Introduction
Il ne se passe pas une semaine sans qu’un nouveau modèle ne sorte sur le marché des SSD, actuellement en plein boom, où les produits à base de NAND MLC et SLC annoncent des débits de plus de 250 Mo/s et des performances en E/S à cinq chiffres. En comparaison, les disques durs donnent presque l’impression d’appartenir à une autre ère dont le terme approche peu à peu : moins chers, certes, ils sont également bien plus lents.
La réalité n’est évidemment pas aussi simpliste, car quand la technologie n’est pas parfaitement au point, les SSD peuvent voir leurs performances, si impressionnantes sur papier, s’envoler en fumée et parfois même retomber sous le niveau de celles des disques durs pour ordinateurs portables. En pratique, les SSD n’atteignent leur plein potentiel que lorsqu’ils sont combinés au bon matériel, à un contrôleur adapté et à un cache correct et qu’ils sont accompagnés des fonctions logicielles nécessaires.
Et encore : il ne s’agit là que des exigences de base ; il convient encore de prendre en compte la possession des derniers pilotes et d’un firmware à jour, la prise en charge de l’AHCI par le BIOS ou encore celle de la fonction TRIM, qui tient le SSD informé des blocs effacés et permet de ce fait une meilleure gestion de l’espace disponible. Elle évite une dégradation des performances… mais nécessite Windows 7, Windows Server 2008 R2 ou une distribution Linux dotée d’un noyau en version 2.6.18 ou supérieure.
Les SSD en entreprise
Les SSD n’intéressent pas que les geeks et les amateurs de performances, mais également les entreprises. Quel que soit le scénario d’utilisation envisagé, les SSD ont pour eux un grand nombre d’avantages techniques : si seule une minorité des professionnels profiteront réellement de leurs débits accrus, leur absence de parties mobiles est pour tous synonyme de meilleurs temps d’accès et de températures de fonctionnement plus faibles. Plus important encore, notamment pour les serveurs effectuant des quantités astronomiques d’opérations de lecture/écriture, les performances dans ce domaine sont à des années-lumière de celles des disques durs traditionnels.
On a vite fait la liste des quelques inconvénients des SSD : leur prix au gigaoctet est encore nettement plus élevé que celui des disques durs, et la durée de la mémoire flash qu’ils contiennent est techniquement limitée à un certain nombre de cycles (voir notre test en cours). En règle générale, ce dernier point ne constitue toutefois pas un vrai problème, notamment dans la mesure où la situation n’est en pratique pas vraiment meilleure avec les disques durs, qui s’usent eux aussi. Les derniers SSD haut de gamme ont par ailleurs une durée de vie annoncée qui fait jeu égal avec celle des disques durs professionnels.
Que valent les SSD professionnels en RAID ?
On peut dès lors se demander dans quelles conditions l’investissement dans des SSD vaut la peine pour une entreprise. C’est ce que nous allons aborder dans cet article. Le fait que les grappes RAID composées de SSD affichent presque invariablement des performances supérieures aux grappes de disques durs comparables a déjà fait l’objet de nombreux articles, tant sur Tom’s Hardware qu’ailleurs ; ce n’est donc pas sur ce point que nous nous focaliserons. Nous tenterons toutefois de déterminer si la fonction d’extension de capacité à la volée si propre aux grappes RAID peut, une fois transposées dans le monde des SSD, aussi s’appliquer aux performances en E/S ; les possibilités qu’offrent les SSD en la matière semblent en effet bien plus vastes qu’avec de simples disques durs.
Des performances en E/S exceptionnelles
Avec des taux de lecture séquentielle de l’ordre de 200 Mo/s ou plus, les SSD sont clairement à la pointe, mais le fait qu’ils puissent monter à 260 Mo/s plutôt qu’à 230, par exemple, est moins important pour les entreprises que le nombre d’opérations d’E/S qu’ils sont capables de traiter à chaque seconde. Étant donné que les SSD ont des temps d’accès qui se comptent en microsecondes (µs), leurs performances dans ce domaine sont de très loin supérieures à celles des disques durs.
Disques durs contre SSD : alors que les disques magnétiques ne gèrent que quelques centaines d’opérations d’E/S par seconde, les SSD actuels peuvent en traiter des dizaines de milliers. Source : Samsung.
Selon le Coréen Samsung, opter pour le bon SSD peut permettre de multiplier par 100 les performances en E/S. L’illustration ci-dessus compare les performances en E/S des SSD Samsung de génération actuelle à celles d’un disque dur SAS 15 000 tr/min et fait était d’une vitesse 106 fois plus importante pour les premiers. Nos propres tests semblent confirmer ces résultats pour bon nombre de fabricants. Dans notre comparatif des meilleurs SSD de 2010, nous avions noté dans ce domaine spécifique de grandes différences entre les participants, mais à quelques exceptions près, même les SSD d’entrée de gamme font environ 10 fois mieux que les disques durs professionnels actuels.
Économies d’énergie
La faible consommation électrique des SSD peut constituer une autre bonne raison de les adopter en milieu professionnel. Alors que les bons modèles ne dépassent jamais les 2 watts à pleine charge (et n’emploient même pas 10 % de ce chiffre au repos), les disques durs professionnels consomment fréquemment 10 watts ou plus. Certes, ces chiffres sont toujours faibles, mais ils ont leur importance.
En grand nombre, les disques durs pour serveurs installés dans les centres de données sont extrêmement gourmands en énergie et ont donc un coût. L’Institue Fraunhofer et le cabinet d’étude de marché IDC estiment que les systèmes d’air conditionné comptent pour environ 50 % de la consommation totale des centres de données. Avec des SSD, par contre, il est possible de bénéficier à la fois d’une baisse de la consommation et d’une hausse des performances en E/S. Mesure fiable et souvent citée, le rapport E/S par watt permet de mettre en relation les performances et la consommation électrique ; il est généralement très en faveur du recours aux SSD.
Extensibilité des grappes RAID de SSD
Pour une entreprise, il peut s’avérer rentable de remplacer les disques durs d’un serveur par des SSD : lorsqu’on prend en compte la hausse considérable des performances en E/S et la baisse de la consommation et du dégagement thermique, l’addition peut au final se révéler en faveur de ces lecteurs flash, même si leur capacité est plus faible et s’ils sont plus chers à l’achat. Il faut bien entendu tenir compte du nombre de SSD nécessaire pour améliorer les performances d’un système existant.
Toutefois, la question la plus intéressante est probablement celle des capacités d’extension d’un serveur équipé en SSD. Nous avons donc monté une configuration de test afin d’examiner les possibilités offertes par les grappes de SSD en RAID.
Les limites du SATA : 3 Gbit/s
Pour étudier les RAID SSD sans restriction, nous avons opté pour un contrôleur RAID LSI 9280-24i4e. Ses 24 ports SATA et 4 ports SAS en font un produit suffisamment performant pour cet article, de même que son interface PCI Express 2.0 x8 et son débit théorique de 4000 Mo/s. La bande passante est de 6 Gbit/s par port.
Outre ce contrôleur, nous avons également installé le logiciel Fastpath de LSI, qui est censé accroître considérablement la vitesse de traitement en E/S des SSD connectés. LSI ne donne pas vraiment de détails sur son fonctionnement : tout ce que nous avons est une vague mention sur « une technique spéciale d’accès de bas niveau au SSD ». Le logiciel fonctionne cependant avec n’importe quel SSD et affirme multiplier par 2,5 les performances en écriture et par 2 celles en lecture.
Cinq SSD Samsung en RAID 0
Les cinq SSD employés pour ce test sont des modèles Samsung de référence MZ3S9100-XAB4. Chaque exemplaire possède une capacité de 100 Go et une interface SATA à 3 Gbit/s, se compose de flash NAND SLC et prend en charge le TRIM et le NCQ (Native Command Queuing). Le fabricant annonce des débits de 260 Mo/s en lecture et 245 Mo/s en écriture. La fiche technique ne donne aucune information concernant la taille du cache.
Avec une consommation de 1,7 watts au repos, ce SSD se montre nettement plus gourmand que les modèles grand public ; il ne monte toutefois qu’à 3,7 watts à pleine charge, ce qui est acceptable comparé aux disques durs professionnels, qui peuvent atteindre jusqu’à quatre fois ce chiffre. La plage de fonctionnement thermique annoncée va de -10 à +60 °C, ce qui est très correct. Samsung propose également un modèle 200 Go pour ceux qui ont besoin d’une plus grande capacité.
Nous avons commencé par benchmarker un seul de ces SSD Samsung avant de créer une grappe RAID 0 de deux lecteurs, pour ensuite ajouter un lecteur à chaque étape. Au final, nous avons obtenu une grappe de cinq lecteurs et donc cinq configurations différentes que nous avons pu comparer avec aisance.
Bien entendu, le RAID 0 est rapide mais fragile, raison pour laquelle les entreprises ne l’emploient que dans certains cas bien spécifiques ; de manière générale, on lui préfère les modes RAID avec redondance. Pour ce test, cependant, il est sans aucun doute le plus adapté car il permet de visualiser très clairement l’évolution des performances et du système dans son ensemble.
Configuration de test
Matériel | |
---|---|
Composants | Détails |
Processeur | Intel Core i7-920 (45 nm, 2,66 GHz, 8 Mo de cache L3) |
Carte-mère (socket 1366) | Supermicro
X8SAX Révision : 1.0 Chipset : Intel X58 + ICH10R BIOS : 1.0B |
Contrôler | LSI
MegaRAID 9280-24i4e Firmware : v12.11.0-0016 Pilote : 4.31.1.64 |
RAM | 3 x 1 Go de DDR3-1333 Corsair CM3X1024-1333C9DHX |
Disque dur système | Seagate
NL35 400 Go ST3400832NS 7 200 tr/min, SATA/150, 8 Mo de cache |
Alimentation | OCZ
EliteXstream 800 watts OCZ800EXS-EU |
Benchmarks | |
Mesure des performances | h2benchw 3.13 PCMark Vantage 1.0.2.0 |
Performances en E/S | IOmeter
2008.08.18 Benchmark « serveur de fichiers » Benchmark « serveur web » Benchmark « serveur de base de données » Benchmark « station de travail » Lecture en streaming Écriture en streaming Lecture aléatoire de blocs de 4 Ko Écriture aléatoire de blocs de 4 Ko |
OS et pilotes | |
OS | Windows 7 Édition Intégrale |
Le Samsung MZ3S9100 est un modèle 3,5″. Il s’agit du grand boîtier en aluminium sur la photo ci-dessus.
Le LSI 9280-24i4e avec ses 24 ports SATA et 4 ports SAS.
Performances en E/S
Profil « serveur de fichiers »
Le benchmark IOmeter et ses profils « serveur de fichier », « serveur web » et « station de travail » illustrent bien l’évolution des performances du système : alors qu’un SSD seul peut traiter environ 15 000 opérations d’entrée/sortie par seconde, une grappe RAID 0 composée de deux SSD en gère 10 000 de plus. Chaque ajout de SSD a à peu près le même effet.
Chaque SSD ajouté accroît donc non seulement la capacité, mais également les performances en E/S, et ce, de manière pratiquement linéaire. Notre configuration de test ne semble à aucun moment plafonner. Pour atteindre des performances similaires avec des disques durs conventionnels, il faudrait former une grappe de plusieurs dizaines de volumes ; là où il fallait auparavant ajouter un serveur ou une énorme grappe RAID, il suffit maintenant d’ajouter un seul SSD.
Profil « serveur web »
Profil « station de travail »
Profil « serveur de base de données »
Les résultats du benchmark effectué avec le profil « base de données » nous paraissent quelque peu étranges, dans la mesure où une grappe RAID de 3 SSD obtient des performances inférieures à un SSD seul. Mis à part ce point, la tendance reste cependant identique : une grappe de cinq SSD permet d’obtenir des performances en E/S nettement supérieures à tout ce que nous avons vu auparavant.
Streaming avec IOMeter, CrystalDiskMark
Streaming avec IOmeter
Les amateurs de vitesse en ont pour leur argent en matière de lecture séquentielle. Avec une grappe RAID 0 de cinq SSD, nous atteignons des débits de 1000 Mo/s en lecture et 1122 Mo/s en écriture, le cache du contrôleur permettant à ce dernier chiffre d’être supérieur au premier. Nous notons surtout avec intérêt que chaque ajout de SSD accroît les performances plus ou moins dans les mêmes proportions ; une fois de plus, l’évolution est pratiquement linéaire.
CrystalDiskMark
Les résultats sous CrystalDiskMark confirment ceux obtenus sous IOmeter.
Lecture/écriture aléatoire de blocs de 4 Ko
En lecture/écriture aléatoire de blocs de 4 Ko, les résultats montrent une fois encore une évolution presque linéaire des performances, qui augmentent avec le nombre de SSD dans la grappe. Il n’y a qu’avec une seule requête simultanée que la taille de la grappe n’a aucune importance.
CrystalDiskmark : lecture aléatoire (longueur de file : 1)
CrystalDiskmark : lecture aléatoire (longueur de file : 32)
CrystalDiskmark : écriture aléatoire (longueur de file : 1)
CrystalDiskmark : écriture aléatoire (longueur de file : 32)
IOmeter : lecture aléatoire
IOmeter : écriture aléatoire
Lecture/écriture aléatoire de blocs de 512 Ko
Le test de lecture/écriture de blocs de 512 Ko joue un rôle plus important à l’heure actuelle, la taille moyenne des fichiers sur serveurs ayant tendance à augmenter comme sur les autres machines. Les grappes RAID de SSD semblent prêtes pour cette évolution : comme dans les tests précédents, les performances s’accroissent de manière plus ou moins linéaire avec le nombre de SSD.
CrystalDiskmark : lecture aléatoire
CrystalDiskmark : écriture aléatoire
PCMark Vantage
Contrairement à IOmeter et CrystalDiskMark, PCMark Vantage ne semble guère profiter de l’ajout de SSD à la grappe. Celle-ci affiche certes des performances supérieures à un seul disque, mais l’évolution n’a rien d’impressionnant. Ces résultats sont toutefois en grande partie attribuables à la nature du benchmark, qui se concentre essentiellement sur des scénarios « grand public ». Nous les publions néanmoins, ne serait-ce que pour information.
Chargement des applications
Performances dans les jeux
C’est dans le test de débit dans les jeux que la différence entre chaque configuration est la plus infime ; ce qui est logique, les performances du support de stockage ne jouant généralement qu’un rôle minime dans ce type d’applications.
Score global
Édition vidéo
Windows Defender
Windows Media Center
On note les plus grands écarts dans le test faisant appel à Windows Media Center ; logique encore une fois, celui-ci reflétant les capacités du système en matière de streaming.
Applications/tâches Windows
Démarrage de Windows
Conclusion
Tous les tests référencés dans cet article mettent en lumière une caractéristique intéressante des SSD en RAID 0 : l’ajout de volumes supplémentaires permet d’accroître les performances dans la même mesure que la capacité. Et cela vaut tant pour le débit que pour le nombre d’opérations d’E/S par seconde.
Dans notre configuration de test, les performances évoluent de manière pratiquement linéaire, chaque SSD ajouté à la grappe apportant plus ou moins la même amélioration des performances. En matière d’opérations d’E/S, nous n’avons atteint aucun plafond ni ralentissement de la croissance lors de l’ajout de volumes.
Bien entendu, nous ne pouvons prétendre que nos résultats s’appliqueront parfaitement à tous les systèmes RAID, mais ce test démontre que plus on empile les SSD, plus la vitesse augmente, et surtout les performances en E/S, si cruciales en milieu professionnel. C’est beaucoup moins le cas avec les disques durs.
Désormais, il convient donc de prendre en considération un critère supplémentaire lors de la planification d’un système RAID : en plus de comptabiliser le prix des SSD, des contrôleurs et du serveur, il faut également tenir compte du nombre de SSD nécessaires pour atteindre un niveau donné de performances. Les résultats montrent toutefois que les forces des grappes RAID SSD ne sont exploitables à fond que dans un environnement adapté, par exemple pour un serveur de fichiers ou un serveur web destiné à fournir un accès ultra-rapide aux données.