En 2007, lorsqu’Apple présenta son iPhone, personne n’envisageait que les smartphones puissent être aussi puissants qu’un PC. En 7 ans, les choses ont très rapidement évolué et la performance du processeur est devenue un des arguments principaux de chaque génération de smartphone. Nous nous sommes habitués à parler de Snapdragon, Cortex et Ax autant que de Pentium et d’Athlon. Les frontières entre smartphones et PC sont de plus en plus floues et certaines rumeurs prédisent même l’abandon des processeurs Intel par Apple au profit de puces ARM. Serait-ce vraiment possible ? Où se situent aujourd’hui les SoC ARM sur l’échelle de performances face aux processeurs pour PC ? Voici un début de réponse au travers de quelques benchmarks.
Pour ce test, nous avons opposé un smartphone un iPhone 6, doté du plus puissant SoC d’Apple et un PC sous Windows 8.1 animé par un Core i5 4350U d’Intel. Ce CPU Haswell est d’origine muni de deux coeurs, gère l’HyperThreading et voit sa fréquence varier entre 800 MHz et 2,9 GHz. Afin d’obtenir une comparaison valable, nous avons désactivé l’HyperThreading et coupé le mode Turbo, ce qui avait pour effet de limiter la fréquence maximale à 1,4 GHz. L’Apple A8 étant un double coeur à 1,4 GHz max., les deux plateformes sont sur un pied d’égalité.
Nous avons également ajouté un Nexus 5 comme point de référence. Son Snapdragon 800 à 2,26 GHz n’est plus tout à fait le plus rapide du marché sous Android, mais de peu.
Commençons par des tests dépendants du CPU. Il n’en existe pas tant que ça disponibles à la fois sous Windows, Android et iOS. Nous avons jeté notre dévolu sur Geekbench 3 et sur le test “Physics” de 3DMark Ice Storm Unlimited. Nous avons également utilisé des benchmarks web, même s’ils sont malheureusement aussi dépendants du navigateur que du processeur ; au moins donnent-ils une idée de ce que l’on peut constater en pratique.
Comme vous pouvez le voir, Geekbench et 3DMark donnent l’A8 et le Core Haswell à égalité ! Le Snapdragon 800 offre lui un bilan beaucoup plus contrasté. Ses coeurs sont chacun environ deux fois plus lents malgré une fréquence 60 % plus forte, mais ils sont quatre ! Dans les applications tirant vraiment parti de nombreux coeurs, comme le benchmark Physics de 3DMark, le Snapdragon tire son épingle du jeu en se montrant 65 % plus efficace que les deux CPU double coeur.
Les tests web ne livrent pas du tout le même verdict que les tests synthétiques. Le Core i5 associé à Chrome 38 sous Windows 8.1 est 40 % plus rapide que l’A8 avec Safari iOS 8.0.2. Le Nexus 5 (avec Chrome 38 pour Android) termine encore un cran en dessous, à moins de 40 % de la vitesse du Core i5.
Examinons maintenant la situation des GPU. Nous nous basons ici sur GFX Bench (en mode Off screen 1080p) et 3DMark IceStorm (en mode Unlimited). La comparaison oppose ici le PowerVR GX6450 de l’A8, l’Adreno 330 du Snapdragon 800 et l’Intel HD 5000 du Core i5, ce dernier étant bloqué à 200 MHz par l’absence de Turbo.
Globalement, l’A8 termine en tête, suivi du Core i5 puis du Snapdragon, mais les écarts varient beaucoup selon le benchmark. La scène T-Rex de GFX Bench 3.0 est le test le moins exigeant et celui dans lequel l’avance de l’A8 est la plus importante : il est 2 fois plus rapide que le Snapdragon et 71 % plus rapide que le Core. Dans la scène Manhattan, plus complexe notamment dans les effets d’éclairage, seuls 23 % séparent le Core et l’A8. Dans 3DMark IceStorm, l’écart se resserre encore à 8 %.
Que conclure de cette brève analyse ? En un mot, que les SoC de smartphones ont progressé suffisamment vite pour rattraper à peu près les processeurs pour PC – à fréquence égale. Nous ne parlons évidemment pas ici d’un classement au pour cent près. Mais ces processeurs sont dorénavant dans la même classe.
Si Apple le désirait, elle pourrait donc se mettre à concevoir un SoC rentrant réellement en concurrence avec les CPU Intel et c’est peut-être la voie qu’envisage sérieusement Tim Cook. Toutefois, il ne suffirait pas à Apple de faire aussi bien : elle devrait doubler confortablement son fournisseur actuel pour absorber les problèmes que posent un tel changement d’architecture. Les logiciels x86 devraient être émulés sur ARM, au prix d’une lenteur inacceptable. Ce souci ne s’était pas posé de manière trop aiguë lors de la migration du PowerPC vers le x86, justement parce que les puces Intel étaient nettement plus rapides.