Introduction
Les SSD PCIe n’ont rien de nouveau : afin de s’affranchir des limites physiques et architecturales du SATA, OCZ et Fusion-io utilisent depuis quelques années l’interface PCIe. Toutefois, les premiers modèles de ce type n’étaient que des SSD SATA reliés à un contrôleur hôte de bus sur une simple carte fille. Il existe des exceptions notables, comme par exemple les Micron P320h et P420m qui embarquent un contrôleur natif PCIe vers NAND, mais la quasi-totalité de ces produits illustraient donc une course aux performances animée par la force brute. Les produits qu’Intel a commercialisé par le passé, comme le 910, illustrent bien cette tendance : un ensemble de SSD reliés à des adaptateurs SAS Hitachi. Bien que le format fût différent de celui des disques durs, l’architecture était semblable. Ces SSD PCIe annonçaient des performances incroyables, mais on a toujours eu l’impression d’avoir affaire à un produit de niche. Etant donné qu’aucun standard ne s’imposait à ces produits, ils manquaient quelque part de légitimité.
Avec le NVMe, les fabricants ont maintenant une norme qui les libère des limitations propres à l’AHCI en plus de proposer bon nombres d’avantages en termes d’interopérabilité. Avant de nous pencher en détail sur le NVMe, ce qui sera fait sur la deuxième page de cet article, voyons les nouveaux SSD NVMe d’Intel.
Plutôt que de commercialiser un seul modèle, Intel propose une gamme entière de SSD NVMe. Ceux-ci sont officiellement baptisés Intel SSD DC P3700, Intel SSD DC P3600 et Intel SSD DC P3500, ils se destinent aux mêmes usages généraux que les modèles SATA. La différence entre les trois modèles se fait principalement sur les performances en écriture ainsi que l’endurance, tout comme c’est le cas des SSD SATA. Plusieurs capacités sont proposées, allant de 400 Go jusqu’à 2 To pour chacun des trois produits. Toutes les versions se déclinent en carte PCIe HHHL (half-height, half-length pour mi-hauteur, mi-longueur) ainsi qu’au format 2,5 pouces, 15 mm SFF-8639.
Gamme Intel SSD DC PCIe | ||||||||
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Ligne | SSD DC P3700 | SSD DC P3600 | SSD DC P3500 | |||||
Format | Carte HHHL PCIe ou 2,5″ x 15mm SFF-8639 | |||||||
Capacité | 400 à 2000 Go | |||||||
Interface | x4 PCI Express 3.0 | |||||||
Lecture séquentielle (Mo/s)* | 2800 | 2600 | 2500 | |||||
Ecriture séquentielle (Mo/s)* | 1900 | 1700 | 1700 | |||||
Lecture 4 Ko aléatoire (IOPS)* | 460 000 | 450 000 | 450 000 | |||||
Ecriture 4 Ko aléatoire (IOPS)* | 35 000 | 70 000 | 180 000 | |||||
Consommation (en activité) | Jusqu’à 25 Watts | |||||||
Consommation (au repos) | 4 Watts | |||||||
Endurance (DWPD**) | 10 | 3 | 0,3 | |||||
* = valeurs maximales annoncées ** = nombre de cycles d’écriture par jour sur l’intégralité du SSD |
A première vue, ces données constituent un bon début : les trois produits proposent de solides performances en lecture séquentielle comme aléatoire, ainsi que de bons débits en lecture qui s’échelonnent d’un modèle à l’autre. Ce niveau de performances peut impressionner par rapport aux SSD SATA, mais il faut comparer avec ce qui est comparable : on se situe à des niveaux déjà vus auparavant à l’échelle des SSD PCIe. A vrai dire, plusieurs SSD PCIe comme les Micron P320h et P420m font aussi bien voir mieux. Quel est donc l’avantage des produits d’Intel ? A nos yeux, leur prix plaide en leur faveur. Le P3500 constitue le ticket d’entrée de la gamme, à 599 $ pour la version 400 Go. Un P3600 de même capacité revient à 783 $, tandis qu’il faut compter 1207 $ pour un P3700. Pour situer les choses, bon nombre de SSD PCIe destinés au marché professionnel se situent encore dans une fourchette allant de 5 à 10 $ par Go.
Pour ce test, nous avons reçu le SSD DC S3700 800 Go. Notons que pour cette ligne comme pour les deux autres, les caractéristiques techniques varient suivant la capacité, principalement au niveau des débits en écriture. Nous sommes assez impressionnés par le fait que le modèle 2 To affiche une endurance supérieure à 36 pétabytes.
Intel SSD DC P3700 | |||||||
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Format | Carte HHHL PCIe ou 2,5″ x 15mm SFF-8639 | ||||||
Capacité (Go) | 400 | 800 | 1600 | 2000 | |||
Interface | PCI Express 3.0 4x | ||||||
Lecture séquentielle (Mo/s)* | 2700 | 2800 | 2800 | 2800 | |||
Ecriture séquentielle (Mo/s)* | 1200 | 1900 | 1900 | 1900 | |||
Lecture 4 Ko aléatoire (IOPS)* | 450 000 | 460 000 | 450 000 | 450 000 | |||
Ecriture 4 Ko aléatoire (IOPS)* | 75 000 | 90 000 | 150 000 | 180 000 | |||
Consommation (en activité) | Jusqu’à 25 Watts | ||||||
Consommation (au repos) | 4 Watts | ||||||
Endurance (en écriture) | 7,3 Po | 14,6 Po | 29,2 Po | 36,5 Po | |||
Garantie | 5 ans |
Avant de soumettre le P3700 à notre suite de tests, voyons la technologie NVMe en détail.
NVM Express
Revenons un peu en arrière. Il y a seulement trois ans, le paysage du stockage sur SSD était assez différent de ce que l’on connait aujourd’hui. Pendant des années, Intel et les autres fabricants ont présenté les SSD comme les remplaçants des disques durs : même format (2,5 pouces, 7 ou 9,5 mm), même interface (SATA 6 Gbps) et même protocole d’interface (AHCI). Les performances comme la fiabilité des SSD progressaient de mois en mois. Les caractéristiques techniques comme la régularité des performances et l’endurance en écriture n’étaient pas universellement reconnues au-delà d’une année. Si certains SSD étaient capables de saturer l’interface SATA pour certaines opérations séquentielles, la majorité des goulets d’étranglement se situaient à l’intérieur des SSD : contrôleurs, firmware et NAND n’évoluaient généralement pas au point où l’interface pouvait engendrer des problèmes de performances. Puis en mars 2011, l’industrie a fait un énorme pas en avant avec la sortie du NVMe 1.0.
Le terme « industrie » englobe ici la quasi-totalité des acteurs majeurs sur le marché du stockage flash : les 13 entreprises constituant le groupe de travail initial, soutenu par plus de 80 membres, incluait notamment Intel, Micron, Samsung, Dell, EMC, NetApp, IDT et Marvell. Le but était de libérer les futures solutions de stockage des limitations propres au SATA et à l’AHCI. Le NVMe (Non-Volatile Memory Express) est donc une nouvelle norme qui remplace l’AHCI pour les SSD PCIe, en mettant l’accent sur le rendement et l’échelonnement des performances. Il ne faut pas oublier que l’AHCI a été développé à une époque où le stockage impliquait secteurs et des cylindres, tout en sachant que la latence des disques durs ne représentait qu’une fraction du temps d’accès aux données.
Aussi surprenant que cela puisse paraitre, si le NVMe réduit significativement plusieurs composantes de la latence globale, la latence propre à la NAND reste la plus problématique. Cette situation est donc le lot des puces de NAND Flash et SSD actuels, mais le NVMe a été conçu en tenant compte des futures technologies de mémoire non volatile : les technologies résistives, comme par exemple la mémoire à changement de phase et la magnétorésistance à effet tunnel pourraient s’avérer 1000 fois plus rapides que la NAND actuelle. Le goulet d’étranglement reviendrait alors au protocole d’interface.
Ceci étant dit, le NVMe ne se contente pas de réduire la latence. Le fait est que la notion de parallélisme n’a pas été pleinement intégrée à l’AHCI : des fonctionnalités comme le NCQ (Native Command Queuing) ont certes contribué à optimiser les débits, mais l’implémentation de l’AHCI n’a jamais permis aux SSD d’exploiter pleinement le parallélisme de leur architecture.
Un des buts du NVMe était d’éradiquer définitivement ces goulets d’étranglement artificiels. Il suffit de lire un test de SSD pour voir que le nombre d’IOPS est généralement mesuré avec des files d’attentes de taille croissante, sachant que le plafond se situe normalement à 32 commandes. C’est précisément dans ce cas que la plupart des SSD SATA en AHCI parviennent à leurs performances optimales, mais aussi la limite de l’AHCI. Le problème tient au fait que de nombreux contrôleurs de mémoire Flash sont capable de gérer des files d’attentes nettement plus longues, ce dont on se rend bien compte en observant les SSD PCIe qui utilisent des pilotes propriétaires : plusieurs produits comme le Micron P320h donnent le meilleur d’eux-mêmes lorsque la file d’attente grimpe à 256 commandes. Le NVMe permet non seulement de passer de 32 à 64 000 commandes maximum par file d’attente, mais aussi de repousser le nombre maximal de fil d’attentes de 1 jusqu’à 64 000. C’est ce qui s’appelle anticiper l’avenir.
Un des problèmes majeurs qui touchait l’ensemble des SSD PCIe tient à la compatibilité de leurs pilotes : chaque SSD PCIe dispose de son propre pilote. Certaines marques ont fait un excellent travail, tandis que d’autres ont eu beaucoup plus de mal. Pire encore, à moins que les marques n’incluent leur propre option ROM, il était impossible de booter à partir de ces SSD PCIe. Si ce procédé était généralement tolérable dans des environnements professionnels, le grand public avait besoin d’une approche plus simple.
Le NVMe propose un pilote standard qui sera pris en charge dans de multiples environnements et propose notamment la prise en charge du BIOS pour le démarrage. A l’heure actuelle, plusieurs OS assurent une compatibilité native avec ce pilote, notamment Windows 8.1 et Windows Server 2012 R2, mais Intel dispose également d’un pilote autonome. Nous ne savons pas encore exactement comment la prise en charge du pilote se développera à l’avenir : les fabricants peuvent aussi bien s’appuyer sur le pilote intégré que développer un pilote propriétaire.
Le SSD DC P3700 permet-il de booter ? La réponse est oui, mais avec une toute une série de réserves. Premièrement, il est nécessaire d’avoir une configuration compatible UEFI 2.3.1 ainsi qu’un OS avec prise en charge native du pilote. Fort heureusement, c’était bien le cas de notre machine de test sous Windows Server 2012 R2. Les choses se compliquent au stade de l’installation, plus délicate qu’il n’y parait. Notre première tentative s’est achevée sur l’écran permettant de choisir le périphérique de destination : on voyait bien le P3700, mais Windows le considérait comme non bootable. Nous avons donc fait un tour dans le BIOS pour voir si le P3700 était bien reconnu, ce qui n’était pas le cas. Sur une intuition, nous sommes finalement allés dans le menu dédié au démarrage pour voir les options disponibles. Le DVD-ROM proposait deux entrées : Legacy et UEFI. Il a ensuite suffi de démarrer en mode UEFI pour résoudre le problème : l’installeur Windows était alors non seulement capable de détecter le P3700, mais aussi de le proposer comme périphérique de boot. Précisons qu’au terme du processus d’installation, le P3700 apparaissait dans le BIOS parmi les options UEFI au démarrage, non pas en tant qu’Intel SSD DC P3700, mais en tant que périphérique dans le gestionnaire de démarrage Windows.
Pour finir, nous avons comparé les temps de démarrage de notre serveur avec un Intel SSD DC S3700 800 Go et un Intel SSD DC P3700. N’oublions pas qu’il s’agit d’un serveur et par conséquent, le processus de démarrage de ces machines n’est presque jamais décrit comme étant rapide.
Démarrage SSD DC S3700 : 64,8 secondes
Démarrage SSD DC P3700 : 44,5 secondes
Comme on peut le voir, le temps de boot est réduit de 20 bonnes secondes. Précisons que le serveur nécessite pratiquement 20 secondes pour sortir de l’étape POST : le temps nécessaire pour arriver à l’identification était donc extrêmement court.
Comme on peut le voir sur cette capture d’écran de Diskpart, le P3700 est bien le périphérique de démarrage. Notons par ailleurs que Windows sait qu’il s’agit d’un périphérique NVMe et connait sa position dans le complexe racine PCIe.
Intel SSD DC P3700
Le P3700 ne manque pas d’impressionner quand on le regarde pour la première fois. La carte mi-hauteur, mi-longueur PCIe 4x troisième génération est recouverte d’un dissipateur passif, laissant ainsi le flux d’air du boitier gérer son TDP de 25 Watts.
Il faut préciser que le radiateur n’est pas un simple bloc en aluminium comme on en voit souvent sur d’autres cartes PCIe : ce qui ressemble à un bandeau décoratif à la perpendiculaire des ailettes est en fait une plaque permettant de canaliser l’aération sur le long du radiateur, prenant en compte le flux d’air de l’avant vers l’arrière que l’on retrouve sur la plupart des serveurs. Par ailleurs, le dissipateur renferme … un autre dissipateur : le contrôleur mémoire dispose d’un petit radiateur dédié qui vient s’encastrer dans le radiateur principal. Le petit radiateur s’étendant au-delà de l’extrémité inférieure du grand radiateur, il est maintenu par une bande aluminium. Cette dernière permet d’assurer une pression plus uniforme entre dissipateur et contrôleur, optimisant ainsi le transfert thermique.
Pourquoi Intel s’est-il donné autant de mal à assurer le refroidissement de son produit ? Comme la plupart des SSD PCIe et cartes RAID, le géant de Santa Clara utilise tout le courant que le port PCIe est capable de fournir : à 25 Watts, Intel s’aligne donc sur ce que font la plupart de ses concurrents, tout en faisant nettement mieux en matière de gestion thermique : bien que la carte puisse consommer 25 Watts, plusieurs modes basse consommation permettent de l’utiliser dans des configurations dont le flux d’air s’avèrerait insuffisant.
Une fois le dissipateur retiré, on voit que le PCB regorge de puces NAND : notre modèle 800 Go compte 36 puces MLC (18 par face) gravées en 20 nm avec le procédé HET (High-Endurance Technology) propre au géant de Santa Clara. Dans le cas des P3700, la quantité brute de NAND disponible se traduit par une réserve d’environ 25 %. Au niveau de la face accueillant le contrôleur, toutes les puces NAND et DRAM sont recouvertes d’un pad thermique venant directement au contact du dissipateur.
Si la NAND utilisée sur le P3700 se retrouve sur des produits plus anciens, le contrôleur est un tout nouveau modèle. Alors que la plupart des contrôleurs embarqués par les SSD SATA s’appuient sur une architecture à huit canaux, Intel propose ici un contrôleur à dix-huit canaux, fonctionnant à 400 MHz. Ceci offre de plus grandes possibilités en termes de parallélisme, ce qui est justement un des points forts du NVMe.
Notre P3700 embarque également 1,25 Go (256 Mo x5) de DRAM DDR3-1600. On note que le positionnement des puces de NAND et de DRAM est identique des deux côtés du PCB.
La gamme NVMe d’Intel dispose d’un dernier atout : celle-ci se décline donc sous forme de cartes PCIe, mais aussi au format 2,5 pouces. On pourrait donc se demander comment un périphérique 2,5 pouces communique-t-il avec les lignes PCIe : la réponse se situe au niveau des caractéristiques du connecteur SFF-8639.
Les caractéristiques de ce connecteur destiné au marché professionnel illustre la direction vers laquelle l’industrie évolue : un unique connecteur permet non seulement de gérer les périphériques SATA et SAS, mais aussi d’assurer une connectivité PCIe. La partie inutilisée du connecteur SATA/SAS est maintenant capable de gérer les lignes PCIe ainsi que toutes les bandes latérales et fréquences nécessaires. Seul inconvénient, si le connecteur gère de multiples interfaces, encore faut-il que les fabricants de serveurs proposent les bonnes connexions. Autrement dit, on pourrait voir des baies SFF-8639 ne prenant en charge que le SATA/SAS ou le PCIe. Par ailleurs, il ne faut pas s’attendre à voir de telles caractéristiques s’étendre au marché grand public à court terme : elles visent exclusivement le marché professionnel pour l’instant.
Nous apprécions particulièrement le document ci-dessus parce qu’il détaille aussi les caractéristiques du SATA Express, interface que l’on finit systématiquement par aborder lorsque l’on parle de NVMe et de SFF-8639. Contrairement au SFF-8639, le SATA Express nécessite un multiplexeur afin que le système sache quelle interface (SATA ou PCIe) est utilisée par le périphérique.
Malheureusement, nous n’avons pas de P3700 SFF-8639 à tester alors que nous avons quelques inquiétudes : bien que ses performances soient annoncées au même niveau que celles du P3700 au format carte PCIe, les conditions d’utilisation sont complètement différentes : la plage thermique va de 0 à 55°C pour le second contre 0-35 pour les modèles 2,5 pouces. Le P3700 format carte ne nécessite que 200-300 LFM (valeurs classiques) pour atteindre ces températures, tandis que le format 2,5 pouces appelle un flux d’air nettement plus conséquent pour atteindre 35 °C. Pour prendre un exemple concret, le P3700 SFF-8639 nécessite 650 LFM à 35°C. Ceci pourrait engendrer des difficultés considérables : sur la plupart des serveurs, le stockage est à l’avant, refroidi par un flux d’air en aspiration, tandis que les cartes sont refroidies par un flux d’air en extraction.
Configuration du test
Composants | |
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Processeur | Intel Core i7-3960X (Sandy Bridge-E), 32 nm, 3,3 GHz, LGA 2011, 15 M0 de cache L3 partagés, Turbo Boost actif |
Carte mère | Intel DX79SI, X79 Express |
DRAM | G.Skill Ripjaws Z-Series (4 x 4 Go) DDR3-1600 @ DDR3-1600, 1,5 V |
Stockage OS | Intel SSD 320 160 Go SATA 3Gb/s |
SSD testé | Intel SSD DC P3700 800 Go |
Carte graphique | AMD FirePro V4800 1 Go |
Alimentation | OCZ ModXStream Pro 700 Watts |
Logiciels et pilotes | |
OS | Windows 7 64 bits Ultimate/Windows Server 2012 R2 |
DirectX | Version 11 |
Graphique | ATI 8.883 |
Benchmarks | |
Iometer v1.1.0 | 4 threads, 4 Ko aléatoire: LBA=complet, file d’attente croissante |
ATTO | v2.4.7, 2 Go, 4 commandes en file d’attente |
Personnalisé | C++, 8 Mo séquentiel, 4 commandes en file d’attente |
Profils Iometer | Lecture | Ecriture | 512 Bytes | 1 Ko | 2 Ko | 4 Ko | 8 Ko | 16 Ko | 32 Ko | 64 Ko | 128 Ko | 512 Ko |
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Base de données | 67% | 100% | n/a | n/a | n/a | n/a | 100% | n/a | n/a | n/a | n/a | n/a |
Serveur fichiers | 80% | 100% | 10% | 5% | 5% | 60% | 2% | 4% | 4% | 10% | n/a | n/a |
Serveur Web | 100% | 100% | 22% | 15% | 8% | 23% | 15% | 2% | 6% | 7% | 1% | 1% |
La Storage Networking Industry Association (SNIA), groupe de travail constitué de fabricants et vendeurs de SSD, mémoire Flash et contrôleurs propose une méthodologie qui vise à maitriser autant que possible les variables inhérentes aux SSD : SSS PTS. Celle-ci est particulièrement utile lorsqu’il s’agit de tester des SSD destinés au marché professionnel. Plutôt que de définir une liste de tests à exécuter, cette procédure indique une manière de conduire les tests. Le flux de travaux est divisé en quatre parties :
1 – Purge : cette étape consiste à faire revenir le périphérique de stockage dans un état aussi proche que possible du neuf, sans qu’il ne contienne de données. Ceci passe normalement par un effacement sécurisé dans le cas des SSD.
2 – Workload-Independent Preconditioning : il s’agit d’exécuter une tâche, sans lien avec les benchmarks qui suivent, afin de permettre au SSD d’afficher des performances stables.
3 – Workload-Based Preconditioning: là encore, on cherche à stabiliser les performances du SSD, mais cette fois en utilisant les benchmarks de la suite de test (4 Ko aléatoire, 128 Ko séquentiel etc.).
4 – Steady State : il s’agit du stade auquel les performances du SSD sont stabilisées
Ces étapes sont déterminantes lorsqu’il s’agit de tester les SSD : on a très vite fait de ne pas complètement conditionner le SSD et par conséquence, d’observer des performances correspondant à l’état neuf du SSD et non pas l’état stabilisé. Ces étapes sont également importantes lorsque l’on passe d’opérations aléatoires à des opérations séquentielles.
La méthodologie SSS PTS a été suivie pour l’ensemble des tests de cet article afin de garantir l’exactitude des résultats ainsi que leur reproductibilité.
Tous les benchmarks s’appuient sur des donnés aléatoires lorsque nous en avons la possibilité. Précisons que l’Intel P3700 n’effectue aucune compression de données avant d’écrire, ce qui empêche les fortes variations de performances suivant les cas. Nous avons par ailleurs décidé de concentrer nos comparaisons avec les Micron P320h et P420m, deux SSD PCIe très proches en termes de performances et d’architecture. L’un comme l’autre utilisent un pilote propriétaire qui, à défaut d’être NVMe, nous permet d’obtenir une très bonne approximation.
Performances 4K aléatoires et latence
Quelle que soit la capacité, le P3700 promet un minimum de 450 000 IOPS en lecture, niveau auquel notre exemplaire de test a plafonné. Bien qu’il ait quasiment affiché les meilleurs résultats avec de courtes files d’attentes, on constate qu’il ne soutient pas la comparaison avec les SSD Micron au-delà de 32 commandes, lesquels sont capables d’atteindre 750 000 IOPS avec 256 commandes. Notons en parallèle que le P3700 parvient à faire deux fois mieux que l’Intel SSD 910 sur ces opérations en lecture. Micron semble largement au-dessus de la concurrence sur ce test, mais ce constat dépend largement des programmes utilisés : il faut vraiment des situations très particulières pour arriver à des files d’attentes aussi longues.
Tout comme le Micron P420m, le P3700 n’affiche que de très faibles variations en écriture au fur et à mesure que la file d’attente s’allonge. Il est ici important de mettre les résultats en perspective : si le P420m affiche 5000 IOPS de plus que le P3700, le SSD Micron propose une capacité supérieure à celui d’Intel et coûte plus cher. Lorsque l’on observe le P420m 700 Go ou le P3700 1,6 Go, ce sont bien les SSD d’Intel qui reprennent l’avantage. Les Z-Drive R4 et P320h coûtent trois à quatre fois plus cher que le P3700, ce qui biaise forcément la comparaison. Nous sommes attentifs à cette notion de rapport performances/prix pour l’ensemble des tests, d’autant plus que bon nombres d’entreprises s’appuient largement sur le rapport €/IOPS.
La latence moyenne et la latence maximale sont similaires. Nous espérions que la latence maximale du P3700 serait plus faible, mais le fait est que le SSD d’Intel ne peut rivaliser avec le Micron P320h qui reste la référence incontestée.
Régularité des performances
Pour les tests qui suivent, nous avons soumis nos SSD professionnels à 25 heures d’opérations aléatoires en écriture sur des blocs 4K. Le nombre d’IOPS a été enregistré seconde par seconde, ce qui nous a permis de récolter 90 000 points de mesure. Afin que les graphiques restent lisibles, les résultats portent sur les 60 dernières minutes.
Le P3700 fait preuve d’une régularité très appréciable. Si le Micron P420m affiche des temps d’accès plus courts sur la majorité des opérations en écriture, ces temps d’accès peuvent connaitre des variations conséquentes qui s’avèrent pénalisantes en termes de performances globales. Compte tenu de ce que nous avons vu plus haut, on pourrait se demander pourquoi le P3700 montre ici des temps d’accès très faibles. La réponse tient à la longueur de la file d’attente : avec seulement 32 commandes, le P3700 se défend plus que bien et ce malgré un prix plus modeste et une capacité moindre par rapport à ses concurrents. Le P3700 fait preuve d’une excellente régularité sur l’ensemble des tests, surpassant le P420m ainsi que l’Intel 910 sans pour autant afficher un relevé aussi brillant que le P320h, sachant tout de même que ce dernier embarque de la NAND SLC à faible latence autrement plus onéreuse.
Passons maintenant à la régularité des performances en fonction de l’importance de la file d’attente : comme on peut le voir ci-dessus, le nombre d’IOPS ne varie quasiment pas entre les trois cas de figure. On apprécie tout particulièrement le fait de voir le P3700 s’en tirer aussi bien avec seulement 4 commandes en file d’attente, ce qui veut dire qu’il se comportera aussi bien dans un serveur que dans une station de travail.
Comme évoqué plus tôt, le P3700 est pris en charge en natif sous Windows Server 2012 R2 tout en sachant qu’il existe aussi un pilote autonome. Nous avons donc voulu voir si les performances variaient en fonction du pilote utilisé. Bien que les traces apparaissent légèrement différentes, les performances moyennes, l’écart type et la régularité globale des performances sont quasiment identiques. Précisons que nous n’avons pas exécuté chaque test avec les deux pilotes et en conséquence, nous ne pouvons pas affirmer catégoriquement qu’il n’existe aucune différence notable. Cependant, ce test est l’un des plus exigeants, ce qui nous fait dire que les écarts sont inexistants ou anecdotiques. En revanche, l’utilisation du pilote natif peut empêcher d’accéder aux réglages de bas niveau, comme par exemple les profils de consommation.
En principe, nous n’observons pas les performances au déballage étant donné qu’elles ne sont pas représentatives de l’utilisation des produits destinés au marché professionnel, mais nous avons tout de même réalisé ce graphique par curiosité. Nous avons donc dépassé les 400 000 IOPS pendant presque 10 minutes après installation, sachant que les performances se sont stabilisées deux heures après cela. Le P3700 a d’ailleurs franchement résisté à nos tentatives de stabilisation des performances : il suffisait d’interrompre le test quelques secondes pour voir les performances revenir très brièvement aux alentours de 300 000 IOPS.
Pour finir, nous avons observé la répartition des temps de réponse une fois les performances stabilisées. Le graphique forme une belle courbe en forme de cloche, sans accrocs aux extrémités. Nous nous attendions à voir Intel offrir ce genre de régularité : le P3700 n’a donc pas déçu.
Performances séquentielles
Les performances séquentielles en lecture sont excellentes, augmentant au fur et à mesure que la taille des transferts augmente pour frôler les 2,8 Go/s dans le meilleur des cas. On espérait avoir un peu mieux avec des transferts moins volumineux, mais la file d’attente était alors trop courte pour que le P3700 soit en mesure de donner le meilleur de lui-même.
Le verdict est également positif pour les performances séquentielles en écriture. On apprécie tout particulièrement le fait que le P3700 démarre fort : malgré des transferts de petite taille et des files d’attentes très courtes, le SSD d’Intel propose au moins 1 Go/s. Bien que le Z-Drive R4 et ses huit contrôleurs SandForce finisse par proposer un meilleur débit, le P3700 nous a impressionnés en frisant les 2 Go/s.
Performances selon profils IOmeter
La série de test qui suit s’appuie sur des profils caractéristiques des usages en entreprise, à savoir base de données, serveur de fichiers, serveur Web et station de travail.
Le profil base de données s’appuie exclusivement sur des opérations E/S aléatoires à 67 % en lecture et 33 % en écriture, à partir de blocs 8 Ko.
Les résultats obtenus s’inscrivent dans la tendance de ce que nous avons observé précédemment : le profil base de données met en avant les très bonnes performances du P3700 avec des files d’attentes courtes, tandis que les deux SSD de Micron s’illustrent avec de longues files d’attente.
On observe des résultats similaires avec le profil serveur de fichiers, lequel compte 80 % de lectures aléatoires ainsi que des transferts de taille variable : une fois encore, le P3700 brille avec des files d’attente modestes. Toutefois, le SSD d’Intel parvient cette fois à systématiquement devancer le P420m.
Le graphique illustrant le profil serveur Web (100 % d’opérations en lecture, transferts de taille variable) ressemble franchement aux lectures aléatoires de fichiers 4 Ko. Le P3700, le P420m et le P320h sont très proches tant que la file d’attente est inférieure ou égale à 32 commandes, après quoi les deux SSD de Micron affichent un net avantage.
Enfin, les résultats obtenus avec le profil station de travail (80 % de lectures, 80 % d’opérations aléatoires) sont sans surprise puisque l’on voit le P3700 en retrait avec de longues files d’attente.
Globalement, le P3700 se comporte très bien avec des files d’attente réduites tout en perdant de sa superbe lorsque les commandes sont (très) nombreuses. Rappelons que nous avons reçu la version 800 Go du P3700 ; avec une capacité supérieure, le SSD d’Intel augmenterait vraisemblablement son avantage avec les files d’attentes réduites tout en se rapprochant des deux SSD Micron dans le cas des longues files d’attente.
Streaming vidéo
Le streaming vidéo est une tâche particulièrement exigeante au niveau professionnel : les entreprises veulent plus de flux HD à débit élevé, sans saccades. En conséquence, une solution de stockage adaptée à ces exigences propose des caractéristiques radicalement différentes de celles qui sont conçues pour les bases de données par exemple. Concrètement, il est nécessaire d’avoir d’excellentes performances en écriture séquentielle sur les blocs de grande taille. Par ailleurs, les performances doivent faire preuve d’une régularité que l’on ne retrouve généralement pas sur les produits grand public.
Une fois les performances du SSD stabilisées, nous le remplissons à 100 reprises. Pour cela, nous utilisons des fichiers de 8 Mo et une file d’attente de quatre commandes tout en horodatant chaque opération en écriture. Le graphique ci-dessous reflète la moyenne sur 100 points de mesure afin de mieux visualiser les résultats.
Comme nous l’avons vu sur le test de régularité des performances, le benchmark en streaming vidéo est excellent : les caractéristiques annoncées sont même dépassées avec une moyenne à 1950 Mo/s et un débit très régulier dans l’ensemble. Par ailleurs, nous avons été en mesure de maintenir cette moyenne avec une mise en tampon très modeste (inférieure à 64 Mo), ce qui veut dire que le P3700 est à même de gérer trois flux 4K non compressés à 30 ips en simultané !
Conclusion
Quand on regarde l’évolution du marché des SSD ces dernières années, il apparait très clairement que la consolidation a fait des victimes. Après avoir vu d’innombrables marques essayer de se tailler une part du gâteau, une poignée d’acteurs domine maintenant ce secteur. Comme nous avons pu l’évoquer à plusieurs reprises par le passé, les marques n’ayant pas de capacités de production étaient fortement désavantagées. Même certains fabricants qui développaient des produits originaux et novateurs ont été progressivement engloutis par les principaux acteurs. Avec la sortie de SSD NVMe destinés au marché professionnel, Intel démontre que les budgets massifs en recherche et développement associés à des capacités de production fait la différence sur le long terme. Bien qu’il ne s’agisse pas des premiers SSD NVMe (Samsung ayant grillé la politesse à Intel il y a quelques mois), les produits du géant de Santa Clara sont beaucoup plus impressionnants que ceux de la firme coréenne. Au lieu de ne sortir qu’un seul produit, Intel propose trois lignes qui sont déclinées en deux formats et six capacités. Quand bien même ces SSD ne seraient pas NVMe, le nombre de produits lancés simultanément serait déjà impressionnant. Difficile d’en faire autant à moins de s’appeler Intel, Samsung ou Micron.
En termes de performances brutes, le P3700 fait très forte impression. Vu le nombre de lignes et capacités, il était difficile de faire des comparaisons directes avec des produits déjà passés par le labo, notamment du fait que les performances en écriture du P3700 varient suivant la capacité. Ceci étant dit, nous avons pu voir que le P3700 se situait exactement au niveau de performances annoncé, ce qui n’est guère surprenant lorsqu’il s’agit d’Intel. Bien que les SSD de Micron aient pu faire mieux, leurs capacités et prix ne plaident pas nécessairement en leur faveur par rapport au P3700 que nous avons testé.
A propos de prix, Intel n’a jamais été connu pour pratiquer une politique agressive, mais la donne change cette fois. Le géant de Santa Clara cherche manifestement à couper l’herbe sous le pied de la concurrence : annoncé à 3$ par Go, le P3700 est très compétitif par rapport au Micron P420m. Si l’on prend en compte la capacité et le gain de performances qui en résulte lorsque celle-ci augmente, le P3700 devrait surpasser le Micron P420m dans la plupart des tests. Le Micron P320h reste supérieur dans de nombreux domaines, ce qui est normal vu qu’il coûte presque trois fois plus cher.
Bien que ces produits visent clairement le marché professionnel, nous sommes convaincus qu’une poignée d’entre nous pourrait se laisser séduire par le P3500 (annoncé à 599$ pour la version 400 Go). Contrairement à l’Intel SSD 910, il est possible de démarrer un OS à partir de ces SSD. Par ailleurs, ils affichent d’excellentes performances avec des files d’attentes courtes, ce qui correspond à l’usage des particuliers. Même des RAID de SSD auraient du mal à rivaliser avec les performances brutes du P3500, sans même parler du P3700.
Au final, nous avons plus l’impression d’une évolution que d’une révolution, probablement parce que nous savions depuis quelques années que le NVMe était en route. Ce qui est sûr, c’est qu’il nous en faut plus. En effet, nous avons maintenant un protocole qui dépasse très largement les performances de l’interface hôte et de la NAND ; les latences considérables de l’AHCI ne constituent donc plus un goulet d’étranglement. Dans un contexte où les bases de l’avenir du stockage sont posées, Intel a décidé de frapper fort avec sa gamme de produits NVMe destinés au marché professionnel. Reste à savoir si d’autres acteurs ont les ressources et l’expertise pour suivre.