Des contrefaçons authentiquement dangereuses
L’autonomie serait devenue le premier critère d’achat d’un smartphone. Or l’autonomie dépend en premier lieu de la batterie intégrée dans l’appareil, laquelle a bien des limites. Sa capacité de base peut-être insuffisante. Pire, malgré les progrès constants des batteries Li-ion, leur capacité s’amenuise inexorablement à mesure que le temps passe. À partir d’un an de bons et loyaux services, on peut constater une diminution de son autonomie, voire une panne totale de la batterie. Dans ce cas-là, le remplacement peut coûter cher. Chez Apple par exemple, dont les iPhone ne sont pas censés être ouverts par leur possesseur, comptez 75 €. D’autres marques rendent les choses plus simples en installant des batteries amovibles. Il est ainsi très facile de remplacer la batterie d’un Samsung Galaxy S3 : il suffit d’en acheter une neuve. Oui, mais où ? Une recherche sur internet renvoie des centaines de résultats à des prix allant du simple au triple. Peut-on faire confiance aux batteries à 3 € par des vendeurs de Hong-Kong ?
Pour notre test, nous avons pris l’exemple du Galaxy Note de Samsung, le premier de la gamme, sorti en novembre 2011. Après deux ans et demi d’usage, la batterie d’origine mériterait d’être remplacée. Nous avons donc acquis 4 batteries à des prix allant de 3 à 10 €. Trois sont vendues comme des originales Samsung modèle GB/T18287 délivrant 3,7 V et 2500 mAh, soit une capacité de 9,25 Wh. La dernière est clairement vendue comme compatible et annoncée avec une capacité supérieure : 2800 mAh.
Examen physique
Les batteries nous sont toutes parvenues dans des petites enveloppes matelassées sans protection particulière. L’absence d’un emballage officiel met déjà la puce à l’oreille, mais baste !Un premier examen physique révèle encore d’autres différences. Deux de ces batteries portent exactement le même numéro de série : TH1C0202MS/6-B. C’est bien évidemment impossible pour des produits originaux, nous sommes donc en présence de contrefaçons. En les manipulant, on remarque également un vide sous l’autocollant sérigraphié, vers les bords, vide qui n’est pas présent sur la batterie originale.
La batterie compatible est légèrement plus épaisse que l’originale, ce qui paraît cohérent avec sa capacité annoncée plus importante.
Aux tests électriques, c’est l’hécatombe
Pour mesurer l’autonomie de ces batteries, nous aurions pu les installer dans notre Galaxy Note et lancer en boucle un logiciel jusqu’à épuisement. Nous avons préféré une méthode plus fiable : les tester selon la norme IEC 61960 dans un laboratoire spécialisé. Cette norme encadre les conditions du test. Notamment, elle précise que la batterie doit être déchargée à un courant égal au cinquième de sa capacité. Et comme cette phrase aura sûrement fait dresser les poils des électriciens qui nous lisent, cela veut dire qu’une batterie donnée pour 2 500 mAh (soit 2,5 A pendant 1 h), doit être déchargée à 2,5/5 = 0,5 A.
La décharge a été réalisée hors smartphone, sur un analyseur de batterie dédié. L’intensité et la tension maintenues par la batterie ont été enregistrées pendant cinq cycles de charge/décharge… pour les batteries qui ont supporté ce traitement.
Résultats
En bleu l’intensité du courant, en noir la tension.
Commençons par la batterie d’origine Samsung. Elle a passé nos tests sans problème. Nous avons mesuré une capacité moyenne de 2414 mAh. Le léger écart à la spécification s’explique par l’âge de cette batterie qui a quelques mois d’usage à son actif (notre Galaxy Note a beau avoir deux ans et demi, il a passé le plus clair de son temps dans sa boîte, inutilisé).
La batterie tierce de 2 800 mAh est sans doute notre plus grosse déception. Elle n’a tout simplement pas résisté : son connecteur a fondu pendant le premier test. Le fait qu’elle n’ait même pas tenu un seul cycle de décharge ne présage rien de bon sur sa qualité intrinsèque. Les apparences sont bien trompeuses.
Troisième candidate, une Samsung T18287 a priori authentique, puisque dotée d’un numéro de série unique et ne présentant pas de creux suspect au premier abord. Le premier cycle de décharge s’est bien déroulé et la crédite d’une capacité de 2 379 mAh. Hélas, dès le second cycle, la batterie a lâché.
Quatrième essai, une des deux TH1C0202MS/6-B, contrefaçon évidente. Surprise, cette batterie a passé nos tests sans défaillir. Cependant, elle n’offre que 1760 mAh, soit 70 % de la capacité attendue. Son achat serait tout à fait inutile, puisqu’elle n’offre pas plus de capacité qu’une batterie d’origine usée.
Cinquième et dernière batterie de notre test, la seconde TH1C0202MS/6-B. Et troisième échec total : elle a également fondu son connecteur dès le premier test.
L’autopsie révèle une vaste arnaque à l’étiquette
Puisque certaines batteries ont des apparences trompeuses, nous avons tenté d’en savoir plus en soulevant leur autocollant. Sur la batterie originale, cette étiquette s’enlève sans laisser de traces et révèle une cellule métallique marquée Samsung. Le connecteur est également scellé.
La batterie originale est bien marquée Samsung.
Sur les contrefaçons, rien de tel. On peut relever des points communs montrant la légèreté de leur fabrication. D’une part, l’autocollant est moins soigneusement appliqué et la colle qui le tient en place tend à laisser des marques.
On voit bien ici le cadre plastique utilisé pour faire croire à une batterie plus grosse.
Dessous, la batterie est souvent plus petite. Des cales en plastiques sont utilisées pour occuper l’espace et donner l’illusion d’une batterie aussi grosse que l’originale. Voilà l’explication des “creux” que nous avions remarqués au départ.
1750 mAh dans une batterie vendue pour 2 500 mAh.
La batterie que nous avons mesurée à 1760 mAh contient une cellule justement marquée 1750 mAh. Cette contrefaçon ment donc sur sa capacité théorique, mais elle tient sa spécification réelle. Le fait qu’elle ait résisté à nos tests est en outre, paradoxalement, un gage de qualité. En effet, pour elle, notre décharge s’est fait à un courant équivalent à plus d’un quart de sa capacité. Or la capacité d’une batterie baisse lorsque le courant demandé est plus élevé.
La plus étonnante des quatre est la AA1F208VS/6-B. Son autopsie révèle une conception proche de l’originale. La cellule occupe tout l’espace et est de fait marquée 2300 mAh. Il s’agit donc toujours d’une contrefaçon, mais plus honnête. Il est d’autant plus étonnant qu’elle n’ait pas tenu le choc.
Conclusion : attention aux petites économies !
Nos tests sont-ils trop exigeants ?
Au vu de ces résultats alarmants, on peut se demander si nos conditions de test ne sont pas trop exigeantes. Malheureusement non. Dans les conditions de la norme IEC 61960, une batterie conforme met 5 heures à se décharger. Dans le cadre d’un usage intensif (une session de jeu, un guidage permanent par GPS) il n’est pas rare de voir les smartphones s’épuiser plus vite encore que cela. Considérez en plus ceci : un courant de 500 mA sous une tension de 3,7 V équivaut à une puissance consommée de 1,85 W. Un smartphone haut de gamme actuel peut consommer en pointe autour de 4 W. Nos tests sont donc plutôt indulgents.
Notre question de départ était simple : peut-on acheter en confiance une batterie de remplacement à prix plancher auprès de revendeurs interlopes ? La réponse est tout aussi simple : NON ! Sur les quatre batteries que nous avons achetées, aucune n’est conforme. Une seule est utilisable, mais offrirait une aussi mauvaise autonomie qu’une batterie d’origine usée. Pire, deux batteries se sont révélées dangereuses, ayant partiellement fondu en fonctionnement. Nos tests ayant été faits hors d’un smartphone, il n’y a pas eu de gros dégâts, mais les cas de smartphones ayant explosé ou brûlé à cause de leur batterie ne sont malheureusement pas rares.
Notre échantillon de quatre batteries ne prétend évidemment pas être représentatif des très nombreuses références disponibles à l’achat via internet. Nous le considérons néanmoins révélateur, car nous l’avons constitué sans aucune précaution ni a priori. Nous n’avons pas cherché les annonces les plus louches ou les produits les moins chers. Nous avons pris l’exemple d’une batterie de smartphone Samsung, car c’est encore le premier vendeur mondial. Le hasard nous a peut-être été défavorable, d’autres marques sont peut-être moins ciblées par les contrefacteurs, mais il nous paraît plus prudent de ne pas tenter l’aventure des batteries “pas chères, sur ebay”.
Si vraiment vous préférez essayer de gagner quelques euros, nous ne pouvons que vous recommander la plus grande prudence. Avant d’installer la nouvelle batterie dans votre smartphone, n’hésitez pas à l’examiner attentivement : soulever l’étiquette avec précaution ne met pas en danger la batterie et permet de découvrir les plus grosses supercheries. Puis, avant de glisser votre smartphone au fond de votre poche toute une journée, valider son bon fonctionnement via quelques cycles de charge/décharge à l’air libre, sous surveillance.