La première vraie carte graphique grand public équipée d’un GPU Intel est enfin disponible : que vaut l’Arc A380 face aux cartes graphiques GeForce et Radeon ?
Voici des mois, sinon des années, que l’on attend l’arrivée – ou le retour, pour ceux qui ont connu l’i740 – d’Intel sur le marché des cartes graphiques dédiées. Le constructeur a clairement pris son temps pour enfin proposer une version “desktop” grand public de son architecture Xe (permettez-nous d’omettre volontairement la DG1 qui n’est plus ou moins qu’une version externalisée au format PCIe d’un iGP déjà poussif), intégrée initialement à certains de ses processeurs les plus récents en tant que partie graphique. Aujourd’hui, on s’intéresse donc à la première véritable carte Alchemist disponible sur le marché “retail”, mais uniquement chinois pour le moment : l’Arc A380. Et non, nous ne ferons aucune blague en rapport avec Airbus.
Sur le papier, ce modèle est donc censé offrir des performances 25% supérieures à celles proposées par… la Radeon RX 6400. Le décor est planté : Intel vise le marché des GPU d’entrée de gamme avec l’Arc A380, charge au reste de la gamme (A770, A750…) de venir concurrencer les Radeon et GeForce plus puissantes (mais nous y reviendrons dans quelques semaines).
La carte de test : Gunnir Arc A380 6Go Photon
Comme c’est le cas régulièrement, les tests de cette carte graphique ont été réalisés en partenariat avec nos confrères de chez Igor’s Lab. Le modèle sélectionné pour passer sur la table de benchs est l’Arc A380 6Go Photon de Gunnir.
Plutôt compacte, cette carte dual-slot mesure 22,2 x 10,8 cm, ce qui rend possible son intégration dans des boîtiers ITX, pour presque 1 kg sur la balance. Le système de refroidissement se compose de deux ventilateurs de 9 cm et d’un bloc monolithique d’aluminium en guise de radiateur, traversé par un caloduc de 6mm en contact direct avec le GPU.
En pratique, le système de refroidissement ne s’occupe que du GPU et des trois puces de mémoire : les autres composants, dont les convertisseurs de tension de l’étage d’alimentation, sont abandonnés à leur propre destin thermique. De la même façon, la backplate est purement décorative alors qu’elle aurait pu servir à améliorer la dissipation de chaleur.
On trouve également un connecteur d’alimentation PCIe 8-pins, laissant espérer une certaine marge côté overclocking, tandis que les classiques sorties HDMI 2.0b (x1) et DisplayPort 2.0 (x2) prennent place sur le bracket arrière. L’Arc A380 utilise enfin une interface PCI-Express 4.0 16x, toutefois câblée en 8x seulement.
Modèle | Intel Arc A380 |
---|---|
GPU | ACM-G10 (Xe HPG) Gravure TSMC N6 |
Xe Vector Engines | 128 |
Intel XMX Matrix Engines | 128 |
Cœurs RT | 8 |
Coeurs Xe | 8 |
Render Slices | 2 |
Fréquence nominale | 2450 MHz |
VRAM | 6 Go GDDR6 |
Bus mémoire | 96-bit |
Vitesse mémoire | 16 Gbit/s max |
Bande passante mémoire | 186 Go/s |
TDP | 75W |
La plateforme de test utilisée pour mesurer les performances de cette Arc A380 regroupe un processeur Intel Core i9-12900K, une carte mère MSI MAG Z690 Tomahawk WiFi DDR4, deux barrettes de 16 Go de mémoire DDR4-4000 Patriot Viper, un SSD de 2 To (MSI Spatium M480), un second SSD de 1 To (MSI Spatium M450) et une alimentation Be Quiet! Dark Power Pro 12 1200W, le tout bien installé dans un Cooler Master MasterFrame 700. Le refroidissement est confié à un système de watercooling Be Quiet! Pure Loop 330.
Les plus attentifs auront probablement remarqué que nous n’avons pas repris notre plateforme habituelle basée sur un Ryzen. Il s’avère que malgré un UEFI à jour au niveau de la carte mère et les pilotes les plus récents disponibles, le Resizeable Barstets ne fonctionnait pas convenablement et abaissait drastiquement les performances… au niveau de la plateforme Intel avec le rBAR désactivé. Pire, certains jeux Vulkan comme World War Z ainsi que certaines applications (Maya 2017 ou Catia par exemple) refusent de fonctionner ou crashent.
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Il se pourrait, mais cela reste à confirmer, qu’une portion de microcode présente dans l’UEFI des cartes mères Intel (par définition absente de celles pour CPU AMD) soit nécessaire pour activer efficacement le rBAR et d’autres fonctionnalités sur les cartes Arc. L’analyse détaillée du PCB fait justement ressortir la présence d’une puce de mémoire flash Serial NOR directement reliée au bus système, ce qui lui permettrait de récupérer ces fameuses données depuis l’UEFI.
Si c’est bel et bien le cas, Intel est donc en train de scinder le marché en deux, avec d’un côté les plateformes capables d’obtenir le meilleur des cartes Arc avec le rBAR activé (soit les cartes mères basées sur un chipset Intel avec un UEFI suffisamment récent), et de l’autre les cartes mères Intel avec un UEFI “ancien” dépourvu du microcode nécessaire, mais aussi la totalité des cartes mères pour processeurs AMD. Dans le premier cas, vous obtenez des performances “optimales” (sic) avec votre plateforme Core tandis que dans le second cas, votre système ne donnera pas le meilleur de lui-même, quand bien même vous possédez un monstrueux Ryzen 9. Les consommateurs que nous sommes espérons donc qu’il ne s’agit “que” d’un bug de jeunesse.
Gunnir Arc A380 : les performances
La Gunnir Arc A380 a été opposée à des modèles concurrents de gamme équivalente (Radeon RX 6400, GeForce GTX 1650) mais aussi à des cartes plus anciennes comme la GeForce 960 ou la Radeon RX 560. Nous l’avons également comparée à l’Intel UHD 770 du Core i9-12900K puisque cet iGP repose lui aussi sur l’architecture Xe (en version LP en l’occurrence). Le SAM/rBAR est activé pour toutes les cartes qui le supportent.
L’Arc Control Center, c’est à dire le panneau de configuration dédié à la carte d’Intel, permet d’overclocker le GPU, dans une certaine mesure au moins. Le logiciel autorise un overclocking de 100 MHz au maximum. Pousser le curseur plus loin encore vous fait revenir automatiquement à la fréquence de base de 2450 MHz, quand cela ne freeze pas totalement le système, les changements étant appliqués… immédiatement ! De la même façon, pensez à augmenter la tension avant tout, les paramètres étant appliqués dès le démarrage de Windows : une tension insuffisante associée à un overclocking trop généreux empêchera le système de démarrer. Bref, côté ergonomie logicielle, on repassera.
Exceptionnellement, le panel de jeux utilisés pour mesurer les performances comprend uniquement 3 titres capables de fonctionner en Full HD avec de telles cartes : Control, Shadow of the Tomb Raider et Wolfenstein: Youngblood. Compte tenu des performances proposées par ces cartes graphiques d’entrée de gamme, nous avons opté pour des tests en 720p et Full HD (1080p), avec les réglages graphiques les plus faibles possible.
En 720p, l’Arc A380 est à peu près aussi performante qu’une GeForce GTX 1650, avec un avantage d’un pourcent environ pour la carte d’Intel. En revanche, elle déclare forfait face à la Radeon RX 6400 près de 14% plus rapide. Même overclockée, l’Arc A380 reste derrière la carte graphique d’AMD avec des performances qui ne progressent que de 5% environ. Passer en Full HD diminue forcément le taux d’images par seconde, mais le classement des différentes cartes ne change pas vraiment, à l’exception de l’Arc A380 qui passe juste derrière la GeForce GTX 1650.
Dans le détail, la carte d’Intel souffre toute de même d’une extrême variabilité au niveau du temps de rendu des images, ce dernier oscillant continuellement du simple au double. Cela se traduit par des micro-lags qui peuvent s’avérer gênants en jeu, mais qui ne se voient hélas pas sur les graphiques ci-dessus.
Consommation
Le TBP (Total Board Power) de l’Arc A380 est annoncé à 75W, soit exactement le maximum que peut directement délivrer le port PCI-Express d’une carte mère. La présence d’un connecteur d’alimentation PCIe 8-pins permet toutefois d’améliorer la stabilité en “tirant” moins sur le port PCI-Express et d’offrir une certaine marge d’overclocking (mais il faudra alors revoir la partie logicielle).
En pratique, l’énergie consommée dépend fortement de la tâche exécutée par la carte graphique, et varie selon le jeu ou l’application, la définition ou encore les réglages graphiques. Nous avons donc réalisé une moyenne de la consommation sur les mêmes jeux que précédemment, dans les mêmes conditions.
L’Arc 380 respecte à peu près le TBP annoncé, même si la carte dépassera parfois légèrement cette valeur dans certains jeux ou lors de tâches particulièrement lourdes à exécuter. Elle consomme toutefois quelques watts de plus que la GeForce GTX 1650 pour des performances proches. L’efficacité énergétique moyenne de la carte d’Intel est par conséquent un peu moins bonne que celle de NVIDIA : 0.46 W/FPS en 720p et 0.83W/FPS en 1080p pour la carte d’Intel, contre respectivement 0.45 W/FPS et 0.79 W/FPS pour la GTX 1650. La Radeon RX 6400 reste la reine à ce petit jeu, avec 0.3 W/FPS en 720p et 0.5 W/FPS en Full HD.
Fréquences, température, nuisances sonores
La fréquence de fonctionnement du GPU reste stable à 2450 MHz, même en période de stress et après avoir laisser la carte chauffer. Il est possible d’atteindre 2550 MHz de manière stable, mais pas au delà même en poussant la tension du GPU, probablement à cause des limites du logiciel Arc Control Center.
L’image thermique nous confirme que les VRM auraient grandement profité d’un refroidissement plus adapté : une température de 60°C à l’arrière laisse supposer que les composants atteignent en réalité 80°C. Bien sur, on reste dans les limites acceptables pour ce genre de composants, mais une telle température reste élevée dans l’absolu.
Enfin, le contrôle de la vitesse des ventilateurs semblent être aux abonnés absents. Mis à part quelques accélérations lors de la période de chauffe, leur vitesse reste désespérément constante, aux environs des 1500 tours par minute, quelle que soit la température du GPU. Pire : le système de refroidissement est plutôt bruyant, avec des nuisances sonores atteignant 39,1 dB(A) et – surtout – un spectre audio désagréable avec un pic généré par les ventilateurs, juste au dessus de 250 Hz.
Conclusion
En l’état, l’Arc A380 d’Intel déçoit grandement, surtout du côté des performances et de l’efficacité énergétique, même si certains problèmes qualifiés “de jeunesse” pourraient théoriquement être atténués une fois que les pilotes auront atteint une certaine maturité. D’autres défauts, comme le choix du système de refroidissement, voire la gestion des ventilateurs, sont plutôt à mettre au crédit du constructeur Gunnir plutôt qu’à Intel lui-même.
Mais de manière globale, du refroidissement largement sous-optimisé aux performances dignes d’une carte d’il y a deux ans en passant par la partie logicielle perfectible et les pilotes à l’origine d’incompatibilités, d’instabilités et probablement de chutes de performances, ou encore les problèmes avec les plateformes anciennes ou concurrentes partiellement incompatibles, il est difficile de rester positif avec cette Arc A380 devant soi, surtout avec un tarif de 1299 yuans, soit l’équivalent de 190 euros (la carte est plutôt attendue entre 120 et 150 euros chez nous). Et pourtant, il y aurait de la place pour un troisième concurrent sur ce marché face à AMD et NVIDIA. Pour Intel, le chemin à parcourir reste long et on espère qu’il ne trébuchera pas une nouvelle fois avec ses cartes Arc plus puissantes.