WiFi ac MU-MIMO, WiFi ad : le WiFi accélère en 2016
La technologie Wi-Fi a déjà presque 20 ans ! L’association IEEE (Institute of Electrical and Electronics Engineers) a mis à plat le standard 802.11 pour la toute première fois en 1997. Cet ensemble de normes offrait alors un débit maximal de 2 Mbit/s seulement. Mais la première mise en pratique d’un transfert sans fil est encore plus ancienne. Elle date du début des années 90, pour des systèmes de paiement, sous la marque WaveLAN, véritable précurseur de l’actuel Wi-Fi.
L’une des toutes premières cartes WaveLAN, au format ISA. Fabriquée par AT&T, elle exploitait une bande de fréquence à 2,4 GHz.
Depuis, les débits et la portée de ces connexions sans fil ont explosé, principalement grâce à l’utilisation de nouvelles fréquences et à la parallélisation des flux de données. En 2016, trois évolutions majeures vont faire avancer le sans-fil :
- La généralisation du Wi-Fi 802.11ac avec technologie multi-utilisateur (MU-MIMO)
- Le tout premier protocole 802.11ad (ou WiGig) exploitant une bande de fréquence à 60 GHz pour atteindre des débits très élevés.
- Le tout nouveau Wi-Fi Halow (802.11ah) à basse fréquence et longue portée, dont le rôle annoncé consiste à relier nos très nombreux objets connectés, sans encombrer les actuelles fréquences de transmission.
Ces constantes évolutions sont bien difficiles à suivre pour le consommateur profane, qui risque par conséquent de rater un virage technologique intéressant. Commençons par un tableau récapitulatif :
Protocole (année de lancement) | Bande de fréquence | Largeur maximale du spectre | Débit maximal par flux | Technologie MIMO / Beamforming | Débit maximal | Portée | Puissance de transmission maximale |
---|---|---|---|---|---|---|---|
802.11-1997 (1997) | 2,4 GHz | 20 MHz | 2 Mbit/s | Non | 2 Mbit/s | 20 m | 100 mW |
802.11a (1999) | 5 GHz | 21 MHz | 54 Mbit/s | Non | 54 Mbit/s | 35 m | 100 mW |
802.11b (1999) | 2,4 GHz | 22 MHz | 11 Mbit/s | Non | 11 Mbit/s | 35 m | 100 mW |
802.11g (2003) | 2,4 GHz | 23 MHz | 54 Mbit/s | Non | 54 Mbit/s | 38 m | 100 mW |
802.11n (2009) | 2,4 GHz et/ou 5 GHz | 40 MHz | 150 Mbit/s | Oui (4 flux) / Beamforming possible, mais non certifié | 600 Mbit/s | 70 m | 100 mW |
802.11ac (2013) | 5 GHz | 160 MHz | 867 Mbit/s | Oui (8 flux) / MU-MIMO / Beamforming | 6,9 Gbit/s | 35 m | 160 mW |
802.11ac Wave 1 (2013) | 5 GHz | 80 MHz | 433 Mbit/s | Oui (3) / Beamforming | 1,3 Gbit/s | 35 m | 160 mW |
802.11ac Wave 2 (2015) | 5 GHz | 160 MHz | 867 Mbit/s | Oui (4) / MU-MIMO / Beamforming | 3,5 Gbit/s | 35 m | 160 mW |
802.11ad (2016) | 60 GHz | 2160 MHz | 6,8 Gbit/s | Non / Beamforming | 6,8 Gbit/s | 10 m | 10 mW |
802.11ah (2016) | 700, 800, 900 MHz | 16 MHz | 7,8 Mbit/s (2 MHz) | Oui (NC) / MU-MIMO / Beamforming | 78 Mbit/s (16 MHz) | 1000 m | 100 mW |
Le Wi-Fi 802.11ac Wave 2 : plus de débit pour plus d’utilisateurs
Les premiers produits Wi-Fi 802.11ac n’offrent pas les possibilités maximales de la norme telle qu’elle a été certifiée par l’IEEE. La première vague (802.11ac Wave 1) se limitait à un spectre de fréquences large de 80 MHz, avec trois flux parallèles seulement. En 2016, la seconde vague de périphériques « 802.11ac Wave 2 » apporte trois améliorations majeures :
- l’ajout d’un quatrième flux MIMO (+ 25 % de débit global)
- l’élargissement du spectre de fréquences à 160 MHz, ou 2×80 MHz (débits doublés)
- l’arrivée de la technique MU-MIMO (MIMO Multi Utilisateur)
Le MU-MIMO, c’est quoi ?
La technologie MIMO (Multiple-Input and Multiple-Output) est déjà présente dans de nombreux produits, et elle est déjà bien éprouvée. Elle consiste à paralléliser les flux de données sur plusieurs antennes pour augmenter d’autant le débit de connexion. Idéalement la présence de deux antennes en émissions et en réception va doubler les débits. Un routeur Wi-Fi 802.11n équipé de 4 antennes peut ainsi faire passer jusqu’à 600 Mbit/s simultanément, soit quatre fois son débit maximal de 150 Mbit/s sur une antenne. Le périphérique qui reçoit la transmission doit, lui aussi, être équipé de plusieurs antennes pour en bénéficier.
Ce premier type classique de MIMO est dit SU-MIMO, pour Single-User MIMO. Il est disponible au sein du standard 802.11n, mais ne permet qu’à un seul récepteur de tirer parti de la totalité du gain de débit. Dans le cas où plusieurs récepteurs sont connectés au même réseau Wi-Fi SU-MIMO, ils doivent se partager le débit total de 600 Mbit/s. Car le routeur enverra les paquets de données en série (l’un après l’autre) dans le temps, et chaque récepteur devra attendre son tour.
La technologie MU-MIMO ajoute un second étage de parallélisation au processus de transmission sans fil des données. Cette fois, le routeur pourra envoyer parallèlement différents paquets de données en même temps à plusieurs utilisateurs, par un processus de multiplexage. Le routeur MU-MIMO se comporte alors comme un switch plutôt qu’un hub. Résultat, les débits distribués sur plusieurs appareils augmentent considérablement, comme le montre ce premier test signé Morr Insights & Strategy. Autre effet bénéfique : la connexion au réseau Wi-Fi est presque instantanée.
Beamforming exigé
Le MU-MIMO n’est disponible qu’au sein du standard Wi-Fi 802.11ac, et il exige la formation d’un faisceau d’ondes particulier pour chaque récepteur ou groupe de récepteurs, pour ensuite distribuer les bons paquets de données aux bons utilisateurs. C’est la technique du beamforming, que nous avions déjà décrite et testée en 2009 (cf. Beamforming : le meilleur du WiFi). Le beamforming consiste à légèrement décaler dans le temps l’émission des signaux de chaque antenne (déphasage), et faire varier la puissance sur chaque antenne, afin d’être en mesure de « diriger » un front d’ondes dans l’espace. Cette astuce améliore la réception Wi-Fi en la dirigeant spécifiquement vers les récepteurs. Elle permet surtout d’envoyer simultanément différents paquets de données dans différentes directions pour optimiser le fonctionnement du MU-MIMO. Cette excellente vidéo (en anglais) rend le principe très facile à comprendre.
Le beamforming est déjà possible avec des routeurs 802.11n dotés de plusieurs antennes, mais il n’est pas certifié au sein de ce standard. Il ne sert qu’à améliorer la fiabilité de la connexion, et surtout, ne fonctionne qu’avec des émetteurs et récepteurs strictement compatibles (même marque, même génération). Aujourd’hui, la technique est bien incluse dans le standard 802.11ac Wave 2, ce qui lui assure une parfaite interopérabilité.
La seule contrainte du MU-MIMO réside justement dans la mise en place du beamforming pour les appareils mobiles comme les smartphones et les tablettes. Pour savoir comment organiser ses différents faisceaux d’ondes, le routeur doit envoyer régulièrement des paquets de sondage (sounding frames) pour savoir où se trouve chaque client. Ce sondage régulier peut ralentir la connexion, mais les firmwares des routeurs sont optimisés pour réduire au maximum ce désagrément. De même, le routeur sera assez intelligent pour remarquer qu’un client reste immobile (PC fixe, TV, etc.), et ne plus lui envoyer de paquets de sondage. Toute cette problématique est discutée dans cette vidéo signée Cisco (en anglais).
Déjà une multitude de produits MU-MIMO
Pour toutes ces raisons, il est impératif que le récepteur soit parfaitement compatible avec ce type de technologie, ce qui n’était pas le cas de tous les périphériques, même certifiés 802.11ac… jusqu’à maintenant. En 2016, les choses changeront, car la majorité des produits prévus pour cette année seront bien compatibles MU-MIMO : ils font partie de la seconde vague (802.11ac Wave 2), dont l’interopérabilité a été fraîchement certifiée. L’avantage est simple : il permettra un fonctionnement plus fiable et rapide d’un réseau Wi-Fi en présence d’un grand nombre de clients. Et c’est « tout bénef » pour nos foyers de plus en plus connectés !
Tous les actuels smartphones Qualcomm de dernière génération sont potentiellement compatibles MU-MIMO par la technologie Qualcomm VIVE, mais certains ne le sont pas dans les faits. Le site Qualcomm fournit une première liste assez complète de produits officiellement compatibles MU-MIMO. Évidemment, les prochains smartphones équipés de puces Snapdragon 820 seront tous compatibles MU-MIMO.
Pour les PC, tablettes et smartphones, tous les produits milieu et haut de gamme de 2016 devraient gérer le MU-MIMO. C’est déjà le cas des Alienware 13, 15 et 17 ou du Nexus 5, du OnePlus 2, des Lumia 950/XL ou encore des cartes mères Gigabyte GA-170X Gaming G1.
Beaucoup de routeurs haut de gamme lancés l’année dernière sont déjà compatibles MU-MIMO. De nouveaux arrivent cette année. Voici une liste non exhaustive compilée par Strategy Analytics :
Le Wi-Fi 802.11ad : la puissance brute à hautes fréquences
Le tout nouveau standard Wi-Fi 802.11ad, autrement appelé WiGig, est beaucoup plus facile à comprendre. Il consiste à exploiter la bande de fréquence des 60 GHz avec un très large spectre de 2160 MHz pour faire passer un très gros flux de données. Une transmission brute qui passe aussi par la formation d’un faisceau d’ondes (beamforming), mais qui n’utilise pas encore la technologie MU-MIMO, uniquement prévue pour les évolutions suivantes. Les débits sont impressionnants : annoncés jusqu’à 4,6 Gbit/s en mode Single Carrier (une seule porteuse), et jusqu’à 6,757 Gbit/s avec multiplexage.
Le Wi-Fi 802.11ad envoie des ondes avec une puissance de transmission 16 fois inférieure à celle du 802.11ac (seulement 10 mW). Mais sa portée est largement réduite : pas plus de 10 mètres en moyenne, et sans obstacle. Le moindre mur ou corps humain perturbera fortement la connexion, pour faire très nettement chuter les débits de données, ou même couper la transmission. C’est donc un Wi-Fi limité à une seule pièce, ou à des bornes de transferts de données à très courte portée. Qualcomm imagine, par exemple, des bornes de téléchargement de films Ultra-HD dans les halls de gare ou d’aéroport.
Dans un salon, le Wi-Fi 802.11ad est évidemment destiné à la vidéo en très haute définition. Pour télécharger un film Ultra HD en quelques secondes seulement, ou pour relier sans fil un écran à un ordinateur afin d’y afficher en temps réel une image haute définition non compressée. Dans un bureau, ce type de Wi-Fi sera aussi adapté à la mise en place de station d’accueil sans fil pour les ordinateurs portables.
Les premiers produits Wi-Fi 802.11ad
C’est TP-Link qui a fait le plus de bruit avec son premier routeur 802.11ad Talon AD7200, dont les débits théoriques agrégés (en multi-utilisateur) dépassent les 7 Gbit/s. Le routeur est dit « tribande », car il intègre aussi le standard 802.11ac à 2,4 et 5 GHz. En exploitant toutes ses antennes en MU-MIMO, le gain sera impressionnant, même si les débits, en pratique, seront moins mirobolants. En témoigne cette projection de Qualcomm ci-contre, avec des valeurs un peu plus réalistes, mais toujours très confortables.
Chez les PC portables, c’est Acer qui lance la tendance avec son TravelMate P648, qui sera certainement le premier du marché à gérer le 802.11ad, grâce une puce Qualcomm Atheros. Pour l’instant, les débits annoncés se limitent au mode Single Carrier du standard, soit 4,6 Gbit/s.
Et ce n’est pas tout ! Les fabricants HP et Dell proposent aussi leur dock WiGig pour PC portables : le Dell Wireless Dock et la HP Advanced Wireless Docking Station (F7M97AA). L’idée consiste à remplacer les classiques docks pour portable en éliminant toute connexion câblée. Le WiFi 802.11ad prendra alors en charge la transmission vidéo sans compression, mais aussi le relais des ports USB et Ethernet Gigabit.
Dell précise que son dock est compatible avec ses portables équipés de puces WiFi Intel Tri–Band Wireless–AC 17265. De son côté Intel explique que sa puce WiGig peut relayer deux affichages vidéo Full HD non compressés à faible latence, en plus des transferts de données Ethernet et USB. Quant au dock HP, il fut lancé avec la tablette pro HP Elite x2 1011 G1 et embarque la même puce WiGig Intel. Tous les débits sont encore annoncés à 4,6 Gbit/s.
Chez Lenovo, on exploite la même idée de station d’accueil pour PC portable, mais cette fois intégrée en option à un moniteur. La WiGig Bar viendra se clipser sous le cadre de l’écran ThinkVision X24 Pro, toujours pour gérer affichage Full HD et les transferts USB. Elle coûtera environ 250 euros.
Le Wi-Fi Halow 802.11ah à longue portée pour les objets connectés
Le standard 802.11ah, aussi appelé Wi-Fi Halow, exploite cette fois une bande de fréquence très basse, qui va de 700 à 900 MHz selon les pays, et avec une puissance de transmission qui pourra aussi varier selon les régulations. Les performances du réseau seront donc très variables selon les régions. Il semble que le réseau fonctionnera en majorité sur un spectre de 2 MHz, pour des débits maximums théoriques de 7,8 Mbit/s. Sur un spectre de 16 MHz, il pourra monter à 78 Mbit/s. Ce standard est donc plus lent, mais il est capable d’émettre à une distance de 1000 mètres en moyenne, en consommant très peu d’énergie, ce qui en fait un parfait outil pour relier les multiples objets connectés qui déferlent sur le marché (communication M2M : Machine to Machine, et IoT : Internet of Things).
En Europe, la bande de fréquence prévue (863-868 MHz) permettra d’ouvrir 5 canaux de 1 MHz (4 Mbit/s) ou 2 canaux à 2 MHz. En France toutefois, rien n’est encore certain, puisque cette bande de fréquence est encore allouée au Ministère de la Défense à l’échelle nationale et est utilisée en partie (de 863 à 865 MHz) par la transmission audio (micros sans fil, etc.) ou les télécommandes à une échelle locale.
Les réseaux destinés à la communication M2M devraient arriver cette année, mais on ne sait pas sous quelle forme. En France, le 802.11ah entre en concurrence avec le système de communication à longue portée LoRa (Long Range). Créé début 2015, la LoRA Alliance se pose en challenger, avec une technologie issue d’une entreprise française de Grenoble, Cycleo, rachetée pour l’occasion par l’américain Semtech. Elle exploite aussi des bandes de fréquences basses : 868 et 915 MHz. Sa portée est plus importante, jusqu’à 5000 mètres en milieu urbain dense et 15 km en campagne, mais ses débits sont inférieurs (pas plus de 50 kbit/s). La guerre des réseaux M2M/IoT ne fait donc que commencer !
Un premier test de réception pour LoRa, effectué par Semtech en milieu urbain très dense à Shinjuku, dans la métropole de Tokyo.
Le Wi-Fi, c’est pas fini
Les évolutions futures du Wi-Fi sont déjà bien fixées. Tout d’abord, l’actuel standard 802.11ac devrait laisser sa place au 802.11ax. Cette technologie reste sur la bande des 5 GHz avec un spectre maximal de 160 MHz, mais permettrait de multiplier par 10 les débits de transmissions réels.
Le 802.11ad devrait aussi évoluer vers le 802.11ay, prévu pour 2017 (au plus tôt). Ce nouveau standard reste sur la bande des 60 GHz. Il devrait encore faire exploser les débits, et surtout la portée de transmission : l’objectif est de 20 Gbit/s, jusqu’à 300 ou 500 mètres de distance !
Le 802.11ah, dont l’existence pratique n’est pas encore très claire, devrait aussi avoir son successeur : le 802.11af. Ce standard est aussi appelé White-Fi ou Super Wi-Fi, qui permettrait de faire transiter des données en réseau dans l’espace de fréquence des émetteurs TV (entre 54 et 790 MHz). Sa structure est basée sur le standard 802.11ac, mais peut traverser les obstacles bien plus facilement grâce aux basses fréquences. La portée pourrait dépasser les 1000 mètres. Par rapport au 802.11ah, le spectre de fréquence est élargi à 6-8 MHz, pour faire passer des débits de 27 à 36 Mbit/s, et monter jusqu’à 427 et 569 Mbit/s en cumulant quatre flux de données en parallèle.
Enfin, l’alternative au Wi-Fi, c’est le Li-Fi. Cette technologie de transmission utilise la lumière pour établir ses connexions. La lumière, qui n’est, en fait, que la partie visible du spectre électromagnétique ! La technologie Li-Fi nécessite encore beaucoup de développement. Elle permettrait pour l’instant d’atteindre des débits de 96 Mbit/s en jouant sur plusieurs couleurs. Certains avancent des débits maximums de 1 Gbit/s, avec la capacité de connecter un très grand nombre de clients. Mais tout lui reste encore à prouver !