Il y a quelques semaines, nous sommes allés visiter Hawthorn’s Farm, l’usine dans laquelle Intel conçoit et teste ses futures cartes mères. Nous y retournons ce mois-ci et parcourons l’allée où sont exposés 16 ans de cartes mères Intel.
- Return To Castle Intel
- Je suis… Batman
- Moins c’est… moins
- Il n’y a pas beaucoup d’interfaces, non ?
- La puissance de Platon
- 100 % pur ports
- Quand Thor frappe
- Une plateforme Intel ouverte ?
- Que l’intégration commence !
- Bienvenue à Seattle
- Le retour de l’AGP
- Toujours l’AGP
- Juneau et le NLX
- Se mettre au travail
- On a tout intégré !
- Un pont trop loin à Vancouver
- Quelques bonnes nouvelles
- Restons à Vancouver
- Willow
- On ne peut pas plaire à tout le monde
- Tout commença à Garibaldi
- Over-quoi ?
- Le secret de Blue Mountain
- Pas de retour possible
- Et voilà SATA
- Méchante
- Vraiment méchante
- La petite carte qui valait un milliard
- Moins c’est Mieux
- Rêve de geek
- Une vraie célébrité
Return To Castle Intel
Il y a quelques semaines, nous vous avons fait visiter les entrailles de Hawthorn Farm, l’usine dans laquelle Intel conçoit et teste ses futures cartes mères haut de gamme. En chemin vers la sortie du bâtiment, nous avons descendu un corridor qui se terminait par le détecteur de métaux que quiconque doit traverser pour pénétrer dans le bâtiment. Les murs de ce corridor sont tapissés de dizaines de cartes mères encadrées : un véritable musée retraçant les nombreuses années passées par Intel à raffiner ses cartes mères.
Comme tous les passionnés de technologie, nous avons tendance à être amnésiques. Il existe tellement de choses intéressantes aujourd’hui, et nous en attendons tellement d’autres dans les prochains mois que nous oublions parfois d’où nous sommes partis et quels efforts ont été nécessaires pour en arriver jusque-là. En marchant dans ce corridor nous avons remonté le temps et avons profité d’une vue exceptionnelle sur la courbe de l’évolution. Certaines technologies existent toujours aujourd’hui, certaines autres ont connu leur heure de gloire puis se sont éteintes sans bruit.
À la fin de notre première visite, nous n’avions pu parcourir que la moitié du corridor. Ayant passé plus de 20 ans à jouer avec des composants, il nous était impossible de ne pas nous arrêter à chaque cadre, avec un « Oui, je me souviens de ça ! » ou un « ça s’appelait comment déjà ce truc ? ». Nous avions envie de rester là pendant des heures. Ce que nous avons pu faire lors de notre deuxième visite, munis de notre appareil photo et de notre trépied. Nous avons rassemblé ici les clichés d’une sélection des douze meilleures cartes, celles qui sortaient du lot par leur importance historique.
Je suis… Batman
Rappelons aux jeunots que la série TV Batman originale date de 1966. 27 ans plus tard, Intel a lancé sa carte mère « Batman », la toute première commercialisée sous sa marque. Avant « Batman » Intel n’avait produit que des cartes de référence pour les grands OEM et MNC (MultiNational Corportations – les sociétés multinationales). Le problème était que lorsque la division CPU du groupe lançait une nouvelle puce, aucune carte mère du marché n’était compatible avec. Intel était coincé entre l’œuf et la poule, et la meilleure solution était de pouvoir lancer les deux composants en même temps. Ce que le marketing appelait le « Time To Market » (TTM). Batman fut la première carte mère TTM d’Intel, et son but était d’assurer le succès rapide des premiers Pentium.
Ces puces rectangulaires à côté du CPU sont la mémoire tampon de niveau 2 du processeur – le fameux cache L2 – qui n’était pas encore intégré au processeur. Et les grosses puces carrées ? Non, elles ne font pas partie du chipset, elles gèrent les Entrées/Sorties.
Moins c’est… moins
Vous remarquerez sans doute une chose sur les très vieilles cartes mères : certains ports pour mémoire vive SIMM proches des bords de la carte sont inclinés à 45°. Ceci était du à leur proximité avec les baies pour disques durs ou l’alimentation. La vraie perle ici est l’autocollant « Overdrive Ready » sur le socket CPU (socket 4). Cette chose date tellement qu’elle a surpris même certains des ingénieurs Intel qui nous accompagnaient. Le socket 4 était alimenté en 5 V et n’acceptait que les Pentium 60 et 66. Le socket 5 (3,3 V) allait sortir plus tard pour les Pentium 75 à 133 et utiliserait des rangées de broches en quinconce. La puce OverDrive faisait appel à un doubleur de fréquence et travaillait donc à 120 ou 133 MHz sur les systèmes à socket 4. La combinaison Pentium + OverDrive était plus lente qu’un vrai processeur à 120 ou 133 MHz mais c’était une bonne solution pour faire évoluer sa machine à moindre coût. Il y avait aussi des OverDrive pour le socket 5, pour le Pentium Pro et, surtout, pour les 486. Ceux-ci permettaient d’installer un cœur Pentium sur une plateforme 486, avec des résultats plus ou moins satisfaisants.
Il n’y a pas beaucoup d’interfaces, non ?
En 1993, le CERN a fait découvrir au monde le World Wide Web, et les cartes mères n’intégraient que l’essentiel sur leur circuit imprimé. Batman ne possédait qu’une paire de ports PS/2 – oui vous avez bien lu. Si vous souhaitiez ajouter l’audio, vous deviez utiliser le bus ISA, et installer une carte fille telle qu’une Sound Blaster Pro.
La puissance de Platon
En septembre 1994, Intel était prêt à abandonner le Pentium et ses 5 V. La carte mère « Plato » (Platon) passait au socket 5, tout en préservant la plupart des bizarreries de « Batman ». Vous ne trouviez toujours que des ports PS/2 à l’arrière. Il y avait 256 ko de cache L2 soudé sur le PCB – une quantité ridicule comparée aux plusieurs mégaoctets gravés aujourd’hui dans les CPU – et la carte mère pouvait accepter un maximum de 128 Mo de RAM sur deux slots.
« Plato » était compatible avec les Pentium 75 et 90. Il fallait manipuler un cavalier sur la carte mère (JP7) pour sélectionner le bon processeur.
Le fabricant Gateway, encore largement distribué en France à l’époque, avait sorti une variante de « Plato » et l’avait baptisée Neptune, ce qui suggérait que quelqu’un dans la société avait confondu Plato (Platon) et Pluto (Pluton), et avait voulu se rapprocher de la Terre.
100 % pur ports
La carte mère Plato est connue au sein d’Intel pour être la première à avoir dépassé le seuil du million d’unités vendues. C’est aussi un stigmate du temps où les cartes mères devaient être dotées du plus grand nombre de ports d’extension possible. Cinq ISA et trois PCI en l’occurrence. Une capacité d’extension maximale, résumée par la phrase « slots and watts » (des ports et des watts) était à la fois un signe de qualité et une nécessité pratique, puisque presque rien n’était intégré sur la carte mère. Remarquez à quel point le dernier slot PCI est proche du port ISA sur le bord de la carte mère. Plato était un des premiers exemples de « shared slot » (port partagé) : les deux ports débouchaient dans la même fente à l’arrière du boitier.
Autre curiosité : remarquez l’absence de bordures en plastique autour des ports floppy et PATA sur la carte mère, alors qu’elles étaient présentes autour des ports de Batman. C’était une curieuse régression, puisqu’il devenait beaucoup trop facile de tordre une broche en branchant ou en débranchant les nappes de câbles. On pouvait même casser une broche ou deux.
Tenez, un dernier exemple : vous voyez ce connecteur d’alimentation entre le quatrième port ISA et le premier port PCI ? Aucun des employés d’Intel, pas même les plus vieux, n’a pu se souvenir de son utilité. Si vous connaissez la réponse, n’hésitez pas à la donner dans les commentaires de ce dossier. Vous recevrez… toutes nos félicitations !
Quand Thor frappe
Début 1996, l’industrie avait clairement besoin de revenir à des formats simples, comme l’AT ou le Baby AT, avec lesquels il était si facile de travailler. Il fallait simplement se débarrasser des vieilles technologies AT.
Intel avait publié la première spécification ATX en 1995, et Thor fut la première carte mère Intel utilisant ce nouveau format. Et bien que l’ATX ait été remanié à plusieurs reprises depuis 1995, la plupart des PC l’utilisent encore aujourd’hui, lui ou sa variante plus compacte micro ATX.
Sur Thor, le bus montait à 66 MHz pour satisfaire les besoins des Pentium en Socket 7, la mémoire pouvait atteindre 128 Mo de EDO RAM (Extended Data Out). L’EDO apportait un gain de 10 % à 15 % par rapport à la précédente technologie « Fast Page Memory », en laissant le contrôleur mémoire charger une nouvelle instruction d’accès à une colonne mémoire alors qu’il lisait déjà une autre adresse. Du traitement multitâche. Bien sûr, cela devait être supporté par le chipset : Triton, le chipset de Thor, autrement connu sous la référence 430FX, a rencontré un succès énorme, grâce auquel Intel a pu se positionner comme un des principaux fournisseurs de chipset. Triton supportait aussi le tout nouveau PCI 2.0.
Vous pouvez voir plusieurs espaces vides sur ce modèle Thor. C’est parce qu’Intel avait (et a toujours aujourd’hui) l’habitude de produire des designs de référence que les OEM peuvent personnaliser à leur convenance. Tout le monde n’avait pas l’usage d’un énième port ISA ou de plus de mémoire intégrée.
Une plateforme Intel ouverte ?
Il y a plein de choses à dire sur cette carte. Le design du socket 7 était innovant, pas seulement parce qu’il gérait des rails de tensions séparés – quoi ? 10 ans avant qu’AMD fasse tout un plat des tensions séparées du Barcelona/K10 ? – mais aussi parce qu’il acceptait les CPU socket 5. Oui vous avez bien lu : le socket 7 était rétrocompatible. Encore mieux : le socket 7 pouvait être utilisé avec des processeurs AMD, Cyrix, IDT, et d’autres. Imaginez cela aujourd’hui. Une folie, ouverte, compatible, facile. Pas étonnant qu’il n’ait pas duré. Et, croyez-le ou non : ce sont des puces de SRAM 32 bits Sony, que l’on peut voir à côté du socket.
Que l’intégration commence !
Si l’on jette un œil à l’arrière de la carte, on peut constater la genèse de l’intégration sur la carte mère. Oubliez ces super cartes filles. Maintenant, nous avons des ports série, parallèle et jeu intégrés (souvenez-vous, ce port 15 broches pour les joysticks, que Windows a supporté jusqu’à Vista). Sous le port jeu, attention ! Trois jacks audio reliés à un ASIC Crystal Semiconductor soudé entre le troisième et le quatrième port PCI. En bas à droite vous pouvez aussi voir le mini port interne à 4 broches sur lequel se branchait la sortie audio des lecteurs de CD, afin que l’on puisse lire un CD audio sur son PC (en analogique).
Bienvenue à Seattle
On aurait pu s’attendre à ce que la première carte mère Intel baptisée d’un nom de ville s’appelle Santa Clara, Hillsboro, Portland, ou n’importe quelle autre base importante d’Intel. Mais non. Le premier trimestre de 1998 a vu la naissance de Seattle, la première carte mère Intel à atteindre les 100 MHz de Front-Side Bus (FSB). C’était aussi la carte qui a accompagné le lancement des Pentium II. Euh… Il est où le socket CPU ? Ah oui c’est vrai ! Il n’y en avait pas ! À la place, on découvrait le slot 1, prévu pour recevoir une « cartouche », contenant le processeur, sa mémoire cache et son ventilateur.
Les fréquences disponibles au lancement étaient de 350 et 400 MHz. Par rapport à Thor, vous pouvez voir que Seattle est plus « propre ». Un grand nombre des grosses puces accessoires ont disparu. Par exemple, beaucoup des puces mémoires qui occupaient l’espace sur le PCB ne sont plus là, les 512 ko de cache L2 étant déportés sur la cartouche. Par contre, de gros condensateurs ont poussé autour du slot CPU comme des champignons. On voit à nouveau un slot PCI/ISA partagé, cette fois en deuxième position en partant du bord droit de la carte.
Le retour de l’AGP
L’intégration est poussée un cran plus loin sur Seattle, cette fois via l’arrivée de deux ports USB, tellement nouveaux à cette époque qu’il n’y avait quasiment rien à y brancher. L’USB était géré par le southbridge PIIX4E.
Le northbridge était encore plus marquant : il s’agissait du 440BX. Ce chipset était le second d’Intel à être compatible avec l’Accelerated Graphics Port (AGP). On voit ici le port AGP pointer le bout de ses broches sur la gauche du slot 1.
Toujours l’AGP
L’AGP représentait une avancée colossale par rapport à l’utilisation du bus PCI partagé. Seattle supportait l’AGP 66 MHz et 133 MHz.
Aujourd’hui, lancer une nouvelle technologie graphique sur une plateforme professionnelle semble contre nature, mais pas à l’époque. Tout change.
Juneau et le NLX
Un mois seulement après l’arrivée de Seattle, Intel a emmené le Pentium II 66/100 MHz sur une autre voie. La carte mère Juneau est la seule de notre sélection à utiliser le format NLX. NLX est un véritable standard et représente la première tentative à grande échelle pour créer des machines plus compactes.
À la différence des formats compacts actuels, le NLX déportait ses slots d’extension sur une carte fille, un riser. Cette carte supportant trois ou quatre slots ISA ou PCI s’enfichait à la verticale sur le bord de la carte mère, l’ensemble ayant une forme en L. C’est ce qui explique la présence de seulement deux slots sur l’exemplaire de Juneau sur la photo ci-dessus. L’un des deux accueillait la cartouche Pentium II (la barre noire servait d’attache au radiateur CPU), et l’autre les cartes AGP 2x.
Se mettre au travail
En 1998, les mini PC étaient surtout répandus dans les entreprises, ils étaient très loin d’attirer les foules du grand public. Et puisque les entreprises sont encore plus sensibles au prix que les consommateurs, la nécessité d’intégrer des fonctionnalités sur la carte mère se faisait encore plus impérieuse. C’est la raison pour laquelle Juneau possède et un port Ehternet 10/100 Mbps et une puce graphique ATI Rage Pro Turbo 64-bit AGP – un vrai luxe à l’époque. Enfin, jusqu’à la première tentative d’installation des pilotes…
On a tout intégré !
Il n’y a pas de port jeu – encore une histoire de besoin d’entreprise – mais le VGA, l’audio (y compris des prises pour des ports en façade), et un unique port USB sont tous au rendez-vous à l’arrière de Juneau, sans ordre particulier.
Un pont trop loin à Vancouver
Vancouver est une petite ville, juste à la sortie de Portland, dans l’Oregon, de l’autre côté de la rivière Columbia dans l’état de Washington. Le trafic sur le trajet jusqu’à l’usine d’Intel à Hillsboro était atroce en 1999 (et ne s’est pas amélioré depuis). Les effets sur le moral des ingénieurs ont peut-être été la cause de la carte mère Vancouver, mieux connue sous le nom VC820, qui fut la première carte mère Intel à utiliser la Rambus, ou RDRAM.
La RDRAM est sans doute le plus gros échec qu’ait connu la division cartes mères d’Intel. Intel et Rambus ont lié des liens financiers en 1996, et peu de temps après, Intel annonça qu’il allait adopter l’interface mémoire Rambus comme un standard. Cette décision était équivalente à annoncer en 2009 que toutes les voitures devront être électriques en 2012, même si les voitures électriques coûtent plus cher, vont moins vite, ne peuvent pas rouler aussi longtemps, et sont largement plus couteuses à réparer – sans oublier qu’il faut encore brûler autant d’énergie fossile qu’avec une voiture à explosion pour générer l’électricité nécessaire.
La RDRAM était géniale sur le papier, mais cette technologie était plus lente que la classique DDR, et se faisait payer très cher. Cela n’avait aucun sens de l’adopter en dehors des stations de travail. AMD n’aurait pas pu rêver plus beau cadeau. Le rejet du public fut intense, et la RDRAM a connu une (semi) mort remarquablement rapide.
Quelques bonnes nouvelles
Désolé, elles ne concernent que les cartes mères. À part la RDRAM, et la nécessité d’utiliser de ridicules barrettes de RAM factices appelées CRIMM si vous vouliez n’utiliser qu’un seul slot, Vancouver n’était pas une mauvaise carte. Le slot AGP acceptait des cartes graphiques jusqu’en 4X.
Restons à Vancouver
Il y avait quatre LED bicolores de diagnostic à l’arrière, une innovation surprenante qui annonçait les futures ambitions haut de gamme d’Intel. La carte mère avec son chipset 820 acceptait à la fois les Pentium II et les Pentium III, avec des vitesses de bus de 100 ou 133 MHz. Vancouver inaugurait aussi un slot coincé appelé audio/modem riser, ou AMR. C’était une astucieuse manœuvre visant à minimiser les coûts, grâce à laquelle les constructeurs pouvaient déporter les fonctions modem et audio sur une carte fille analogique. Cette carte fille serait certifiée par la FCC ou des organismes équivalents indépendamment de la carte mère. Ainsi, les constructeurs pouvaient modifier la connectique analogique de la carte mère sans devoir la resoumettre aux tests de la FCC.
Vancouver possédait toujours un port jeu sur son panneau arrière. À part cela, le seul élément curieux que l’on peut voir sur la carte est l’ensemble de connecteurs sous les ports floppy et PATA, prévus pour les ports déportés en face avant du boitier (qui eux-mêmes étaient une invention encore récente à l’époque). Regardez attentivement et vous verrez que cet ensemble est décalé par rapport aux connecteurs PATA et Floppy de quelques millimètres : une curieuse coquetterie de la part d’Intel. On remarque également que le port AGP était démuni de son ergot de maintien. Une économie de bout de chandelle, qui passait inaperçue à l’époque, peu de gens se souciant déjà de la sureté du montage de leur carte graphique.
Willow
Il faut reconnaître à Intel la volonté d’apprendre de ses erreurs. Un an après la débâcle RDRAM, nous avions Willow Springs 2, ou D810EWS-2, pour Pentium III et Celeron, utilisant de la bonne vieille DIMM 168 pins à 100 MHz. Les fréquences de FSB supportées allaient de 100 à 133 MHz pour les PIII et 66 MHz pour les Celeron. Intel aime à rappeler à quel point Willow Springs 2 est déterminante : c’est la première carte mère à avoir été conçue à Kulim, en Malaysie, l’usine sœur du campus d’Hawthorn Farm aux États-Unis. Il nous semble cependant plus intéressant d’attirer l’attention sur son format micro ATX. Il est vrai que ce format est né fin 1997, bien avant la WS2. Mais cette carte fut celle qui a rendu le micro ATX populaire chez les aficionados d’Intel.
Elle a aussi sonné le glas du slot 1, et le retour du socket. Enfin, elle marqua aussi l’abandon du concept de « Superboard », qui voulait qu’un seul design de carte mère soit vendu sur tous les segments de marché. Willow Springs 2 était clairement construite pour le milieu de gamme, alors que Garibaldi (voir plus loin) visait le haut de gamme.
On ne peut pas plaire à tout le monde
Intel a aussi dit adieu aux bus ISA et AGP sur cette carte, n’y laissant que quatre slots PCI. Privée de port Ethernet, et dotée d’un format compact, Willow Springs 2 attaquait sous un nouvel angle le marché du milieu de gamme sensible au prix bas garanti par l’intégration des fonctionnalités.
On pouvait choisir un Celeron bon marché et bénéficier du chipset audio Crystal ainsi que des capacités vidéo de l’IGP du chipset i810E. Celui-ci venait de se faire rebaptisé « Graphics Media Controller Hub » et offrait « des graphismes 2D et 3D éclatants », « une lecture fluide des DVD MPEG-2 », et « le support du système d’exploitation Linux ». Ooooh ! Plutôt impressionnant pour l’époque, même si le 810E allait créer une dynastie de chipsets aux performances insuffisantes pour tout sauf la plus simple bureautique.
Admirez le joli code couleur sur les ports arrières, issu de la norme PC 99. PC97, le premier guide de conception PC écrit par Microsoft et Intel imposait que les ports PS/2 souris et clavier soient verts et violets. Ceci pour empêcher les utilisateurs de brancher le mauvais périphérique dans le mauvais port. PC 99 reprenait cette idée et l’étendait à tous les ports aujourd’hui historiques, comme le VGA bleu ou les jacks audio multicolores.
Vous vous demandez probablement pourquoi le northbridge a été pivoté de 45 degrés. Non ce n’était pas un prélude à l’aujourd’hui défunt format BTX – pas directement en tout cas. Il y a simplement des cas où ce pivotement aide, simplifie et réduit la longueur des pistes entre le northbridge au front-side bus, la mémoire, le southbridge, les slots d’extension. Tant que les trous de montage restent à leur place, il n’y a pas violation du standard ATX/microATX.
Tout commença à Garibaldi
Garibaldi n’est pas seulement un célèbre général italien, c’est aussi le nom d’une petite ville sur la côte de l’Oregon, célèbre à cause de son silo à grains typique et sa proximité de Tillamook, le berceau de la plus grande usine de fromage du Nord-Ouest des États-Unis.
Aucun rapport avec la carte d’Intel cependant. La Garibaldi, aussi appelée D850GB, était la première destinée au marché émergent des “gamers”. Garibaldi est une carte mère au format ATX conçue pour les Pentium 4 avec un FSB 400 MHz. Ses ambitions très haut de gamme sont marquées par la présence d’un port AGP Pro 50 x4, capable de fournir 50 W à la carte graphique. À l’époque les cartes Pro 50 coutaient environ 1500 $ chacune – soit à peu près autant que ce que coûte un système tri ou quad SLI/CrossFire aujourd’hui. En 2001, Garibaldi fut aussi l’une des dernières tentatives d’Intel avec la RDRAM.
Autres signes avant-coureurs de l’escalade de la consommation qui allait suivre, on voit sur Garibaldi le nouveau connecteur ATX 12 V à côté du socket CPU, et le connecteur d’alimentation auxiliaire près des connecteurs IDE. Notez aussi le radiateur sur le northbridge – le tout premier sur une carte mère Intel à notre connaissance.
Over-quoi ?
À quoi servait ce radiateur sur le northbridge ? Sans doute est-il lié à l’apparition dans le BIOS de Garibaldi d’un mode “burn-in”, une dénomination risible lorsqu’on sait que ce mode ne permettait d’overclocker que de 4 %. Qu’importe, cette apparition témoigne d’un changement radical par rapport au dogme jusqu’alors en vigueur chez Intel : “La fréquence de fonctionnement, tu ne changeras pas”.
Garibaldi innovait encore par l’adoption des technologies d’économie d’énergie APM et ACPI, et d’un slot CNR (communication and network riser) le successeur de l’AMR. Enfin, Garibaldi fut aussi la première carte au monde à posséder des ports USB 2.0.
Le secret de Blue Mountain
Si Garibaldi a lancé l’idée de viser le marché des passionnés et joueurs, Intel est passé aux choses sérieuses avec Blue Mountain (D845EBT) fin 2002. Le chipset 845PE a apporté le FSB 533 MHz au Pentium 4. Souvenez-vous des dissipations thermiques de l’architecture Netburst, crevant le plafond, et qui devaient exploser en vol en atteignant les 150 W de TDP. Autant de chaleur imposait d’installer des systèmes de refroidissement “d’homme”. Et donc un socle renforcé autour du socket CPU. Et un radiateur de northbridge plus sérieux.
Avec ses cinq slots PCI, son slot AGP 4X et ses six ports USB 2.0, Blue Mountain commence à ressembler vraiment à une carte mère moderne. Les deux slots pour mémoire vive semblent tout de même un peu limités. La quantité maximale acceptée était de 2 Go de DDR.
Pas de retour possible
Blue Mountain marque le début des circuits imprimés noirs chez Intel. Et pourtant obtenir exactement la même nuance de noir sur tous les PCB n’est pas une mince affaire. Souvent, les soi-disant PCB noirs sortent avec toutes sortes de nuances, allant même jusqu’au marron foncé.
Intel voulait que ses cartes mères pour passionnés ne délivrent pas seulement des performances : une grande attention était aussi portée aux fonctionnalités multimédia. Le codec audio Analog Devices offrait le son 5.1 (bien qu’il ait aussi existé une variante 2.0 de Blue Mountain), et la connectique inaugurait à la fois des prises coaxiales et optiques S/PDIF, et un port Ethernet 10/100.
Et voilà SATA
Blue Mountain abandonnait le slot CNR, mais était la première carte d’Intel à supporter le SATA, grâce à un contrôleur Silicon Image intégré. Alors qu’Intel n’avait pas encore clairement segmenté sa gamme de cartes mères, Blue Mountain peut être considérée comme la fondatrice de la gamme Extreme Series et a marqué le point de départ d’Intel à la conquête du marché des passionnés, joueurs et autres amateurs exigeants.
Méchante
En 2006, Intel était passé maître dans l’art du lancement “time to market”. Les Core 2 Quad Kentsfield sont arrivés avec le chipset 975X et la carte mère D975XBX2, plus souvent appelée BadAxe 2. Le tout constituait la première plateforme Intel officiellement dédiée “au jeu haut de gamme”. Intel s’autorisait même un peu de fantaisie : regardez les jolis radiateurs sur les MOSFETs, en forme de flammes.
La vitesse du bus FSB atteignait alors 1066 MHz. Des pistes supplémentaires tracées sur la face inférieure du circuit imprimé permettent d’utiliser la carte en elle-même comme un radiateur. Même le southbridge ICH7R recevait un radiateur et Intel avait supprimé quasiment toutes les limitations à l’overclocking (à part pour la tension d’alimentation du CPU). Intel était même allé jusqu’à incorporer une fonctionnalité de restauration automatique du BIOS aux réglages d’origine après deux tentatives de démarrage infructueuses.
Vraiment méchante
Quatre slots DDR2-800 permettaient de monter la quantité totale de mémoire vive à 8 Go. La Bad Axe 2 acceptait même le DDR2 ECC, un revirement stratégique intéressant. Quelques années auparavant, les cartes mères pour stations de travail étaient vendues aux particuliers à contrecoeur. Au contraire, la Bad Axe 2 était une carte mère grand public qui aurait pu aussi vendues dans des stations de travail. Elle n’avait que trois ports PCI-Express (1.1). Seule la technologie ATI CrossFire était supportée, par conséquent seuls deux de ces ports pouvaient recevoir une carte graphique, via des liens X8. Bien sûr si une seule carte graphique était installée, le port PCI-Express fonctionnait en x16.
Avec la BadAxe 2, Intel a abandonné le contrôleur SATA RAID Silicon Image au profit d’un Marvell. Grâce à ce dernier, on pouvait associer jusqu’à quatre disques durs en une grappe RAID. Quatre autres pouvaient être montés en RAID par l’ICH7R. Ce perfectionnement de la gestion du RAID traduit l’évolution des usages, l’augmentation de la capacité des disques, et la volonté des utilisateurs de protéger leur collection toujours plus large de média.
Autre stigmate du temps qui passe, la BadAxe 2 intégrait aussi un port eSATA et un contrôleur Ethernet Gigabit. On entrait dans l’ère de la haute définition.
La petite carte qui valait un milliard
Bienvenue dans le présent ! On mesure tout le chemin parcouru pendant ces années en voyant qu’Intel n’a pas seulement adopté un format inventé par l’un de ses vieux concurrents, VIA, mais a aussi construit une gigantesque campagne marketing autour de lui. Little Falls, alias D945GCLF, ne symbolise pas seulement l’adoption par Intel du format mini-ITX, mais aussi l’arrivée du processeur Atom.
Curieusement pour une carte mère “écologique/économique”, Intel a associé un processeur ne consommant que 4 W à un chipset 945 GC beaucoup plus gourmand. Mais Little Falls fut moins pensée pour la préservation de l’environnement que pour la minimisation des coûts. C’est même indiqué sur la plaque montée sous ce modèle de référence : Little Falls est un produit “nettop” destiné au marché “sub value” (le bas de l’entrée de gamme) et elle doit atteindre un nouveau milliard d’utilisateurs.
Moins c’est Mieux
Little Falls et ses futurs descendants sont des tueurs de Celeron, alors préparez vos adieux. Cette plateforme est pensée uniquement pour le prix. On peut trouver aujourd’hui une D945GCLF pour moins de 60 €, un prix imbattable pour un lot CPU + carte mère. Le processeur est soudé à la carte mère, ce qui élimine le coût d’un socket. Il n’y a qu’un slot DDR2 (533 MHZ) et un port PCI. La carte graphique est intégrée, tout comme la gestion audio 6 canaux et la sortie S-Vidéo. Lorsque nous avons demandé la raison pour laquelle le northbridge recevait un aussi gros radiateur équipé d’un ventilateur, Intel a admis que ce fut une source de polémique en interne. Apparemment, il existe une variante de la carte dépourvue de ventilateur, mais elle nécessite une circulation dans le boitier suffisamment forte. Or dans les configurations construites pour un coût minimum, garantir un bon flux d’air dans le boitier n’est pas une priorité.
Little Falles peut-elle conquérir un nouveau milliard d’utilisateurs de PC ? Peut-être. L’Atom simple coeur est nettement à la traîne par rapport aux processeurs des PC classiques, mais ses variantes multicoeurs vont améliorer ce point et donner naissance à des PC convenables à moins de 150 €, voire tout juste 100 €. Cela pourrait suffire pour ouvrir de nouveaux marchés dans les pays émergents, mais aussi pour encourager l’achat d’un troisième ou d’un quatrième PC destiné aux enfants des familles plus riches par exemple.
Rêve de geek
Le problème en retraçant l’évolution des cartes mères Intel dans leur ordre chronologique, est que les produits les plus intéressants arrivent en derniers. Et vous avez sans doute déjà lu leurs tests sur Tom’s Hardware ou ailleurs. Mais nous ne pouvons pas exclure Skulltrail de ce récapitulatif.
Les stations de travail bi-processeur sont monnaie courante dans le monde professionnel, où chaque heure passée sur un contrat se traduit par des milliers de dollars de revenus ou de dépenses. Fin 2008, le chipset 5400 était le fer de lance de la gamme professionnelle d’Intel, capable de faire fonctionner deux Xeons en socket 771 sur un bus 1600 MHz. Mais, si cette plateforme était si bonne pour les pros, pourquoi ne satisferait-elle pas les passionnés ou les joueurs les plus passionnés (et fortunés) ?
Partant de cette idée, Intel a importé le 5400 dans sa série de cartes grand public “Extreme”, a renommé le Xeon X5482 “Core 2 Extreme QX9775”, a retiré toutes les sécurités limitant l’overclocking, et a créé un monstre, Skulltrail. Certes, la très onéreuse FB-DIMM était aussi de la partie, mais cela ne représentait pas un surcoût insurmontable étant donné le prix global du monstre, et la possibilité de choisir entre des cartes graphiques en SLI ou en CrossFire sur une même carte mère. C’était la toute première fois qu’Intel acceptait de payer les royalties pour le SLI. En l’occurrence une paire de bridge nForce 100 était ajoutée de sorte à (soit-disant) répartir les 32 lignes PCI-Express 1.1 sortant du northbridge sur les quatre slots PCI-express x16 de la carte mère, ce qui en pratique pouvait être fait de façon entièrement logicielle.
Malgré la perspective de pouvoir utiliser quatre graphiques simultanément, Intel s’est dit qu’il n’y aurait pas de problème à espacer les quatre slots PCI-e de sorte que seules trois cartes double-slot puissent être installées.
Une vraie célébrité
Skulltrail a fait une telle impression qu’elle a fait la une du Wall Street Journal (non pas sur un encart publicitaire). Si vous vous demandez combien cette plateforme consomme, c’est qu’elle n’est pas pour vous : Intel recommande une alimentation de 1 000 W, au minimum. Il y a rien moins que sept connecteurs pour ventilateurs sur la carte, colorés en rouge, pour que l’on ait une chance de les retrouver tous. Remarquablement, cette carte au format Extended ATX ne possède pas de contrôleur RAID dédié et se satisfait des six ports SATA gérés par le southbridge 6312ESB. Toutes les fonctionnalités audio que l’on peut désirer sont présentes, gérées par l’impressionnant codec Sigmatel STAC9274. Intel a complété la fiche technique par des ports Ethernet Gigabit, deux ports eSATA, deux ports Firewire 400 et 10 USB 2.0. Les LED de diagnostic des anciennes cartes font leur retour en se muant en afficheur alphanumérique à côté des ports SATA. Skulltrail achève de se mettre au niveau des cartes mères haut de gamme des autres constructeurs en se dotant de boutons d’allumage et de redémarrage intégrés. Skulltrail n’est pas parfaite, son talon d’Achille étant sans aucun doute son recours à la FB-DIMM. Cependant, si Intel ose poursuivre dans la voie ouverte par cette plateforme, Skulltrail version Nehalem sera incroyable.
Quoi qu’il en soit, après ce retour sur 16 ans d’évolution des cartes mères, les avancées qu’Intel a réalisé et l’influence qu’ont eu ces innovations sur la concurrence restent impressionnantes. Parfois Intel vise parfaitement juste. Parfois, ses cartes ressemblent plus à des… sources d’inspiration pour la concurrence. Dans les deux cas, nous en sortons généralement gagnants.