge sur les rails 5 et 12 V simultanément. Un contrôleur intégré de découpage (MLI) effectue un calcul d’erreur entre cette moyenne et une référence pour rétablir l’équilibre entre les 2 en agissant sur le temps de conduction des transistors à l’étage de découpage.

Beaucoup d’alimentations ont des petits potentiomètres accessibles à l’intérieur, ou à l’extérieur pour certains modèles (OCZ Powerstream), pour permettre au fabricant de les régler en usine (ils auront surement un point de colle qu’il faut faire sauter) et rien ne vous empêche de les tourner vous même pour affiner les tensions. En les tournant doucement, on modifie en fait la pondération, ce qui change la moyenne à la volée et agit sur le découpage en conséquence.

Il y en a 1 ou 2 potentiomètres à tourner, suivant comment le système est implémenté (3 dans le cas d’une régulation indépendante). Le 5 et le 12 V étant intimement liés, quand on touche à l’un, l’autre bouge et inversement. S’il y a 2 potentiomètres par exemple, ça veut dire qu’on modifie l’importance d’une tension par rapport à l’autre avant de faire la moyenne (on change sa résistance R du schéma suivant). On retrouve ça sur les Fortron par exemple. S’il y a 1 seul potentiomètre, on modifie la moyenne directement et ça fait varier tout en même temps. C’est beaucoup moins souple car on ne peut pas régler finement chaque tension et on retrouve ça sur les LC Power par exemple (c’est moins cher à faire).

Voici le principe avec une alimentation très simplifiée où l’on ne prend que le 5 et 12 V :


Et voici la régulation d’une LC Power 550 W qui fait une pondération entre les retours du 3.3, du 5 et du 12 V et a un réglage de l’ensemble grâce au potentiomètre unique (réglé en usine) :


Si l’une des tensions varie dans un sens ou dans l’autre, le comparateur du contrôleur le saura grâce à cet assemblage de résistances. On ordonnera alors d’envoyer plus ou moins d’énergie dans le transformateur pour tenter de rétablir la tension à sa valeur d’origine.

Cette seule boucle d’asservissement n’est malheureusement pas du tout suffisante ! Si la charge sur le 12 V vient à augmenter, il faut relever son niveau à cause de la chute de tension qui se produit lors de l’appel du courant plus important. Le feed-back est informé de cette baisse par le retour du 12 V, tandis que le 5 V n’a pas vu sa charge varier (donc n’a pas besoin d’être modifié). Le feed-back ordonne alors aux transistors de découpage de rester un petit peu plus longtemps passants pour envoyer plus d’énergie vers la sortie afin de compenser la baisse du 12 V. Malheureusement, en faisant ça, ce sont toutes les tensions de sortie qui se retrouvent boostées car elles sont toutes issues du même transformateur. Avec cette méthode, si le 12 V reviendrait effectivement à son niveau, le 5 V s’envolerait et sortirait bien vite de la norme. Il faut donc ajouter un élément supplémentaire pour induire une contre-réaction et atténuer ce phénomène non souhaité sur la(les) ligne(s) dont la charge n’a pas varié.

Pour éviter ça, le 5 et le 12 V (et le -5 et -12 V s’ils existent) sont couplées autour d’une même inductance. On ne peut pas la louper, c’est la plus grosse avec des fils de couleur différente, entourés autour d’un gros tore. C’est dans celle-ci que les impulsions issues du transformateur, et qui donneront le 5 et le 12 V, arrivent et effectuent plusieurs tours autour du tore grâce aux enroulements enchevêtrés. Cette inductance sert à lisser le courant comme on l’a vu précédemment, mais elle va aussi agir comme un mini transformateur pour moyenner les signaux puisqu’ils influencent le comportement magnétique de celle-ci et qu’en retour, elle va les influencer aussi sans faire de distinction.

Dans le cas où le 12 V se retrouve chargé, le découpage envoie naturellement plus d’énergie pour relever son niveau. En faisant ça et grâce au sens d’enroulement des fils, l’inductance induit une petite tension négative dans les enroulements autre que le 12 V, ce qui vient limiter la hausse du 5 V (charge invariante). Les tensions -5 et -12 V, généralement couplées sur cette même inductance, subissent la même chose avec une tolérance à +/- 10 % pour le -12 V.

On peut voir ce couplage car le niveau du 5 V augmente quand on tire sur le 12 V (configuration récente), et inversement avec une configuration dont le processeur tire sa puissance du 5 V. La contre-réaction engendrée dans l’inductance empêche que la tension de la ligne invariante ne sorte des limites imposées par la norme ATX. Mais le système n’est pas parfait et ça grimpe quand même un peu car on ne fait que limiter la hausse, on ne l’annihile pas totalement. La chute de tension sur la ligne chargée n’est aussi pas tout à fait compensée et l’on observe une petite baisse du 12 V si c’est cette ligne qui est chargée.

Tout l’art est de calculer au mieux cette régulation couplée pour s’adapter à un maximum de situations possibles, mais ce n’est pas aussi souple qu’on le voudrait. Elle peut vite atteindre ses limites dès que le chargement devient trop dissymétrique entre le 5 et le 12 V car la compensation n’est plus suffisante. C’est évidemment le cas avec les configurations actuelles car on demande beaucoup de puissance sur le 12 V et très peu sur le 5 V. Au final, ça peut donner de grandes amplitudes de tension si la régulation est mal implémentée.

De très rares marques, comme Silverstone, font des efforts de communication et annoncent ouvertement qu’il faut maintenir une certaine charge sur le 5 V afin d’aider la régulation couplée à garder le 12 V dans la norme. C’est très bien de le dire, mais c’est presque inapplicable car il faut trouver quelque chose à mettre sur le 5 V pour compenser…

Ci dessous, on a l’illustration de ce phénomène en ajoutant 20 W sur le 5 V, avec une résistance de puissance, pendant que le processeur est à pleine charge :


On voit clairement que l’ajout d’un chargement de 4 A sur le 5 V le fait chuter un peu, ce qui est normal ici, mais ça fait aussi remonter nettement le niveau du 12 V grâce au couplage alors que la charge sur le 12 V n’a pas varié. Il faut trouver le bon rapport entre les 2 tensions pour que le 12 V ne baisse pas trop, mais aussi que le 5 V n’augmente pas trop dans le même temps. La ligne qu’on soupçonne être la plus chargée doit être favorisée dans le calcul de la régulation pour induire une réaction appropriée. Si on y arrive, on a alors une bonne alimentation pour pas trop cher.

C’est d’ailleurs l’un des problèmes des sites testant des alimentations avec un banc résistif. Généralement, elles sont chargées équitablement sur tous les rails à la fois jusqu’à leur limite, ce qui facilite bien évidemment tout le travail de la régulation car rien n’est dissymétrique. Ca ne représente alors plus trop un cas normal (suivant la configuration). Les normes utilisent ce genre de chargement équitable pour qualifier une alimentation, son rendement, etc., mais ça n’est jamais vraiment proche de la réalité. Il faut bien choisir quelque chose pour comparer et ils ne vont pas perdre du temps à tester tous les cas possibles… Toutes les alimentations sur ces sites semblent alors très bonnes au niveau régulation, alors qu’avec un chargement réel sur une vraie configuration, elles peuvent vite s’effondrer (cas de certaines Tagan par ex.). Le site X-bit Labs est le seul à gérer correctement l’ensemble de tous les chargements possibles afin d’avoir le comportement intégral de la régulation. C’est de loin l’idéal, mais ça nécessite un peu de matériel.

Régulation indépendante

Une régulation indépendante fait appel à un élément qu’on désigne par le terme “amplificateur magnétique” ou mag-amp pour faire court. C’est ce qui permettra d’ajuster précisément le niveau des tensions et de pallier à leur manque d’indépendance. Les alimentations qui emploient ce genre de post-régulation sont peu nombreuses et sont majoritairement des alimentations haut de gamme comme les Antec True power ou Phantom, les Seasonic S12 500-600 W, l’OCZ Powerstream et les PC Power & Cooling pour ne citer que celles là.

Voici l’exemple d’une Seasonic S12 500 W pour voir les différences avec celle du dessus. Il y a à présent 2 mag-amps : un pour le 3.3 V et un pour le 5 V (une régulation couplée n’en a qu’un seul pour le 3.3 V). On a aussi une grosse inductance de lissage par tension, donc 3 grosses, et non plus seulement 2 dont une couplée entre le 5 et le 12 V :


Comme une inductance classique, le mag-amp est toujours un fil entouré autour d’un noyau ferromagnétique torique pour emmagasiner de l’énergie sous forme magnétique lors du passage d’une impulsion. La grande différence avec une simple inductance vient du matériau employé pour le noyau. Contrairement aux inductances de lissage, où l’on souhaite rester loin de la saturation du noyau (= gavé d’énergie magnétique) pour ne pas perdre les propriétés inductives (ca ça devient alors un simple fil), le mag-amp va justement utiliser ce phénomène pour changer complètement son comportement électrique. On dit que c’est une inductance saturable et il peut alors être contrôlé pour servir d’interrupteur magnétique un peu spécial. Il sera, en quelque sorte, capable de redistribuer avec un décalage une certaine quantité d’énergie afin de modifier la valeur moyenne d’une tension.

On a vu que la tension finale est déterminée par la hauteur et la largeur des impulsions que l’on va moyenner. La hauteur représente le niveau de tension qui est déterminé par le rapport du nombre de spires au transformateur, on ne peut donc pas y faire grand chose. Par contre, rien n’interdit de moduler une deuxième fois la largeur après le transformateur ! Un mag-amp est cet élément qui va pouvoir réduire la largeur des impulsions délivrées par l’enroulement secondaire, avant qu’elles ne soient lissées par l’inductance.

Voilà précisément le résultat obtenu (tensions juste avant lissage) avec un mag-amp sur un exemple fictif où l’on souhaite abaisser du 5 V pour créer une autre tension plus faible :


Le principe est de retarder le front montant de l’impulsion sur la ligne concernée pour en diminuer sa valeur moyenne (toutes les impulsions sont synchrones sur toutes les lignes puisqu’elles proviennent d’un même transformateur). Sur l’exemple, on retarde l’impulsion de 3 µs sur la ligne n°2 pour baisser la moyenne du signal à 3.5 V par exemple. En ajustant précisément le temps de retard, on comprend que l’on peut maintenir la tension de sortie avec une grande précision quelle que soit la charge. Si la tension en sortie diminue, on réduit le retard pour laisser passer plus d’énergie et inversement.

Les surfaces de couleur bleue représentent la part d’énergie éliminée d’une manière subtile pour créer le 3.5 V, mais elle n’est pas dissipée. Inutile de massacrer le rendement en dégradant de l’énergie inutilement ! Un mag-amp est un dispositif très efficace, n’occasionnant quasiment pas de pertes.

C’est ce que le 3.3 V utilise tout le temps (sauf dans le très bas de gamme où il peut être couplé avec le 5 et 12 V). Le 3.3 V ne possède pas d’enroulement sur le transformateur, il est directement créé à partir du 5 V. C’est son mag-amp qui va s’occuper de faire disparaître les 1.7 V de différence de manière efficace.

Le 3.3 V est régulé de manière indépendante grâce à un circuit qui compare la tension de sortie à une référence et qui en déduit les corrections à apporter au mag-amp en temps réel. Pour être encore plus précis et faire abstraction des chutes de tension dans les câbles, vu la faible marge de manoeuvre (3.14 à 3.47 V), on n’utilise pas la tension juste en sortie de l’alimentation sur le PCB comme d’habitude, mais la tension au connecteur ATX grâce à un fil de retour supplémentaire (le 3.3 V remote sense à la broche 13). Certaines alimentations disposent de 3 retours pour chaque tension principale afin d’améliorer la régulation. Ca permet d’avoir 12 V au connecteur et non pas 12 V dans l’alimentation, et pareil pour les 2 autres.

Régulation indépendante (suite)

Avant d’expliquer le fonctionnement du mag-amp, parlons un peu de ses caractéristiques. Il n’a que 2 états distincts dans notre application de régulation. Il peut être dans un état non saturé, c’est à dire qu’il possède une très grande inductance qui ne laisse pas passer le courant (enfin très peu car ce n’est pas une inductance infinie). A l’opposé, il peut être saturé, auquel cas son inductance chute brutalement à zéro, il devient alors un simple fil n’occasionnant qu’une infime chute de tension à ses bornes et le courant peut le traverser. Il se rapproche fortement d’un interrupteur idéal sans pertes.

Voici un exemple d’implémentation d’un mag-amp dans une alimentation simplifiée de topologie forward avec 2 tensions arbitraires dont l’une gère le découpage et l’autre s’autorégule grâce au mag-amp situé avant l’une des diodes Schottky. Il suffit d’imaginer une ligne supplémentaire en parallèle pour le 3.3 V, qui est identique au 5 V :


A la sortie du mag-amp (en V4), figure aussi la sortie d’un circuit noté “reset mag-amp” très important. C’est lui qui gère son comportement en le contraignant, grâce à une certaine tension appliquée en V4, à avoir un certain retard sur l’impulsion suivante.

Rentrons dans le détail avec ce schéma de la branche du 5 V où l’on remplace le circuit de reset par ce qu’il est, c’est à dire une source de tension ajustable notée Vc :


On suppose que le secondaire du transformateur (Ns) fournit une tension V1 alternative en créneau de +/-10 V et de période 20 µs. Sans le mag-amp et la tension Vc, la sortie filtrée serait donc du 5 V. On suppose aussi que le mag-amp L1 est déjà saturé avant d’arriver à t=0 et que Vc = -6 V. Juste avant t=0, le mag-amp était passant (un simple fil) et la tension en V3 valait 10 V (on néglige la chute de tension de la diode D2 pour l’explication). A t=0, la tension V1 devient négative à -10 V, ce qui bloque la diode D2. Le mag-amp voit alors à ses bornes une tension égale à V1+Vc (D1 est devenue passante), soit 4 V, qui vont rester durant le temps où V1 est négative, c’est à dire 10 µs. Durant ces 10 µs, un faible courant issu de Vc traverse le mag-amp et le force à revenir dans un état non saturé (le reset). On dit alors qu’on applique une remise à zéro de 4 V * 10 µs = 40 Vµs. Ce sont ces 40Vµs qui vont définir le temps de retard à imputer à l’impulsion suivante.

Quand t=10 µs, V1 change de signe et revient à +10 V. Le mag-amp étant revenu dans un état non saturé grâce au reset précédent, il ne va pas laisser passer le courant, qui arrive du transformateur, tout de suite. La tension aux points V2 et V3 restera à 0 V jusqu’à ce que le mag-amp soit à nouveau saturé à cause des 10 V à ses bornes. Toute l’astuce se situe ici car le temps que met le mag-amp à se saturer est défini grâce aux 40 Vµs qu’on a “préchargé” dans le noyau à l’impulsion négative précédente ! Le calcul des zones A et B est montré sur le graphique et comme elles sont de même surface (40 Vµs), on peut déduire que le temps de retard vaut 4 µs. Ce qu’on a accumulé en A, on le transfère en quelque sorte en B pour annuler une partie de l’impulsion. Quand ces 4 µs sont écoulés, le mag-amp devient saturé presque instantanément, son inductance chute brusquement et il laisse alors passer le courant sans opposer de résistance. Les tensions V2 et V3 (chute de tension de D2 négligée encore une fois) passent alors à 10 V et le cycle recommence…

Finalement, au lieu d’avoir du 5 V avec du 10 V haché à 50 % (alternances positives de V1 uniquement), on obtient du 3 V grâce à du 10 V haché à 6/20 = 0.3 soit 30 %. On a décalé le front montant des impulsions de 4 µs à chaque fois, on a donc diminué la valeur moyenne de la tension V3 une fois qu’elle aura été lissée. En modifiant Vc avec un petit système électronique, on modifie la surface de la zone A et donc celle de la zone B indirectement. Comme la tension maximale ne change pas, le retard est le seul paramètre à pouvoir évoluer. C’est comme ça qu’on peut réguler très précisément la tension en sortie, pour peu que la tension de reset Vc puisse être modifiée très finement.

Vous avez surement compris que pour une alimentation réelle, il suffit de faire la même chose que le 3.3 V avec le 5 V en introduisant un mag-amp juste avant l’une de ses 2 diodes de redressement et le tour est joué ! Ce deuxième mag-amp sera piloté, de la même manière que pour le 3.3 V, par rapport à la tension de sortie du 5 V pour s’adapter en temps réel aux conditions de charge en sortie. Il n’y a plus que le 12 V à réguler, ce qui ne pose pas de problème puisque la commande de découpage est toujours disponible et on peut l’utiliser rien que pour lui à présent. Le 12 V est donc la tension dont les variations piloteront directement l’étage de découpage, c’est sa régulation à lui. Les autres tensions s’ajusteront toutes seules grâce à leur mag-amp respectif. La régulation est alors devenue indépendante !

Si l’on charge beaucoup le 5 V et que le découpage ne change pas (12 V invariant), il faut être sûr que le mag-amp dispose de suffisamment de marge de manoeuvre pour que le 5 V soit maintenu à son niveau en faisant tendre le retard vers 0. Un mag-amp ne peut délivrer qu’une tension de sortie plus faible que la tension à son entrée donc il faut bien définir la hauteur des impulsions et la capacité du mag-amp sous peine d’être un peu trop limité.

Au final, ça en fait un moyen très efficace pour réguler des alimentations à sorties multiples, sans que les chargements sur une ou plusieurs lignes n’influencent la régulation de l’ensemble. On peut alors réduire la tolérance sur les variations de tension en sortie et Antec les définit par exemple à +/- 3 % contre +/- 5 % pour les alimentations classiques. Lors de tests sur une alimentation bien faite (Seasonic S12 500 W), les variations sur le 12 V de 0 à 100 % de sa capacité (chargement dissymétrique) sont de seulement 0.015 V.

Qualité des tensions

La régulation des tensions c’est bien, mais ce n’est qu’une partie de ce que l’on peut appeler la stabilité. Les tensions mesurées au voltmètre seules ne montrent pas grand chose. Quasiment n’importe quelle alimentation actuelle sera assurément dans la tolérance des 5 % de la norme ATX dans des conditions normales d’emploi.

Un véritable test d’alimentation demande plus de 30 pages et aucun site ne l’a fait à ce jour car ça demande beaucoup de temps, des compétences et du matériel hors de prix (charges électroniques programmables, systèmes de capture, etc.).

Plus que les aspects statiques d’une mesure au voltmètre, ce sont les aspects dynamiques et transitoires qui sont importants pour la stabilité. Une machine ne plante pas parce qu’on mesure 11.8 V constants au voltmètre ! Il s’est passé des choses entre temps qu’un voltmètre est bien incapable de mesurer si jamais il y avait un problème et trop de maux sont injustement imputés aux tensions mesurées sur une Molex. Ce sentiment est renforcé par certains sites incompétents qui annoncent qu’un 12 V se trouvant à 11.8 V est quelque chose de dangereux par exemple, plus idiot tu meurs ! On peut changer une alimentation pour un modèle plus discret par exemple, mais la changer uniquement parce qu’on a 11.8 V alors qu’on n’a jamais eu le moindre problème, c’est complètement idiot.

Est-ce qu’une alimentation qui oscille entre 11.5 et 11.7 V donnera une machine moins stable qu’une autre qui oscille entre 12.5 et 11.8 V par exemple ? Aucune réponse ne peut être donnée sans étudier en profondeur chacune des alimentations. Vous auriez sans doute tendance à dire que la première est la plus mauvaise, mais c’est complètement subjectif !

Les contraintes imposées à l’alimentation à l’heure actuelle sont élevées car les CPU et GPU consomment beaucoup. Lorsqu’ils nécessitent de passer à pleine charge, c’est tout de suite une grosse puissance qu’il faut satisfaire sans délai en passant de 2 A à 8 A pour un processeur par exemple. On peut obtenir alors ce genre de comportement sur le 12 V par exemple :


Cette demande brutale de puissance engendre des temps de montée en courant extrêmement brefs (plusieurs A/µs) et ceux-ci sont plus rapides que le temps nécessaire à l’alimentation pour réagir. Le temps de réaction de l’alimentation, pour retrouver un niveau correct de tension, dépend notamment de sa vitesse de découpage et des caractéristiques de la boucle de régulation. Il faut donc avoir recours à des réservoirs d’énergie, c’est à dire des condensateurs, qui délivreront instantanément le courant emmagasiné pour maintenir le niveau en attendant que l’alimentation prenne le relais. Malheureusement, rien n’est parfait et suivant la capacité disponible, la tension chute quand même pendant une fraction de seconde. Il se passe l’inverse quand la charge diminue brusquement car il faut réduire le niveau d’énergie envoyée dans le transformateur et ça prend un certain temps.

Suivant la qualité de l’alimentation, les tensions descendront donc plus ou moins fortement. L’avantage sera normalement donné à celles qui possèdent beaucoup de condensateurs de forte valeur en sortie (une Antec Phantom est gavée à ce niveau là par exemple). La norme demande que l’alimentation soit capable de faire face à certaines montées brutales de courant sur une large plage de fréquence (50 Hz à 10 kHz), avec tous les rails chargés en même temps et quelles que soient les conditions sur le réseau. Durant cette torture, elle doit impérativement maintenir les tensions dans la tolérance des 5 %.

C’est de loin ce qu’il y a de plus stressant pour une alimentation et c’est là qu’on voit si elle est bien conçue. Il suffit que l’étage de sortie soit mal calculé ou sous-dimensionné et l’on perdra en stabilité. La tension peut devenir trop faible pendant un instant et faire planter un périphérique un peu sensible par exemple. Et pourtant ça n’aura duré qu’un temps très court, chose qu’un simple voltmètre ne verra jamais avec ses 2-3 mesures par seconde. Extrait de la norme sur les états transitoires de courants à tenir :


Par exemple, un rail 5 V défini à 18 A maximum doit pouvoir encaisser une demande de 5.4 A avec une vitesse de montée de 1 A/µs. En 5.4 µs (= 0.0000054 s), la charge aura donc augmenté de 5.4*5= 27 W et il faudra que l’alimentation garde les tensions dans la norme. Même à 100 kHz pour le découpage, une alimentation met déjà 10 µs pour simplement générer une nouvelle impulsion (suivant le moment où la charge se déclenche par rapport à l’impulsion en cours). C’est donc déjà 2 fois plus de temps qu’il ne faut à la charge pour s’établir, en sachant que le temps de réaction de l’asservissement n’est pas encore compté. Autant dire que c’est compliqué car l’alimentation n’aura même pas encore réagi que la charge aura déjà grimpé depuis longtemps. Sans condensateurs, il est impossible de tenir ce genre de contraintes.

Les étages d’alimentation dédiés à un élément (processeur par ex.) limitent l’impact de ce genre de choses car ils font aussi office de tampon entre l’élément et l’alimentation. Néanmoins, ça ne suffit pas toujours et c’est bien souvent le cas lors d’overclockings très poussés, pour lesquels les étages ne sont pas forcément calculés. Ca peut engendrer une puissance très importante demandée trop rapidement, et un plantage peut se produire car on aura dépassé une limite de fonctionnement. C’est alors la carte-mère qui est coupable et non pas l’alimentation ! Il est quasiment impossible de déterminer la cause exacte du problème tellement les sources sont nombreuses de toute façon (et pouvant varier d’un modèle à l’autre).

Les tensions en sortie ne sont jamais réellement propres de toute façon. On obtient ce genre d’allure en sortie, très caractéristique d’un découpage :


Il subsiste ce qu’on appelle une ondulation résiduelle (“ripple” en anglais) et du bruit électrique (parasites hautes fréquences). Cette ondulation est à la fréquence des impulsions issues du transformateur (64-100 kHz généralement) et l’on peut voir des pics correspondants au moment où les transistors deviennent passants ou bloqués. L’allure de sortie dépendra de la capacité du filtrage à atténuer les hautes fréquences et à aplanir cette ondulation. Celle-ci ne se voit pas non plus au voltmètre, la tension ne cesse pas de varier pourtant, mais c’est beaucoup trop rapide pour l’appareil de mesures.

Sur le graphe, on retrouve bien la montée qui correspond au temps où les transistors alimentent la sortie directement au travers du transformateur (courant croissant dans l’inductance de lissage) et la descente où c’est l’inductance et les condensateurs qui servent de générateurs pour assurer la continuité du transfert de puissance.

La norme ATX demande que l’ondulation ne dépasse pas certains seuils (crête à crête) :


Généralement, c’est suffisamment bien filtré et largement dans la norme. Il n’y a donc pas trop à s’inquiéter de ce phénomène, sauf quand on demande vraiment beaucoup de puissance. Le filtrage aura alors peut être un peu de mal à faire face si sa qualité n’est pas au rendez-vous…

Rails multiples de 12V

A quoi ça sert et pourquoi ?

Il faut bien voir que la nouvelle mode du marketing est de vanter les mérites des multiples rails 12 V pour vendre des alimentations en annonçant des performances supérieures, 2 fois plus de stabilité et autres bêtises du même genre. A cause de ça, beaucoup de monde pense qu’avoir 2 rails 12 V, ou plus, est tout de suite beaucoup mieux et synonyme d’une alimentation de haute qualité. A leurs yeux, une alimentation à simple rail sera alors devenue mauvaise. Et bien raté, vous avez tout faux si vous pensez ça ! Si l’on regarde comment sont gérés ces rails multiples et ce que la norme demande précisément, on s’aperçoit vite que ça n’apporte pas grand chose et que ça relève plus de la supercherie qu’autre chose…

La cause de cette évolution, depuis le passage en version 2.0 de la norme ATX, est l’application d’une norme de sécurité (IEC/EN 60950-1) qu’Intel a cru bon de greffer sur sa norme. Celle-ci repose sur le fait qu’on doit maîtriser les énergies mises en jeu dans un système électrique que l’on peut manipuler facilement (c’est le cas d’une alimentation). On ne doit pas dépasser certains seuils considérés comme dangereux si un incident se produisait (surchauffe, incendie).

En ce qui nous concerne, il faut faire en sorte de ne pas dépasser 240 VA (voltampères) sur une branche donnée qui se trouve à un potentiel de plus de 2 V (donc 20 A sous 12 V au maximum) ou de ne pas avoir une énergie stockée de plus de 20 joules. Pour respecter cela, Intel demande de scinder le rail 12 V et de mettre en place un système de contrôle quand sa capacité dépasse ces 240 VA. Ca permet alors d’avoir plusieurs lignes 12 V protégées indépendamment des surintensités, mais ça ne veut absolument pas dire qu’elles sont régulées, ni même fabriquées de manière indépendante !

Attention à ne pas confondre double rail et stabilité car ce sont 2 notions différentes. Ce n’est pas parce que l’alimentation a 2, 3 ou 4 rails 12 V qu’elle est forcément plus puissante ou stable, ça c’est du marketing ! La norme ATX n’impose d’ailleurs rien de plus que précédemment sur ce point. Chaque fabricant sera libre de séparer le 12 V comme il veut et l’on donnera 3 exemples différents. La seule exigence est d’avoir une sécurité sur chaque ligne 12 V, rien de plus.

Il en va de même pour les arguments du genre “les signaux délivrés seront plus propres”, c’est aussi exagéré et pour 2 raisons. La première c’est que la séparation des rails peut être tout à fait simple à la manière d’un Y, auquel cas vous feriez la même chose avec un simple dédoubleur Molex (on le verra par la suite). La deuxième raison concerne le fait qu’on n’utilise normalement jamais le 12 V tel qu’il sort de l’alimentation. Il y a toujours des régulateurs ou des étages de conversion complets entre le 12 V et l’élément à alimenter. Peu importe que le 12 V soit un peu perturbé, ça ne transparaîtra pas après être passé par cet étage intermédiaire de régulation. Pour les disques durs et autres périphériques, un circuit dédié transforme le 12 V pour piloter le moteur par exemple, ce n’est pas injecté dedans sans précaution.

Rails multiples de 12V – Portée de la norme, vue fabricant

On trouve une multiplication des rails 12 V dans les applications de type serveur notamment car on ne lésine pas avec la sécurité d’emploi sur ce genre de matériel. Dans ce cas, il n’est pas rare d’avoir des alimentations à 4 rails 12 V, notés 12V1 à 12V4. Chacune des lignes 12 V est protégée et alimente un élément bien défini comme la carte mère ou chaque processeur dans le cas d’un biprocesseur. Il est faux de croire que ces rails multiples ont quelque chose à voir avec l’apparition du SLI ou du PCI-Express. Ce n’est pas parce qu’un fabricant met un joli autocollant “SLI ready” en même temps que l’apparition du double rail chez lui, que les 2 choses sont liées !

Si l’on examine d’ailleurs attentivement la norme ATX 2.2, on se rend compte que les connecteurs PCI-Express n’y apparaissent même pas (hors ATX24) et il faut se référer à la norme EPS12V 2.91 révisée il y a peu. Comme la norme ATX est gérée par Intel, les standards s’articulent logiquement autour de ses plates-formes. Le SLI est destiné à la base aux configurations AMD car le SLI Intel est très récent et postérieur à l’ATX 2.2. Il n’y a aucun rapport entre le double rail et le SLI.

La norme en elle-même n’est pas très claire, surtout entre la norme ATX et la EPS12V qui est rédigée plus rigoureusement pour les alimentations à partir de 550 W. Certains statuts ATX ne sont même pas définis comme étant obligatoires ou simplement recommandés.

Pour la norme EPS12V, il est marqué que la limitation des 240 VA n’est pas une obligation et n’est qu’une recommandation. On peut donc être tout à fait en accord avec la norme sans avoir plusieurs lignes 12 V séparées. Mais quel fabricant oserait retirer cet argument commercial pour fabriquer à nouveau des alimentations à un seul rail ? L’obligation tient sur la limitation de puissance des rails par rapport à ce que le fabricant annonce. Les sécurités de surintensité doivent alors s’enclencher quand on surcharge le rail entre 110 et 150 % de sa capacité :


On a vu précédemment qu’il n’y a de toute façon qu’une seule source 12 V fabriquée à l’aide d’un seul enroulement dans le transformateur d’une alimentation ATX classique (il peut y avoir 2 transformateurs en parallèle pour les grosses puissances de 700-1000 W). La norme EPS12V dit clairement que ce n’est pas un problème d’avoir un gros rail scindé en plusieurs lignes pour le 12 V, du moment que chacune dispose de sa propre sécurité de surintensité. A ce moment là, le gros rail qu’on va diviser, et qui dépasse les 240 VA, n’est pas soumis à la règle des 240 VA puisqu’il se trouve à l’intérieur de l’alimentation.

Le fabricant dispose alors d’un gros rail 12 V, de 25 à 45 A maximum généralement, qu’il peut séparer comme bon lui semble. Il peut choisir de faire par exemple 20+10, 18+12, 15+15 dans le cas où l’on dispose de 30 A. Il est probable qu’il équilibrera les 2 lignes et privilégiera même le 12V2 un petit peu pour le processeur. Il peut aussi s’arrêter à 18 A afin d’avoir 2 A de marge pour la sécurité de surintensité et ainsi rester dans la norme. Certains mettent carrément le maximum avec 20 A pour les 2 lignes afin de brider au minimum l’utilisateur, même si on n’a droit qu’à 30 A au total (20+10 ou 10+20 en saturant l’une des lignes). Et enfin, par souci d’économie, certains mettent carrément des valeurs fantaisistes alors qu’il n’y a aucune sécurité sur les rails séparés, si ce n’est la surcharge générale…

Voilà ce qui est demandé pour les sécurités de coupure si on a opté pour plusieurs rails 12 V :


Il faut bien se rendre compte que les valeurs de coupure sont parfois réglées bien larges par le fabricant. Par exemple, si un rail est défini sur le papier à 18 A maximum, on aura probablement la coupure de sécurité vers 20-22 A à cause du réglage qui peut varier un peu d’un modèle à l’autre.

Au final, pas mal de fabricants ne sont pas pour ce double rail car il ne sert à rien et augmente le coût final. Certains ne respectent pas la norme car pour de gros systèmes, il faudrait 4 à 6 rails ce qui pose des problèmes d’encombrement, de complexité et de coût pour gérer un grand nombre de sécurités. Un seul rail 12 V n’a rien de plus dangereux que 2 rails plus petits, du moment qu’une sécurité de surcharge générale est présente. Les gens responsables de la norme ont surement été un peu vite en besogne et n’ont pas évalué la portée réelle du double rail car personne ne sait vraiment pourquoi ce choix a été fait. Une OCZ Powerstream 520 W à un rail 12 V n’a jamais été plus dangereuse qu’une Silverstone Zeus à 4 rails 12 V par exemple.

Intel aurait déjà annoncé officieusement aux fabricants que le double rail peut être optionnel (déjà dans la norme EPS12V où ce n’est pas obligatoire), mais dans l’attente d’une norme ATX écrite, personne ne semble bouger de peur de perdre une part de marché… A confirmer.

Comment séparer les lignes 12V ?

Il y a différentes manières de séparer le 12 V et chaque alimentation y va de sa petite touche personnelle. On analysera donc seulement 3 exemples pour expliquer un peu les différences.

Le premier cas est celui d’une Tagan U22 qui dispose d’un petit module dédié à la séparation du 12 V principal en 2 lignes appelées 12V1 et 12V2. Sur les photos, le 12 V filtré arrive dans le bas et ressort en haut du module sur 2 séries de fils. Le module permet même de mettre un 12V3 si l’on veut (pas utilisé ici) :


Le principe est simple puisqu’il s’agit de scinder le 12 V déjà filtré comme le ferait un dédoubleur en Y, à la différence près que chacun des 2 rails obtenus possède sa propre sécurité de surintensité (OCP) et un petit condensateur supplémentaire ici :


La sécurité de surintensité se fait en mesurant la tension aux bornes des shunts (les 2 gros fils résistifs orangés RS1 et RS2) lors du passage du courant. Un courant de 20 A provoque une certaine chute de tension au passage du shunt, donc en ayant accès à cette information, on sait quand il faut déclencher la sécurité grâce à un peu d’électronique (comparateur). Conformément à la norme, le 12V2 alimente uniquement le connecteur ATX12V destiné exclusivement au processeur, tandis que le 12V1 s’occupe de tout le reste (carte mère, Molex, PCI-E, AGP, etc.). Du fait des 2 condensateurs, le bruit électrique sur la tension est potentiellement isolé et réduit d’une ligne à l’autre (petite réserve d’énergie).

On peut montrer un deuxième montage en étudiant la sortie d’une LC Power 550 W. Elle gère les 2 rails un peu différemment avec un filtrage indépendant pour chacune des lignes, contrairement à la Tagan qui filtre le 12 V avant de le séparer. Une petite inductance de faible valeur et un condensateur sont incorporés sur chaque ligne pour former un filtre LC afin d’atténuer les parasites hautes fréquences comme on le fait sur un rail unique :


C’est là qu’on voit aussi les économies réalisées sur des alimentations bas de gamme. En effet, aucun système de contrôle des surintensités, demandé par la norme, n’est présent sur les 2 rails ! Elle ne la respecte pas à ce niveau comme beaucoup de petites marques, car mettre des sécurités en place coûte plus cher (circuiterie supplémentaire à mettre en place).

Le montage sur une Seasonic S12 500 W est encore plus enfantin puisque tout le 12 V est filtré d’un seul coup, puis simplement dédoublé comme un Y à la sortie. Pourquoi s’embêter alors que la norme n’en demande pas plus ? Ca devrait finir de convaincre ceux qui pensent que le double rail c’est le top du top… Les shunts permettent encore une fois de savoir quand enclencher la sécurité lorsque l’on dépasse trop la limite prédéfinie par le fabricant :


La manière de séparer les rails permet d’avoir ici la réserve d’énergie maximale pour les 2 rails en même temps au lieu d’en avoir la moitié comme la LC Power qui a très peu de capacité d’ailleurs (économies). Le 12V1 et le 12V2 peuvent subir de grosses montées en puissance, ils seront couverts par les 2 condensateurs en attendant la réaction de l’alimentation. Seasonic se permet même d’éliminer les petites inductances pour filtrer les hautes fréquences (présentes sur le 3.3 et le 5 V) et c’est un filtre LC tout simple qu’ils ont décidés de mettre en place. Il faut espérer que ce soit suffisant pour éviter trop de variations et de parasites électriques. Il serait bien utile d’avoir un oscilloscope à portée de main dans le cas présent. Néanmoins, ils peuvent se le permettre car le découpage se fait à plus haute fréquence donc l’amplitude de l’ondulation résiduelle est normalement moins élevée que pour les autres alimentations.

Les exemples fournis ici possèdent bien une séparation physique sur le PCB, mais ils n’ont pas forcément les sécurités qui vont avec. Certains fabricants magouillent et ne font pas cette séparation comme c’est demandé pour des raisons de coût et de complexité. Il en va de même pour la connectique parfois, puisque certains branchent des connecteurs autre que celui de l’ATX12V-EPS12V du(des) processeur(s) sur le 12V2. Il faut alors démonter l’alimentation pour s’apercevoir du non respect de la norme…

Rails multiples de 12V – Limitations induites par cette norme

Si d’un point de vue sécuritaire, ça peut se révéler être une bonne chose, il peut y avoir quelques inconvénients à disposer de rails bridés plutôt qu’un seul de forte capacité comme avant. Les rails uniques ne posaient aucun souci et n’en poserait pas non plus à l’heure actuelle (Cf. la séparation en Y de la S12 ci-dessus). Penser le contraire signifie que le marketing a réussi à vous lobotomiser (sans parler de certains sites web qui racontent n’importe quoi)…

Le problème peut apparaître quand on a une grosse charge à mettre sur du 12 V, du genre un SLI avec 5-6 disques durs (+ le reste avec la carte mère, etc.), le tout branché sur le 12V1 car on a pas le choix. Quand les disques démarrent, ils nécessitent un courant plus élevé que le courant normal à cause de l’induction moteur (4 à 5 fois plus grand avec ~2 A par disque dur contre ~0.5 A en temps normal) et le SLI va aussi tirer pas mal. Voici l’exemple d’un disque Seagate au démarrage, on voit la pointe de courant sur le 12 V dans les premières secondes :


Au démarrage, la demande instantanée de puissance peut être telle qu’on dépasse la limite en courant du rail durant quelques instants et celui-ci enclenche la sécurité de surintensité pour protéger l’alimentation. Il devient alors impossible de booter la machine car le 12V1 bride tout à cause de sa limite relativement basse. Si on avait un rail unique avec la pleine puissance disponible, ce problème n’apparaîtrait que bien plus tard si on rajoutait encore des éléments.

Cette implémentation des rails multiples ne plaît pas à tout le monde car elle empêche d’utiliser tout le potentiel d’une l’alimentation et de faire certains montages. Il faut par exemple disposer de certaines options pour faire démarrer un grand nombre de disques durs avec un temps de retard (SATA staggered spin-up) pour éviter une grosse pointe de courant au démarrage et la mise en sécurité directe. Une fois passé le démarrage, ce n’est plus un problème car on consommera beaucoup moins.

On est bridé également dans le cas de l’overclocking du CPU car on n’a droit qu’à 240 W maximum sur le 12V2, dans lesquels il faut compter avec le rendement de l’étage d’alimentation du processeur qui se situe vers 80-85 %. Ca nous donne un processeur consommant réellement 190 W au maximum, ce qui peut être atteint avec les plus gros processeurs Intel à pleine charge et overclockés massivement. Et encore, on est dans le meilleur des cas où l’on dispose de 20 A sur le 12V2 car la majorité des alimentations permettent seulement entre 14 et 18 A sur le 12V2. Ca sera le cas dans le prochain dossier avec un Pentium 840D dualcore overclocké qui, à pleine charge, mettra en sécurité quasiment toutes les alimentations bien avant la fin des tests de charge, même avec un 12V2 à 20 A ! Avec une consommation par défaut de ~130 W à pleine charge, la moindre augmentation du Vcore fait exploser sa consommation et l’ATX12V demandera plus de 250 W pour nourrir le processeur !

Certaines alimentations comme les Tagan U22 permettent de revenir en norme ATX 1.3 à un seul rail 12 V à l’aide d’un interrupteur, qui modifie juste la sécurité, pour pallier à ce genre de problèmes. Néanmoins, pour une configuration normale, même overclockée moyennement, il ne devrait pas y avoir de souci. Seuls quelques cas très spéciaux avec des overclockings très poussés et des configurations très chargées seront ennuyés par ce système de rails multiples. Un seul rail 12 V sera toujours beaucoup plus souple d’emploi que plusieurs rails bridés…

Influence de la température

Comment doit être définie l’alimentation ?

La température est en général l’ennemi de l’électronique, à plus ou moins grande échelle. La température des composants dépendra directement de la chaleur dissipée du fait de leur rendement, de l’importance de la ventilation, de la qualité des contacts, des radiateurs et de la température de l’air qu’on aspire (air dans la tour vers 25-40 °C suivant la machine et l’ambiant). Plus l’alimentation a un rendement global élevé, moins la température devient un problème. Dans ce cas, on pourra même ventiler moins pour garder une température acceptable sans avoir des nuisances sonores élevées. La température a aussi une incidence sur la durée de vie des composants. Plus l’alimentation sera chaude, plus sa durée de vie et ses performances diminueront (condensateurs électrolytiques qui vieillissent plus vite par ex.).

La capacité d’une alimentation à fournir de la puissance doit être définie en fonction de la température de l’air pour son refroidissement. C’est une donnée quasiment toujours absente des spécifications constructeur pour la simple raison qu’elle permet de tricher facilement sur ses capacités réelles. Attention, on parle pour l’instant de capacité à fournir une puissance donnée, pas de rendement.

Les spécifications de la norme ATX 2.2 demandent que les alimentations soient capables de tenir leur puissance maximale annoncée (à pleine charge) entre 10 et 50 °C ambiant. Bien évidemment, beaucoup d’entres elles ne tiennent pas compte de cela et se mettront en sécurité avant ou verront simplement leur capacité diminuer fortement.

Les alimentations sont généralement définies pour une puissance maximale donnée entre 0 et 25 °C, ce qui n’a pas trop de sens puisque c’est trop peu par rapport à la réalité. Ce qui n’apparaît quasiment jamais c’est la température maximale où la capacité devient nulle ou qu’il est dangereux d’aller, en général vers 70 °C. Cette température permet de tracer l’évolution de la capacité d’une alimentation en fonction de la température. Plus l’air devient chaud, plus on perd en puissance disponible totale avec par exemple une perte de 10 W pour chaque degré Celsius en plus au dessus de 25 °C. Voici l’exemple d’une alimentation haut de gamme PC Power Cooling et d’une alimentation bas de gamme :


Dans le bas de gamme, on vous promettra qu’elle tient (peut être) 500 W à 25 °C, mais sa capacité diminue très vite avec la température et l’on atteint 0 W disponibles à 70-80 °C. Dans cet exemple et en supposant que l’air de la tour soit à 40 °C, votre alimentation 500 W bas de gamme ne permettra déjà plus que 350 W maximum alors qu’on a rien fait encore ! On peut aussi supposer que le fabricant sait très bien qu’elle ne tiendra pas ses spécifications en situation réelle et il mettra des turbines en guise de ventilation pour forcer le refroidissement et améliorer son comportement. En effet, ça ne coûte rien de faire tourner un ventilateur en 12 V, contrairement à acheter des composants de meilleure qualité…

A l’inverse, une alimentation haut de gamme sera surdimensionnée et tiendra ses spécifications avec, par exemple, 500 W à 50 °C avant de décliner sous ce qui est annoncé. Normalement, on n’atteint jamais la limite haute… Cette bonne alimentation achetée pour 500 W sera donc réellement une 500 W en situation réelle, et non pas une 500 W s’effondrant à 350 W dès qu’il fait un peu chaud.

On peut prendre l’exemple des Antec Phantom 350 et 500 W qui sont quasiment identiques, mais la 500 W possède un ventilateur. Ca lui permet de monter moins haut en température, donc de réduire la perte de puissance par degré et au final d’afficher 150 W de plus alors que les composants n’ont pas vraiment changé. Il est à peu près certain qu’en rajoutant un ventilateur sur la 350 W et en relaxant les sécurités de surcharges, elle doit pouvoir tenir plus de puissance aisément. Certains rapports sur des tests fabricants pour des alimentations passives montrent également ce phénomène qui veut qu’en ventilant un peu, on augmente nettement la capacité disponible en courant de manière fiable.

C’est d’ailleurs toute la difficulté des alimentations passives de fournir une grosse puissance sans faiblir. Même si le rendement est de 80 %, c’est encore bien loin de la perfection donc la dissipation élevée fait nettement grimper la température et on perd en capacité. Quand on atteindra 95 % de rendement en charge typique, là on pourra bien se passer de ventilation. Néanmoins, ça ne pose pas réellement de problème car on n’est jamais tout le temps à pleine charge en train de tirer 300 W sur l’alimentation, c’est plus normatif qu’autre chose disons.

Influence de la température – Raisons de la perte de capacité

Cette perte de capacité est liée au fait qu’à partir d’une certaine température, certains composants voient leurs caractéristiques électriques décliner. C’est notamment le cas des diodes Schottky qui sont directement responsables du courant maximum possible sur chaque ligne. Les MOSFETs voient aussi leurs pertes par conduction augmenter avec la température (la résistance série équivalente augmente) et leur capacité à laisser passer du courant aussi.

Ci-dessous, on montre ce phénomène d’après les données des fabricants entre une barrière Schottky issue d’une Seasonic S12 et d’une LC Power 550 W :


Pour la Seasonic S12, la barrière peut tenir 30 A (sur le schéma c’est 15 A par diode et il y en a 2 dans une barrière) jusqu’à ce que sa température atteigne 125 °C (déjà bien haut), après quoi elle commence à faiblir pour ne plus fonctionner à 150 °C. Pour la barrière sur la LC Power, elle ne tient que 16 A (là c’est pour les 2 diodes et il y a 2 barrières en parallèle pour tenir 32 A maximum) jusqu’à ce qu’elle atteigne seulement 60 °C, après quoi elle s’effondre ! Vu ses autres caractéristiques, son rendement n’est pas terrible et elle va chauffer plus que celle de la Seasonic, donc accélérer sa perte de capacité. Une température de jonction de 60 °C est déjà une température quasiment atteinte en fonctionnement normal…

Autrement dit, la LC Power est sous-dimensionnée pour des raisons de coût évidemment. La Seasonic S12 tiendra ses spécifications, même dans les pires situations qu’on puisse rencontrer, car elle est suffisamment surdimensionnée. Bien sûr, on peut surcharger les diodes au delà de leurs spécifications, mais leur durée de vie en pâtira sérieusement.

Et enfin dernière chose, relier le rendement à la température n’est pas forcément aussi évident qu’il n’y parait. On aurait tendance à dire qu’il baisse quand la température augmente et inversement. Néanmoins, certains composants travailleront peut être mieux à 40 °C qu’à 25 °C. L’ESR des condensateurs diminue quand la température augmente donc un peu moins de pertes, ou bien encore la chute de tension des barrières Schottky diminue aussi quand la température augmente (à courant égal), donc elles engendrent aussi moins de pertes, etc. Il y a tellement de choses qui varient dans un sens ou dans l’autre que le seul moyen de le savoir est de tester globalement. Il faudrait charger une alimentation avec une puissance constante, puis faire varier la température d’aspiration de l’air entre 25 et 50 °C par exemple pour voir comment évolue le rendement et si vraiment l’influence de la température est négligeable ou non. Avec des bons composants, il y a peu de chances que la perte de rendement soit élevée entre 30 et 40 °C typiques (en supposant que ça baisse).

Conclusions

Que dire si ce n’est que développer une alimentation puissante et efficace est une tâche compliquée. Beaucoup de facteurs interviennent pour que le produit soit adapté aux besoins des machines actuelles. Même si les fabricants améliorent un peu les alimentations au fil du temps, on est encore loin de l’alimentation parfaite. De plus, ils ne semblent pas très pressés de les améliorer radicalement en adoptant des topologies modernes (celles employées actuellement ont près de 40 ans). Elles sont plus efficaces, mais aussi beaucoup plus complexes à mettre en oeuvre et à calculer. Elles demandent plus de compétences et de nouvelles études au lieu de se référer aux 40 années d’expérimentation et de documentations en tout genre qui existent déjà.

Il y a une foule de choses à améliorer sur une alimentation. A l’avenir, elles seront encore plus compactes, plus stables, plus réactives, avec une durée de vie améliorée, avec une gestion numérique au lieu d’analogique, dotées d’un rendement encore plus élevé (85-92 %), plus intelligentes quand on est à faible charge pour limiter les pertes, etc. Les topologies résonantes seront surement employées plus largement pour réduire les pertes de commutation. Les éléments magnétiques évolueront dans leur design pour induire moins de pertes et l’intégration sera encore plus poussée grâce à de meilleurs semiconducteurs. Au final, on se retrouvera avec d’excellentes alimentations silencieuses car la ventilation ne sera plus vraiment nécessaire.

Les extrapolations pour 2008 donnent quelque chose dans ce genre là :


Le choix d’une alimentation peut se révéler un peu compliqué vu la diversité des modèles. Que choisir parmi le prix, le silence, la puissance disponible, la stabilité, la régulation, le rendement, les petits plus (modularité…), etc. ? Si on prend tout à la fois, on tape dans le haut de gamme très cher en général et il est évident et naturel que tout le monde n’ait pas envie de mettre 150 € ou plus dans une alimentation. Il faut alors faire quelques concessions sur certains points si on a un budget serré. Heureusement, certains bons fabricants sortent maintenant de très bons modèles à prix tout à fait raisonnables. Et ne croyez pas que si une alimentation a son 12 V qui se ballade entre 11.8 et 12.2 V, c’est une catastrophe, car ce n’est absolument pas vrai et certains feraient bien de se rentrer ça dans le crâne !

Attention à ne pas tomber non plus dans le panneau des prix très alléchants, des nouvelles marques inconnues et des phrases chocs issues du marketing car ça cache souvent des choses, il ne faut pas être naïf.

En espérant que certaines notions sont à présent plus claires, 2 autres dossiers suivront pour étudier 11 alimentations en détail et voir comment elles s’en sortent en situation réelle, jusqu’à la rupture pour certaines. A suivre…