Comprendre les spécifications d’un kit audio

Introduction

Aujourd’hui, la qualité de l’environnement sonore est primordiale pour tirer le maximum des capacités multimédia de notre équipement. Ainsi, les téléviseurs 16/9, les lecteurs DVD, platines DivX et autres kits Home Cinema surround 5:1 envahissent notre salon. Nos chers PC ne sont pas en reste et les constructeurs nous offrent sans cesse de nouvelles cartes sons, atteignant désormais 20 bits, 24 bits, toujours plus performantes ainsi que des kits d’enceintes 5:1 voire 7:1.

Mais s’il est clair que les fabricants axent leur stratégie marketing sur le design de leurs produits, qu’en est-il de la qualité acoustique réelle de telles enceintes ? Le but de cet article est de vous aider à comprendre les caractéristiques principales de ces équipements audio, à faire le tri entre spécifications farfelues et performances réelles. Afin qu’au-delà du design accrocheur de certains produits, vous puissiez juger vous-même de la qualité sonore que vous pouvez en attendre avant d’investir.

MAJ : suite aux commentaires reçus après la publication de l’article, une mise à jour a été effectuée afin de clarifier certains points.

De la carte son à l’enceinte

Les données sonores que votre PC fournit à la carte son subissent de multiples transformations avant d’atteindre votre oreille. Chaque élément a ses propres limites, et impose ses limites aux étages suivants. Il est donc essentiel de bien connaître les éléments qui constituent la ‘chaîne’ sonore de votre PC.

Le DSP de votre carte son reçoit les samples digitaux et les transmet sous forme digitale à un DAC, après traitement. Le DAC convertit le signal digital en signal analogique. Ce signal est pré-amplifié afin d’être transmis à l’amplificateur, qui transmet à son tour le signal aux enceintes après amplification, naturellement.

Chaque élément de cette chaîne a ses propres limitations et les impose au reste le la chaîne. Ce sont ces limitations que nous allons détailler afin que votre ‘chaîne’ audio soit la plus homogène possible.

Les paramètres important à prendre en compte lors de l’achat d’un kit (qui comprend, et on l’oublie souvent, l’ampli du schéma ci-dessus) sont les suivants :

  • Puissance :
Exprimée en Watt, elle représente les capacités d’amplification de votre kit.
  • SNR (signal to noise ratio) :
Rapport signal bruit, il représente la dynamique de votre kit : le rapport entre le signal le plus fort et le plus faible que votre kit peut délivrer.
  • Distorsion :
Elle impose la fréquence maximale de fonctionnement de la chaîne ainsi que le volume maximal réellement utilisable sans dégradation sonore.

La puissance

C’est souvent le paramètre mis en avant par les constructeurs, parce que pour la plupart des consommateurs plus il y en a, mieux c’est. Pour cela, les constructeurs ont inventés des “normes” bien à eux, dont il faut se méfier lors de l’achat.
  • Watt PMPO (Peak Music Power Output) :
C’est une unité marketing, il ne faut donc jamais la prendre en compte pour évaluer la puissance utilisable d’un kit. En clair, cette unité représente la puissance totale que peut délivrer votre ampli, avant que l’enceinte traverse la pièce par ses propres moyens et que votre ampli rende l’âme dans une volute de fumée.
  • Watt RMS (Root Mean Square) :
C’est l’unité à prendre en compte. Grosso modo, elle représente la puissance moyenne utilisable. Mais là encore, méfiance : les constructeurs ont une tendance bien connue à exagérer les spécifications de leur kit d’enceintes. Certains constructeurs donnent même la puissance totale admissible par les enceintes au lieu de la puissance de l’ampli.

Juste pour fixer les idées :

Ceci est un ampli de basse Fender Bassman 100, il pèse 30 kg, et mesure 60 cm de haut, par 60 cm de large.

Le haut-parleur a un diamètre de 15 pouces.

L’amplificateur intègre dispose d’un grand radiateur passif derrière.

Et il fait… 100 Watt RMS.

Ceci est un kit Logitech Z680, le kit est annoncé à plus de 500 watts RMS. Et le caisson de basse seul est annoncé à… 185 Watts.

La comparaison se passe de commentaires.

Que conclure donc des données avancées par les constructeurs de kits en ce qui concerne la puissance ? Disons que la puissance annoncée peut être une bonne indication de la puissance réelle utile relative, comparativement aux autres kits pour PC. Mais en aucun cas, vous ne tirerez 180 vrais Watts d’un kit d’enceintes quelconque.

Je ne pense donc pas que la puissance soit un critère important dans le choix d’un kit d’enceintes. En tous cas, la puissance n’est intéressante que si les autres caractéristiques (distorsion, bruit, séparation des plages de fréquences, etc.) sont également bonnes, sans quoi, passez votre chemin.

Le SNR (signal to noise ratio)

Les cartes digitales modernes offrent une dynamique de sortie impressionnante, mais il ne faut pas oublier que si le bruit introduit par l’étage suivant est élevé, il est de moins en moins intéressant d’avoir une grande dynamique : les nuances les plus faibles seront couvertes par le bruit de fond.

Pour un convertisseur numérique/analogique (DAC), la dynamique de sortie peut se calculer comme suit :

  • DYN = 20 x log(2^n)
n est le nombre de bits de résolution du DAC.

Le rapport signal bruit d’un système est quant a lui défini comme cela :

  • SNR=20 x log(Vin(max) / Noise(rms))
Vin(max) est la valeur maximale d’entrée et Noise(rms) est la valeur RMS du bruit généré par le système. Pour ramener cela en ‘valeur de pointe’ (peak value) on peut modifier la formule en disant que :

  • Noise(peak)=6.6 x Noise(rms)
Alors :

  • SNR=20 x log(Vin(max)/ Noise(peak)) + 1,76
Mais dans le cas qui nous intéresse, à savoir le DAC d’une carte son, il est intéressant de ramener ces calculs en digital : en se plaçant dans un cas idéal, le bruit en ‘peak’ est majoré par le LSB (plus petit bit significatif) (multiplié par le pas du DAC) et donc le SNR, en digital est réduit à l’expression suivante :

  • SNR = 20 x log(2^n) + 1,76 = 6.02 x n + 1,76
Dans une première approximation, on peut négliger 1,76 devant le reste(< 2% d’erreur), surtout pour les cartes son récentes de plus de 16 bits de résolution. Voilà pourquoi, dans la version précédente de l’article, j’avais approché le SNR à la dynamique de sortie, pour une première estimation, chose qui avait choqué certains d'entre vous.

Pour ceux qui veulent se pencher plus en détail sur les spécifications des systèmes numériques/analogiques, ils peuvent consulter les pages suivantes :

  • Spécifications des ADCs par Analog Device (anglais)

  • Design des DAC par Jacob Winker (anglais)

  • DAC specification par Intersil (anglais)
Le SNR dans la pratique

Dans la pratique, pourquoi cette donnée est-elle importante ?

Tout d’abord, la sortie du DAC des cartes son est amplifiée par un préampli qui a lui aussi son propre SNR. Il faut savoir que dans une chaîne audio, l’élément qui a le plus faible SNR impose sa valeur aux autres éléments de la chaîne.

En outre, le SNR dégrade la dynamique du signal initial. Il est donc important lors de l’achat d’un élément de la chaîne de prendre en considération les éléments que l’on a déjà.

Une règle simple et de bon sens à retenir :

Le SNR de l’élément que l’on considère doit être au moins égal a celui de l’élément qui le précède. Par exemple, le SNR du préampli doit être supérieur à celui du DAC, et le SNR de l’ampli doit être supérieur à celui du préampli, et ainsi de suite.

Prenons par exemple une carte son Audigy 2 ZS, qui annonce 24 bits de résolution. La partie digitale de cette carte audio a donc un SNR intrinsèque de 144 dB (environ). Ce qui veut dire qu’un kit tirant pleinement parti de ces 24 bits devrait avoir un SNR minimum de 144 dB (si le SNR de préampli était à la hauteur).

A noter que pour son Audigy 2 ZS, Creative annonce un SNR pour son préampli de… 108 dB, reléguant ainsi les performances de sa carte entre celles d’une 16 bits et d’une 20 bits, lorsque les sorties analogiques sont utilisées directement. Il reste évidemment les sorties numériques.

Voici la table indiquant le SNR maximal pour les différentes techno de carte sons :

Suivant le matériel que vous avez déjà, à vous donc de choisir le kit qui vous permettra de tirer au mieux partie de votre carte son.

On peut s’interroger sur l’intérêt de réaliser des cartes son 24 bits dans la mesure ou les équipements existants dépassent rarement un SNR (annoncé par le constructeur, donc plus élevé que dans la réalité) de 100 dB, 110 dB. Il ne faut pas oublier que les cartes son modernes offrent le support du 5:1, voir 6:1, 7:1 et même 8:1, ainsi que bien d’autres fonctions intéressantes comme les I/O optiques, etc. Mais la précision du DAC reste avant tout un élément marketing, dénué de véritable utilité.

Le THD, la distorsion

Si le SNR limite la résolution, la distorsion limite la puissance effectivement utilisable du système et/ou sa bande passante. Il existe différentes raisons pour lesquelles un signal se distord.

Considérons tout d’abord la distorsion harmonique. Celle-ci est due principalement à la non-linéarité des amplificateurs (plus particulièrement de leur étage de sortie).

Théoriquement, un amplificateur fonctionne de la façon suivante :

  • Vs= A x Ve
Ve est l’amplitude du signal d’entrée, A le facteur d’amplification (celui que vous réglez en changeant le volume), et Vs l’amplitude du signal de sortie. Malheureusement, les choses ne sont pas si simples, dans la réalité la fonction de transfert est plutôt :

  • Vs= A x Ve + B x Ve^2 + C x Ve^3, + …
B,C,… sont des facteurs d’amplifications parasites. Ainsi si Ve est un sinus (un ton musical), alors, on retrouve à la sortie Vs non seulement le signal de départ, amplifié, de même fréquence que Ve mais aussi d’autres signaux ‘parasites’ de fréquences plus élevées et proportionnelles à la fréquence de Ve. Le signal est dit distordu.

L’importance des facteurs d’amplification parasite varie en fonction des conditions d’utilisation : ils grandissent avec le volume (puissance demandée à l’ampli).

Souvent le THD est spécifié en pourcentage à une certaine fréquence ou sur une certaine plage de fréquence.

Par exemple, dire qu’un kit a un THD de 1 % à 1 kHz, signifie que lorsqu’on applique un son à 1 kHz, le total des ‘puissances’ des fréquences perturbatrices est de 1 % de la puissance du signal de départ.

Les constructeurs ont des définitions bien à eux pour exprimer le THD : certains le définissent sur une plage entière de fréquence, d’autres à –10 dB (difficile alors de conclure sur la qualité). Enfin certains constructeurs définissent même la puissance de leur kits en fonction du THD.

Altec définie la puissance de ces satellites du kit 251 comme cela :

  • 5 Watts/channel @ 4 ohms @ 1% THD @ 75 – 22000 Hz (-3dB)

  • 7 Watts/channel @ 4 ohms @ 10% THD @ 70 – 22000 Hz (-3dB)
Ce qui veut dire qu’un satellite peut être poussé à 7 Watts si l’utilisateur accepte d’avoir 10 % (!) de THD, sinon il devra se contenter d’un réglage de volume plus faible, pour une restitution plus fidèle du son.

Ce qui veut dire aussi qu’il ne faut absolument pas se fier à la puissance pour l’achat d’un kit d’enceinte.

La distorsion : le TIM (Transient InterModulation Distorsion

Un autre exemple de cause de la distorsion est le slew-rate de l’amplificateur de votre kit d’enceintes.

Tous les amplificateurs, (et donc ceux qui sont dans vos kits d’enceintes) ont une limite en fréquence : le ‘slew-rate’ de l’ampli. Cela signifie que les amplis ont une vitesse limitée, et que lorsque le signal sonore évolue plus lentement que cette vitesse maximum, l’ampli suit et restitue fidèlement le son. Mais lorsque la fréquence du son est trop élevée, l’amplificateur se cale à sa fréquence maximum, comme sur la figure ci-contre. Dans ce cas, en plus du signal d’origine, on retrouve des fréquences supplémentaires (aiguës et graves) qui n’étaient pas présentes au départ.

Dans ce cas-ci, plus la fréquence est élevée, plus l’ampli aura du mal à restituer le son fidèlement. De même, plus le volume de l’ampli est important, plus la pente du signal est importante pour une même fréquence.

Ce phénomène peut être très désagréable à l’oreille, et c’est une des spécifications importantes qu’on retrouve dans la plupart des caractéristiques des amplificateurs Hi-Fi.

Mais, bizarrement la TIM est absente des spécifications des constructeurs de kits d’enceintes pour PC, que ce soit logitech, Altec, ou le très sérieux Terratec.

– Soit les amplificateurs sont suffisamment bons dans ces kits d’enceintes pour gérer toute la plage de fréquence du son, et donc spécifier le TIM est inutile.

– Soit la puissance sonore des kits est volontairement limitée afin d’éviter d’atteindre la limite du slew-rate, auquel cas on peut s’interroger sur la validité de la puissance annoncée part le constructeur.

– Soit la TIM est volontairement passer sous silence pour des raisons commerciales.

Dans la pratique, comment juger de la distorsion ?

Difficile de répondre à cela en l’absence de TIM. Cependant, ce qu’on peut dire c’est que cela dépend de la puissance que vous voulez tirer de votre kit. En ce sens, la THD me semble même une indication plus valable que la puissance nominale : a quoi bon avoir 200 watts si déjà au 2/3 du volume vous avez 50 % de distorsion ?

Pour la distorsion harmonique, on peut également jouer sur les différents réglages de volume des différents éléments de la chaîne, puisque les fréquences parasites voient leur amplitude augmenter avec les puissances de Ve. Une bonne stratégie pourrait donc être de baisser le volume de la carte, et de compenser par celui de l’ampli contenu dans votre kit… mais là, attention à la TIM !

En tous les cas, si vous voulez en savoir plus sur la distorsion dans les systèmes audio, je vous conseille la lecture de cet article.

D’autres paramètres ?

Il existe évidemment d’autres paramètres à prendre en compte lors de l’achat d’un kit d’enceinte.
  • La bande passante :
Elle joue évidemment un rôle important, théoriquement, l’oreille est sensible entre 20 Hz et 22 kHz, avec une moyenne de 35 Hz – 16 kHz. Un bon kit devrait normalement s’étaler sur cette plage de fréquence. Néanmoins, même si les kits avec caisson annoncent parfois 20 Hz – 20 kHz, des doutes peuvent être émis concernant les basses fréquences, tant il est difficile d’atteindre effectivement 20 Hz avec une enceinte de 12 cm de diamètre…

Disons que pour un PC, un bon kit doit au moins couvrir 40Hz – 18 kHz pour être crédible.

  • La séparation des canaux :
Les plages de fréquences des voies sont différentes, qu’il s’agisse d’un caisson de basse, d’un satellite arrière ou d’une voie centrale. Il est préférable que les plages de fréquences, au moins pour le caisson, soient bien scindées sous peine d’avoir une restitution du son moins agréable. Si les fréquences sont bien séparées, on reconnaîtra plus facilement les instruments, et l’endroit d’où vient le son; si les satellites se mettent également à restituer les, ils le feront mal et le son sera désagréable. La qualité des filtres prévus à cet effet est primordiale.
  • Les matériaux employés :
Le bois par exemple est recommandé pour la constitution du caisson de basse, pour des questions d’amortissement, de rigidité et de vibrations parasites. Plus cher que le plastique, il est toutefois à privilégier pour des basses d’une meilleure qualité.
  • La technologie :
Même si je reste un fervent défenseur du bon 2:1 (pour des raisons de qualités sonores avant tout et parce que je n’ai pas l’utilité du 5:1), il n’en reste pas moins vrai que regarder un DVD en 5:1 est très agréable. On peut cependant se poser la question de l’intérêt de 7:1, ou même 8:1, dont le surcoût ne mérite peut-être pas tout à fait l’investissement supplémentaire.
  • Le prix :
Est-ce vraiment nécessaire de mettre un kit à 300 € derrière votre AC97 ? Est-ce vraiment judicieux d’acheter un kit Trust pour mettre derrière votre Terrratec DMX Fire ? Tout est affaire d’utilisation… et de moyens !
  • Le design :
A mon avis, même s’il doit jouer un rôle mineur dans le choix d’un kit d’enceintes, il n’est pas moins vrai que les constructeurs ont fait des efforts pour allier l’utile à l’agréable.

Conclusion

Le but de cet article était de vous aider à y voir plus clair dans les caractéristiques annoncées par les constructeurs, afin que vous puissiez vous faire vous-même votre opinion sur les performances de tel ou tel kit, mais aussi que vous puissiez faire le bon choix en fonction du matériel dont vous disposez déjà.

Ce qu’il faut retenir à mon avis, c’est que la puissance d’un kit ne doit pas être le facteur déterminant lors de l’achat. Il faut plutôt se concentrer sur la qualité du son, THD et SNR sont plus représentatifs. Un bon SNR garantira une bonne résolution du son, et un bon THD vous donnera au moins une indication sur la puissance réellement utilisable de votre kit d’enceinte.

Il est cependant clair, hélas, que les spécifications avancées par les constructeurs sont souvent optimistes et méritent d’être vérifiées lors de tests indépendants, tests difficiles à réaliser car tout le monde n’a pas accès à l’équipement nécessaire. Et ça, les constructeurs ne le savent que trop bien.