L’or fait partie intégrante des nombreux métaux entrant dans la constitution des cartes mères. Disposant d’un stock conséquent de modèles défectueux, nous avons voulu voir quelle quantité d’or pur il est possible d’extraire de ceux-ci.
Une vraie mine d’or ?
Il y a sept ans maintenant, nous étions encore jeunes et insouciants, nous vous avons proposé un dossier consacré à la récupération « artisanale » de l’or dans les cartes mères. Si la méthode de récupération n’a pas changé (on ne réinvente pas la chimie tous les jours), les cours des métaux rares et précieux ont depuis explosé, conduisant les constructeurs à optimiser et améliorer leurs procédés de fabrication afin de réduire encore plus la quantité de ces métaux dans les produits informatiques.
Pourtant, l’or – et d’autres métaux – sont indispensables au bon fonctionnement des appareils électroniques. Il est donc toujours possible de récupérer l’or des cartes mères, même s’il faut plus de cartes aujourd’hui pour obtenir la même quantité du métal précieux qu’hier !
Article d’origine, publié le 19 juillet 2010 :
Principalement utilisé pour la bijouterie, l’or (symbole chimique Au) l’est également par l’industrie dans son ensemble, et plus particulièrement par l’industrie électronique et informatique en raison de sa bonne conductivité thermique et électrique ainsi que pour sa qualité de métal inoxydable et inaltérable. Ce sont ainsi plusieurs centaines de tonnes (318 tonnes par exemple en 2003) qui sont utilisées chaque année par l’industrie informatique.
On retrouve ce métal précieux dans tous les composants informatiques ou presque : processeurs, cartes mères, cartes d’extension, barrettes mémoire… Bien entendu, les quantités utilisées pour chaque pièce sont infinitésimales, mais devant la flambée du cours de l’or ces dernières années, il devient pourtant de plus en plus intéressant économiquement de récupérer l’or des composants électroniques et informatiques usagés plutôt que d’aller le chercher dans les mines. Certaines entreprises se sont donc spécialisées dans ce domaine.
Aujourd’hui, nous allons vous montrer comment nous avons récupéré « artisanalement » l’or d’une carte mère. Attention, les produits chimiques utilisés au cours de cette démonstration sont extrêmement dangereux, surtout aux concentrations employées. Nous vous déconseillons donc très fortement de tenter de reproduire chez vous cette expérience.
De l’or partout
Sur une carte mère, l’or est présent à de nombreux endroits : connecteurs IDE, ports PCI-Express, PCI, AGP, ISA (et autres), broches des cavaliers, socket du processeur ou encore connecteurs DIMM (ou SIMM pour les vieilles cartes mères).
Tous ces connecteurs sont très souvent recouverts d’une fine couche d’or de quelques microns d’épaisseur, déposée par flashage ou plaquage.
Les outils
Dans un premier temps, il va donc falloir récupérer toutes ces fines broches. Des pinces classiques et coupantes, des tournevis plats et cruciformes et pas mal d’huile de coude vont être nécessaires…
Des broches, des broches…
Beaucoup de broches sont nécessaires pour réaliser cette expérience…
Le matériel nécessaire
…ainsi qu’un peu de matériel et de produits chimiques.
Electrolyse
Pour récupérer les quelques microgrammes d’or déposé sur ces broches, nous allons utiliser une cellule électrolytique. Le bain sera composé d’une solution d’acide sulfurique concentré à 95%, la cathode sera en plomb et l’anode en cuivre. Les broches sont déposées dans l’anode à laquelle on aura donné une forme de panier.
Electrolyse : ça fonctionne
En faisant passer un courant électrique dans la cellule, grâce à un simple chargeur de batterie, le cuivre de l’anode (et des broches) se dissout et vient se déposer sur la cathode en plomb. L’or, détaché du cuivre, sédimente alors au fond de la cellule. On notera d’ailleurs au passage que la température du bain augmente sensiblement.
Dépôt à récupérer
Une fois que tout l’or s’est détaché des broches, on laisse décanter le bain. Puis on récupère le plus d’acide sulfurique possible, avant de diluer ce qu’il reste au fond de la cellule électrolytique.
Diluer
Attention, toujours verser l’acide dans l’eau et non l’inverse ! Dans le cas contraire, les premières gouttes d’eau qui toucheraient la surface de l’acide sulfurique seraient immédiatement vaporisées et risqueraient de créer des projections d’acide…
Filtrer
On obtient donc une solution diluée d’acide sulfurique, ainsi que différents métaux (dont l’or) et déchets qu’il va ensuite falloir filtrer. Pourquoi ne pas filtrer directement, sans diluer ? Parce que les filtres en papier n’apprécient que moyennent l’acide sulfurique fortement concentré…
Dissoudre : préparation
Dans le filtre, il reste donc un mélange de divers métaux et d’impuretés. Dissolvons tout cela dans un mélange d’acide chlorhydrique à 35% et d’eau de javel à 5%, dans une proportion de 2 pour un.
2 HCl + NaClO -> Cl2 + NaCl + H2O
Dichlore : attention danger !
Attention, la réaction est très exothermique et produit un gaz dangereux, le dichlore. Celui-ci a d’ailleurs été utilisé comme gaz de combat lors de la Première Guerre Mondiale, sous le nom de bertholite…
Dissoudre
C’est justement le dichlore produit en mélangeant l’acide chlorhydrique et l’eau de javel qui va venir dissoudre l’or pour former du chlorure d’or (III).
2 Au + 3 Cl2 -> 2 AuCl3
Filtrer, de nouveau
Il ne reste plus qu’à filtrer une nouvelle fois le tout. Le filtre va retenir toutes les impuretés, tandis qu’il ne restera plus que du chlorure d’or (III) dans la solution.
Précipiter
Pour récupérer de l’or métallique, il va falloir faire précipiter l’or en solution. Utilisons pour cela du métabisulfite de sodium en poudre. En présence d’eau, le métabisulfite de sodium donne de l’hydrogénosulfite de sodium.
Na2S2O5 + H2O –> 2 NaHSO3
C’est ce même hydrogénosulfite de sodium qui va permettre à l’or de précipiter.
3 NaHSO3 + 2 AuCl3 + 3 H2O –> 3 NaHSO4 + 6 HCl + 2 Au
De la poudre d’or
Laissons décanter le tout, puis récupérons la poudre brune tombée au fond du bécher : attention à ne pas en perdre, il s’agit d’or métallique !
Fondre
Il ne reste donc plus qu’à fondre cette poudre dans un creuset.
Le point de fusion de l’or se situe aux environs des 1064 °C, un chalumeau oxy-butane fera donc l’affaire.
Une bille d’or
Et voila une jolie bille d’or !
Le jeu en vaut-il la chandelle économiquement parlant ? Certainement pas. Le procédé n’est viable d’un point de vue économique que s’il est industrialisé, la bille obtenue n’ayant que 2 à 3 euros de valeur au cours actuel de l’or. Les entreprises qui récupèrent l’or de nos ordinateurs utilisent d’ailleurs d’autres techniques et utilisent des produits chimiques encore plus dangereux. Mais il est tout de même intéressant, voire amusant, de savoir qu’il est techniquement possible de récupérer « artisanalement » l’or de nos cartes mères.
Il est également possible de récupérer l’or des cartes d’extension, voire des processeurs et des chipsets. Mais ça, c’est une toute autre histoire…
(Merci au site Poubelle.be pour leur aide)
Et donc grâce à ce mélange d’acide chlorhydique et de eau de javel on peut faire dissoudre de l’or depuis une carte mère par exemple ?
merci pour cette article aussi intéressant que pertinent