Introduction
Nous nous penchons aujourd’hui sur un périphérique atypique en 2011 : un SSD doté d’une interface PATA. Le PATA, norme utilisée depuis le début des années 1980 dans les ordinateurs, est encore très présent et beaucoup de gens disposent toujours de machines équipées de ce type de connecteur. Les SSD PATA visent essentiellement une catégorie d’utilisateurs : ceux qui ont une machine en PATA qui ne peut pas être remplacée. Les raisons sont multiples que ce soit l’absence de pilotes, l’obligation de rester sur une version précise du système, etc.
Malheureusement, la majorité des autres SSD PATA du marché utilisent un contrôleur MTron ou un JMicron JMF602, deux puces dépassées. OWC a donc eu l’idée de proposer un SSD en PATA qui utilise un contrôleur récent, de type SandForce.
MAJ : Consultez notre comparatif de SSD
L’OWC Mercury Legacy Pro
Le SSD que nous avons testé est un OWC Mercury Legacy Pro, un SSD qui utilise un contrôleur SandForce SF-1222 mais s’interface en PATA. D’une capacité de 120 Go, c’est un modèle assez classique en dehors de son interface. Notre modèle de test est au format 2,5 pouces avec un connecteur PATA 44 pins, mais des versions 3,5 pouces avec connecteur PATA 40 pins existent.
Il utilise de la mémoire MLC en 41 nm et une partie de la mémoire est réservée pour le contrôleur, comme sur la majorité des modèles basés sur ce contrôleur. La réservation est ici de 7 % et notre modèle de 120 Go contient donc réellement 128 Gio de mémoire flash.
Les débits : entre rêve et réalité
OWC annonce des débits qui sont évidemment irréalistes : 285 Mo/s en lecture et 275 Mo/s en écriture. Irréalistes pour deux raisons : d’une part, il s’agit des débits sur des données compressées, alors qu’une bonne partie des données qu’une personne va transférer sont incompressibles (images, films, musiques), et d’autre part l’interface va évidemment limiter les taux de transferts.
La majorité des ordinateurs qui utilisent une interface PATA sont limités à 100 Mo/s (Ultra DMA 5), dernière version de la norme supportée par les chipsets Intel. D’autres sociétés ont proposé des contrôleurs Ultra DMA 6 (133 Mo/s) mais ils sont rares et une partie de ceux-ci sont limités par le bus PCI, qui ne dépasse pas non plus les 133 Mo/s. Dans les faits, quelques chipsets Via permettent de dépasser les 100 Mo/s mais ils sont très rares.
En outre, dans le SSD d’OWC, une puce va devoir convertir l’interface SATA du SSD en PATA pour l’ordinateur. Au final, le SSD PATA d’OWC ne devrait pas dépasser les 100 Mo/s dans la pratique.
Dans le SSD
En interne, le SSD est en fait basé sur un modèle SATA 1,8 pouce couplé à un convertisseur SATA vers PATA. Pour le bridge, OWC utilise une puce JMH330 de chez JMicron, qui travaille en SATA 1,5 gigabit/s du côté du SSD et en Ultra DMA 6 (133 Mo/s) au maximum du côté de la sortie.
La mémoire utilisée est de la Hynix H27UDG8VEM, avec huit puces. Selon Hynix, c’est de la flash NAND d’une capacité de 128 gigabits (16 Go) et gravée en 41 nm.
Problèmes de compatibilité
Le choix de la machine de test a été compliqué. Premièrement, il a fallu trouver un ordinateur muni d’un connecteur PATA, ce qui, en 2011, n’est pas si simple : l’antique norme est de moins en moins présente.
Deuxièmement, il a fallu trouver une machine avec une interface PATA 44 pins, celle utilisée pour les ordinateurs portables. Même s’il existe des adaptateurs permettant de brancher un disque dur 2,5 pouces sur une interface classique à 40 pins, un problème se pose : la vitesse. En PATA, le passage de l’Ultra DMA 2 (33 Mo/s) à l’Ultra DMA 4 (66 Mo/s) a imposé l’usage d’un nouveau type de nappes, pour éviter les interférences. Les nappes « Ultra DMA 4 » sont blindées, avec 80 fils au lieu de 40. Pour éviter les erreurs de transfert, les contrôleurs détectent le type de nappe et diminuent automatiquement la vitesse sur une nappe à 40 fils. Or, les adaptateurs 40 pins vers 44 pins ne sont pas blindés : en utiliser un nous aurait automatiquement bridés à 33 Mo/s. La seule solution pratique est de passer par un appareil doté directement d’un connecteur à 44 pins.
Troisième et dernier écueil, l’installation du SSD et le mode « master/slave ». Pour ceux qui n’ont pas connu les joies du PATA, les disques durs de ce type partagent un seul canal. Chaque canal a une bande passante donnée (33, 66, 100 Mo/s, etc.) et les périphériques — deux au maximum — utilisent le même canal. Pour que ça fonctionne, il faut attribuer un rôle à chaque périphérique : le principal est le « Master » (maître), le second est le « Slave » (esclave).
Sur les disques durs 3,5 pouces et les lecteurs optiques, un cavalier permet de définir le rôle de chaque périphérique, mais un système plus simple existe : le Cable Select (CS). Dans ce mode, les appareils s’attribuent directement un rôle, en fonction de leur position sur le câble. En 2,5 pouces (comme ici), c’est plus compliqué : certains appareils ont un cavalier, d’autres sont bloqués sur un rôle par leur firmware. Généralement, les disques durs sont bloqués en « master » et les lecteurs optiques en « slave ».
Le problème de notre SSD est que nous n’avons pas pu déterminer son mode (Cable Select ou Master) et que nous n’avons pas pu le changer. A priori, il est en Master, car la puce utilisée pour passer en PATA est limitée à ce mode, mais nous n’en sommes pas certains. Dans la pratique, les deux ordinateurs portables dans lesquels nous avons testé la machine ont refusé le SSD : impossible de démarrer et d’accéder au BIOS une fois le SSD installé. Au final, nous avons dû nous rabattre sur notre seul autre appareil doté d’un connecteur ATA 44 pins : un Mac mini G4 de chez Apple.
Le Mac mini G4
Notre machine de test est un Mac mini G4, une machine basée sur une architecture PowerPC. Le processeur est un G4 cadencé à 1,42 GHz (bus 167 MHz), la quantité de mémoire vive est de 1 Go (DDR333). Le contrôleur IDE est intégré dans le chipset « Intrepid », une puce qui combine northbridge et southbridge. La norme supportée est l’Ultra DMA 5, qui permet d’atteindre au mieux 100 Mo/s, et le disque dur d’origine de la machine est un 2,5 pouces PATA qui tourne à 4 200 tpm.
Pour notre test, le lecteur optique, qui partage le bus ATA avec le disque dur, a été débranché. Nous avons utilisé un système d’exploitation ancien, mais bien adapté à la machine : Mac OS X 10.4, alias Tiger.
Mac OS X et PowerPC obligent, nous n’avons pas pu faire tous les tests que nous voulions : il y a peu de logiciels dédiés aux benchmarks sous Mac OS X et encore moins qui fonctionnent avec un PowerPC. Nous avons bien essayé avec une machine sous Windows, mais comme nous l’expliquons précédemment, le SSD passe automatiquement en Ultra DMA 2 quand il est utilisé sur une machine de bureau, ce qui fausse évidemment les résultats.
Les débits
Avec Xbench, nous avons mesuré les débits et le chipset Intrepid semble montrer ses limites vers 85 Mo/s, ce qui est finalement assez peu sur un contrôleur censé atteindre les 100 Mo/s en théorie. Comme d’habitude avec du SandForce, les résultats en écriture et en lecture aléatoires sont bons, avec entre 35 et 40 Mo/s en écriture.
Le disque dur d’origine, dans le meilleur des cas, a atteint 30 Mo/s en écriture et 28,5 Mo/s en lecture.
Le test complet
Xbench permet aussi de réaliser un test complet de la machine. Ce benchmark Mac OS X teste tous les composants de la machine (processeur, disque dur, carte graphique, mémoire) et offre un score global, qu’il est possible d’envoyer dans une base de données en ligne. Le SSD d’OWC est visiblement efficace : avec un score global de 62,37, notre Mac mini G4 est le plus rapide du monde (overclocking excepté). Certains obtiennent des scores plus élevés, mais soit en overclockant la machine (avec des soudures), soit en utilisant un RAMDisk pour le test du disque dur, ce qui fausse évidemment les résultats.
Avec le disque dur d’origine, un modèle 2,5 pouces de 80 Go fonctionnant à 4 200 tpm, le score atteint est de seulement 36,64.
Dans la pratique
Après des tests qui sont finalement inutiles sur ce genre de machine, passons à un ressenti utilisateur.
La machine démarre très rapidement, environ 20 secondes, les applications se lancent toutes en moins de 4 secondes, que ce soit les navigateurs (Safari, Firefox), iTunes ou Word. Même le Dashboard (l’écran des widgets de Mac OS X) ne donne plus l’impression de ralentir la machine au lancement.
Avec le disque dur d’origine, le Mac mini démarre en 62 secondes et une application comme TenFourFox (Firefox 4.0 pour PowerPC) prend 11 secondes au premier lancement. Le gain est donc intéressant. Le seul point où il n’y a pas de différences, c’est au niveau du bruit : le SSD est silencieux, mais le disque dur d’origine est inaudible, les modèles 2,5 pouces qui tournent à 4 200 tm étant toujours très discrets.
Cependant, si la machine gagne sur certains points, d’autres ne sont pas impactés. Ouvrir plusieurs onglets pose toujours autant de problèmes, la quantité de mémoire vive (1 Go) étant trop faible. Le processeur doté d’un seul core et d’un FSB anémique limite aussi certains usages : il est par exemple impossible de dépasser le 240p sur les vidéos YouTube, sous peine d’afficher une suite d’images fixes.
En cas de saturation de la mémoire vive, le SSD n’apporte pas un gain visible — même s’il est plus rapide qu’un disque dur, on est très loin de la vitesse de la RAM — mais permet simplement de soulager les oreilles : on n’entend pas le grattement incessant auquel les personnes utilisant un disque dur avec peu de RAM sont habituées.
Au final, le résultat est mitigé : pour de la bureautique, le SSD apporte un gain indéniable au niveau du confort d’utilisation. Mais dans la pratique, la machine limite toujours autant sur certaines tâches, et le SSD ne peut pas régler ce problème.
Conclusion
Mettre à jour une vieille bécane avec un SSD, est-ce une bonne idée ? Le SSD OWC Mercury Legacy Pro en lui-même est performant, mais il souffre de deux défauts : l’interface PATA, qui limite très rapidement ses performances, et le fait que même si le SSD est efficace, la machine derrière ne l’est généralement pas. On a ici affaire à un bon produit qui sera — par nature — couplé à un « mauvais » produit, les machines qui ne possèdent qu’une interface PATA datant généralement d’au moins six ans.
Dernier point gênant : la compatibilité est comme nous l’avons vu limitée, surtout avec le modèle 2,5 pouces. OWC propose — pour ceux qui doivent mettre à jour des machines de bureau — des versions 3,5 pouces qui ne devraient pas poser autant de problèmes.
A nos yeux, les SSD en PATA ne se justifient que dans le cas où la machine à mettre à jour ne peut pas être remplacée, pour une raison x ou y. Dans tous les autres cas, changer l’ordinateur sera plus efficace pour augmenter les performances. En outre, les SSD PATA sont chers : 150 $ pour un modèle de 40 Go et jusqu’à 530 $ pour un 240 Go. C’est bien plus onéreux qu’un SSD en SATA alors que ce dernier sera plus rapide. Les SSD PATA sont donc à réserver à ceux qui l’achètent en connaissance de cause : ils ne sont pas la solution miracle pour mettre à jour un « ordinosaure ».