Steam OS ?
Après avoir fait monter le buzz pendant toute l’année 2013, Valve dévoilait en septembre dernier son système d’exploitation Steam OS. La première version bêta laissait grandement à désirer, mais permettait déjà de comprendre le but poursuivi par la société : créer un environnement pour le jeu PC dans le salon. Bien que Gabe Newell le fondateur de Valve ait vertement critiqué Windows 8, Steam OS est en effet beaucoup moins une attaque envers Windows qu’envers les consoles Xbox One et Playstation 4 en tête. Steam OS n’est pas pensé comme un OS de PC de bureau, encore moins de PC portable. Sa cible est le téléviseur.
Ceci dit, Steam OS est bel et bien conçu à partir d’un OS de PC, en l’occurrence Linux. Plus précisément, Valve est parti de la distribution Debian. Mais Steam OS n’est pas simplement Debian livrée avec le client Steam préinstallé. Valve a intégré un moteur de composition des fenêtres spécifiques, qui peut remplacer totalement Gnome. Ce moteur est censé assurer des transitions parfaites entre le client Steam en mode Big Picture et les jeux. Il a également l’avantage de ne présenter qu’une interface facilement utilisable sur TV, en masquant les entrailles Linux. Il est encore possible de retrouver un bureau Gnome classique, mais à terme, Valve pourrait le supprimer totalement.
Un OS pour le matériel compatible
En développant Steam OS, Valve se heurte au problème de la compatibilité du matériel avec son OS. La société le résoudra en partie via son programme de Steam Machines, des PC complets vendus préinstallés sous Steam OS. Valve travaille également à élargir la gamme de composants compatibles. À son lancement, Steam OS exigeait une carte graphique Nvidia, un processeur Intel et une carte mère dotée d’un UEFI. Aujourd’hui Steam OS sait fonctionner sur des cartes mères limitées au BIOS et tolère les cartes graphiques AMD ou Intel. En outre, prévu pour une utilisation sur TV, Steam OS a le bon goût de prendre en charge nativement les manettes de PS3, PS4 et Xbox 360, tout du moins en mode filaire.
Toutefois, de gros points noirs subsistent : par exemple, les PC portables en configuration Optimus ne sont toujours pas officiellement supportés, les pilotes AMD intégrés ne reconnaissent que les Radeon HD 5000 ou plus récentes. Et même lorsqu’on prend soin de réunir du matériel compatible, l’installation peut réserver quelques surprises, comme nous l’avons constaté.
Pour préparer ce dossier, nous avons monté une machine composée : d’une carte mère Intel DZ77GA-70K, d’un CPU Intel Core i5-3570K et d’un SSD Kingston HyperX 240 Go. Nous avons utilisé tour à tour deux cartes graphiques : une GeForce GT5X 780 et une Radeon R9 290X.
Une installation simplifiée
Pour installer Steam OS, Valve propose deux solutions : soit une image à cloner sur le disque cible, soit une installation classique. La seconde option laisse beaucoup plus d’options de configuration, c’est donc celle que nous vous conseillons. Accessoirement, c’est la seule qui a fonctionné sur notre PC de test.
Comme vous pouvez le voir dans la vidéo ci-dessus, depuis la mise à jour 96 publiée hier, l’installation de Steam OS est entièrement automatique. Il suffit de télécharger l’installeur, le copier sur une clé USB vierge de 4 Go, démarrer sur cette clé et de choisir Automatic Install. Quelques minutes (douze dans notre cas) et deux reboot plus tard, il ne reste plus qu’à entrer ses identifiants Steam pour retrouver son catalogue de jeux.
Le scénario ne se déroule cependant pas toujours aussi idéalement. Dans notre cas, l’UEFI de notre carte mère bloquait le redémarrage. L’explication est simple : il cherche un fichier bootx64.efi sur le disque de démarrage dans un dossier /EFI/BOOT, or SteamOS crée un fichier grubx64.efi dans un dossier /EFI/Steamos. Heureusement, quelques lignes de commande à taper dans l’environnement d’installation suffisent à renommer ce fichier critique et à débloquer la situation.
En dual boot avec Windows
La méthode précédente est extrêmement simple, mais n’est pas sans inconvénient : notamment, elle efface entièrement le disque dur de la machine choisie. Il est toutefois possible de mettre Steam OS en double boot à côté de Windows (ou d’une autre distribution Linux). Pour ce faire, quelques étapes supplémentaires s’imposent. La première est de libérer de l’espace non formaté sur le disque dur. Cette manipulation est à réaliser dans Windows, l’installeur de Steam OS ne sachant pas redimensionner une partition NTFS. Ensuite, il faut préférer l’installation en mode Expert à l’installation automatisée. Après les premières étapes de détection du matériel, on pourra alors désigner l’espace non formaté préalablement aménagé comme emplacement pour les partitions nécessaires à Steam OS. C’est la seule intervention nécessaire, la procédure reprend ensuite de manière autonome.
Big Picture mué en OS
La problématique de l’installation résolue, examinons l’interface de Steam OS. Elle ne recele que très peu de nouveautés par rapport au client Steam disponible sous Linux, Windows ou Mac OS, lancé en mode Big Picture. On retrouve les mêmes très gros boutons, facilement sélectionnables à l’aide d’une manette. On a le choix entre aller acheter des jeux sur le magasin Steam, lancer les jeux déjà disponibles dans sa bibliothèque ou partager avec ses amis. Valve a également prévu un navigateur internet, qui ouvre par défaut le forum d’entraide sur Steam OS.
Les principales différences vis-à-vis du client Steam classique se trouvent dans le menu de paramétrage. Dans ses options, on trouve ainsi la possibilité d’activer le bureau Gnome standard ou de mettre à jour Steam OS.
Nvidia OK, AMD doit travailler
Ce n’est pas par son interface ou ses fonctionnalités que Steam OS se distinguent. Peut-être par ses performances alors ? Nos avons comparé Steam OS dans sa version d’hier à Windows 8.1 avec les derniers pilotes disponibles. La comparaison est compliquée par le manque d’outils multiplateformes, mais nous avons utilisé les benchmarks Unigine Heaven et Valley ainsi que la fonction timedemo des titres Portal et Left 4 Dead 2, deux jeux Valve.
Avec une carte graphique Nvidia, dans le pire des cas (le benchmark Unigine Valley en mode Extreme HD), les performances sous SteamOS sont 18 % inférieures à celles sous Windows 8.1. Sous L4D2, l’écart se réduit à 6 %. Sur un GPU AMD, en revanche, l’écart en faveur de Windows est très important : L4D2 saccade avec la Radeon R9 290X sous Steam OS alors qu’il s’affiche à 90 fps sous Windows.
Un avenir incertain
Après six mois d’existence, SteamOS est toujours en bêta, à juste titre. Il est encore trop brut de décoffrage, trop rustique. Néanmoins, Valve travaille constamment à l’améliorer, cela se voit. Par rapport aux premières versions, la mise à jour 96 apparue hier est bien plus facile à installer, même pour un novice. Sur du matériel bien supporté, Steam OS ne pose pas vraiment plus de problèmes que Windows. En quelques dizaines de minutes, on peut obtenir un PC dédié au jeu sur TV, qui offre des performances presque identiques à un équivalent tournant sous Windows.
Toutefois, la satisfaction du travail accompli passée, on ne peut éviter de se poser la question : pourquoi faire ? Steam OS n’offre en pratique aucune fonctionnalité supplémentaire par rapport à un PC identique sous Windows, muni du client Steam classique. Au contraire, on perd la meilleure compatibilité matérielle, l’éventail d’applications tierces (à commencer par la lecture vidéo) et on n’accède qu’à un catalogue de jeux très restreint.
S’il n’est pas avantageux pour l’utilisateur, Steam OS offre-t-il un avantage aux constructeurs ? Oui et non. En faisant l’économie d’une licence Windows, ils pourront proposer des Steam Machines plus puissantes que des PC équivalents. Mais ils devront également prendre en compte le coût supérieur du support client. Car si le joueur moyen a quelque peu l’habitude de régler ses soucis sous Windows, ils sont beaucoup moins nombreux à savoir dépanner une installation Linux. Alors Steam OS, pour qui ?