nVidia et le MCP73 : le caméléon veut infiltrer le royaume d’Intel
Vendredi, nVidia nous a présenté le MCP73, un chipset qui intègre un contrôleur graphique Geforce 7. Nous vous avons déjà parlé de ce nouveau chipset, qui est le premier modèle nVidia qui intègre une partie graphique, alors que les versions AMD existent depuis des années.
nVidia et les chipsets
Alors que les chipsets nVidia sont très populaires depuis des années sur les plateformes AMD, où il faut bien dire que la concurrence est faible, les modèles pour processeurs Intel sont rares. Selon les chiffres montrés par nVidia (qui proviennent d’analystes indépendants), la société dispose de 62 % de parts de marché dans les processeurs AMD et seulement 0,6 % du marché des processeurs Intel. Attention, comme le nombre de cartes mères AMD est nettement moins élevé que celui de cartes mères Intel, une fois remis en chiffre, on obtient ceci : 6,75 millions de cartes mères AMD et 170 000 cartes mères Intel (sur le dernier trimestre). C’est assez disproportionné, même si le positionnement des chipsets pour processeurs Intel (très haut de gamme au lancement) explique en partie les chiffres. Actuellement, c’est moins vrai, et des cartes mères nForce pour processeurs Intel se trouvent sous les 100 €.
nVidia veut 15 % du marché Intel
Sur le marché des processeurs Intel, en plus des chipsets nVidia, il y a évidemment les chipsets Intel : 83 % du marché, et ensuite environ 15 % répartis entre les quelques autres constructeurs : Via, SIS ou ATI. C’est cette dernière partie que nVidia vise avec le MCP73 et ses futurs produits. Concrètement, la société considère (avec justesse) que les produits de ces sociétés sont très en retard technologiquement, et qu’en dehors de SIS qui développe encore, rien de nouveau n’est prévu chez ATI et Via. Avec un MCP73 qui a quelques atouts intéressants, nVidia espère donc bien arriver à prendre cette partie du marché.
Le Caméléon vise les OEM
Comme nous allons le voir, le MCP73 (nom de code des cartes mères Geforce), nVidia vise essentiellement les OEM. Ces chipsets ne sont clairement pas prévus pour les Power User et certaines caractéristiques étonnantes sont très bien expliquées par la cible de nVidia. Concrètement, on devrait retrouver les cartes mères à base de MCP73 essentiellement chez les grands constructeurs comme Dell, HP ou Acer, même si les producteurs de cartes mères comme Asus vont évidemment proposer des cartes qui utiliseront ce chipset.
Le MCP73 : un mGPU selon nVidia
Le MCP73 sera commercialement vendu sous la marque Geforce : Geforce 7050 en bas de gamme, Geforce 7100 et 7150 en entrée de gamme. nVidia explique que la raison est purement commerciale : le grand public connaît bien plus le nom Geforce que le nom nForce, et ce dernier sera réservé aux cartes mères qui n’intègrent pas de contrôleur graphique. De plus, nVidia indique que son système est un mGPU (pour motherboard GPU), il remplace une carte mère classique et une carte graphique.
Des caractéristiques liées au positionnement
Le MCP73 est un chipset composé d’une seule puce, au lieu du traditionnel clivage Northbridge/Southbridge. Il a l’avantage de se contenter d’un refroidissement passif, ce qui est intéressant et est aussi une prouesse technique pour un chipset qui intègre un Northbridge, un Southbridge et une carte graphique. L’utilisation d’une seule puce est évidemment un point intéressant pour les OEM : le design de la carte mère est simplifié et le prix est plus faible.
Cinq versions du chipset
nVidia a présenté cinq versions du MCP72, dont une dépourvue de la partie graphique. On retrouve d’abord le Geforce 7150 (nForce 630i) et le Geforce 7100 (nForce 630i aussi). Ces deux chipsets sont très proches et supportent tous les deux le bus 1 333 MHz des derniers processeurs Intel et un contrôleur mémoire qui gère la DDR2-800. Le GPU utilisé supporte le HDMI, le HDCP et le DVI, et fonctionne à 600 MHz (Geforce 7100) et plus de 600 MHz (630 MHz généralement) dans le Geforce 7150. Une version dépourvue de la partie graphique existe, sous le nom nForce 630i, et deux chipsets Geforce 7050 coexistent : le premier utilise un nForce 630i et supporte le bus 1 333 MHz et la DDR2-667 alors que le second se limite au nForce 610i et au FSB 1 066 MHz (DDR2-667 aussi). Le contrôleur graphique est cadencé à 500 MHz dans les deux cas, mais le premier supporte le DVI et le HDCP (mais pas le HDMI) alors que le second en est dépourvu.
Des caractéristiques intéressantes
La connectique (gérée traditionnellement par le southbridge) est ici très complète, surtout pour un chipset d’entrée de gamme. On retrouve quatre SATA (300) avec la gestion du RAID : 0,1,0+1 et 5 pour les chipsets nForce 630i, 0 et 1 pour le nForce 610i. On retrouve en sus la gestion de deux ports PATA (absents des chipsets Intel récents). L’Ethernet est géré en gigabit sur les 630i et se limite au 100 mégabits sur le 610i et le nombre d’USB peut atteindre 10 (8 sur le 610i). Enfin, les cinq chipsets gèrent le PCI-Express, avec 18 lignes disponibles : 16 pour la carte graphique et 2 pour des cartes d’extension.
Un seul canal mémoire et une certification Aero Premium
En regardant les caractéristiques du MCP73, on peut s’étonner qu’il ne gère qu’un seul canal mémoire : c’est assez surprenant pour un chipset qui sort en fin d’année 2007. Pourtant, selon nVidia, la raison est simple : le coût. Un contrôleur sur deux canaux a deux défauts rédhibitoires pour les constructeurs. Le premier, c’est le coût en transistors, qui augmente la taille et la complexité du chipset, nVidia aurait peut-être dû passer à un design classique à base de deux puces. Le deuxième, c’est le coût de la mémoire : une barrette de 1 Go coûte moins cher que deux barrettes de 512 Mo, donc si les performances sont suffisantes avec une seule barrette, c’est évidemment un avantage. En pratique, la performance à atteindre, c’est l’indice 3,0 de Windows Vista. Une machine qui atteint 3.0 est certifiée Aero Premium et c’est un argument de vente pour les constructeurs. nVidia indique que les cartes mères à base d’Intel (G31 ou G33) atteignent 2,8 avec une seule barrettes alors que le MCP73 atteint 3,0 dans les mêmes conditions, ce qui le rend donc compétitif.
Un positionnement ambigu
Venons maintenant à la partie qui fâche un peu : le positionnement ambigu de ces chipsets. Selon nVidia, un des avantages de ce chipset, c’est sa puissance en 3D comparativement aux chipsets Intel (ne parlons pas des modèles SIS ou Via). nVidia nous a montré des comparaisons sur les performances des chipsets nVidia et Intel, et un graphique sur la compatibilité des jeux : sur un Intel G31, environ 30 % des jeux se lancent correctement, 30 % se lancent avec des problèmes et 40 % ne se lancent pas du tout. Avec un MCP73, 90 % des jeux fonctionnent bien et 10 % des jeux fonctionnent mal (chiffres nVidia). C’est essentiellement une question de pilotes, mais passons. Alors oui, le Geforce 7150 peut lancer des jeux que les chipsets Intel ne peuvent pas lancer. Oui, c’est (un peu) plus rapide. Mais non, ce n’est pas intéressant selon nous : dans la majorité des cas, on passe de très lent à lent, ou de « le jeu ne fonctionne pas » à « le jeu fonctionne mais est totalement injouable ». Ce n’est pas selon nous une avancée réelle.
Pourquoi du HDMI sur le Geforce 7150 ?
Une autre question que nous nous posons, c’est la raison de la présence du HDMI sur certaines versions du chipset. Étant donné que ce chipset est prévu pour des PC à moins de 400 €, c’est assez étonnant. A priori, le public cible de ce type de machine ne dispose pas d’une télévision HD et encore moins d’un lecteur HD (Blu-ray ou HD DVD) qui vaut plus que la machine complète. De plus, même si le MCP73 gère PureVideo, il se limite à la version 1 et 720p. En dehors du fait de montrer qu’ils sont capables de le faire (et aussi pour le très faible marché des PC de salons), la présence, coûteuse, de cette interface (elle nécessite une licence) nous surprend vraiment.
Bilan
Après le semi-échec des nForce pour processeurs Intel (ils sont performants, mais les ventes sont très faibles), nVidia semble vouloir essayer de conquérir une partie du marché Intel. Le MCP73 devrait arriver à s’imposer, du moins chez les OEM : il est nettement plus intéressant que les chipsets Via, SIS ou ATI. Par contre, de notre côté, nous préférons attendre les successeurs de ce chipset. Un chipset avec un contrôleur sur deux canaux et une gestion correcte du PureVideo, par exemple, nous plairait bien plus que ce MCP73.
Une adaptation au PC portable ?
Même si nVidia n’est pas encore présent sur ce marché avec ses chipsets Intel, une version pour les PC portables de ce MCP73 serait par contre intéressante. Le fait que le MCP73 n’utilise qu’une seule puce simplifie le design du système de refroidissement, et de ce que nous avons pu voir, le chipset chauffe peu (et donc a priori consomme peu). La gestion de la mémoire sur un seul canal est moins critique dans un PC portable (le FSB du CPU est plus faible) et une sortie HDMI sur un PC portable est plus intéressante que sur une machine de bureau. De plus, la partie graphique intégrée est plus intéressante dans un PC portable : les chipsets Intel sont ralentis de façon importante en version mobiles, et le MCP73 pourrait tirer son épingle du jeu.
Pour terminer
Au final, ce MCP73 est un bon chipset, mais notre appréciation est en demi-teinte : la société montre qu’elle est capable de faire de meilleurs chipsets (au niveau des caractéristiques) que ceux d’Intel (tout en limitant les coûts) mais certaines fonctions semblent simplement là pour pouvoir dire « on sait le faire en natif » (le HDMI, par exemple). Et se limiter à un seul canal mémoire en partie pour les mêmes raisons (on a la certification Premium), ce n’est pas vraiment un argument.
En tout cas, la majorité des constructeurs de cartes mères semblent séduits : MSI, Gigabyte ou Inno3D ont par exemple annoncés des cartes mères MCP73.