Internet dans le TGV : comment ça marche ?

Introduction

La SNCF vient de lancer un service d’accès à internet sans fil dans le TGV Est. Soit une petite révolution pour quiconque souhaite rentabiliser le temps de son voyage pour travailler/se détendre/trouver des renseignements sur sa destination, etc.

Cela paraît pourtant très simple en ces jours où internet est accessible n’importe où, ou presque, à partir d’un téléphone mobile. Pourtant, la mise au point du système a nécessité de gros investissements, et des études approfondies. Pas simple en effet d’assurer un service constant dans un train se déplaçant à 320 km/h. Combinant des technologies multiples comme le GPS, l’accès internet par satellite, le Wi-Fi, etc. la solution implantée par la SNCF est audacieuse, et mérite que l’on y regarde d’un peu près. Attention au départ…

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Accès satellite, la panacée ?

Un satellite pour l’Europe

Vu le développement des réseaux 3G, on pourrait croire qu’assurer une connexion à internet dans un train est une chose facile. En réalité, compte tenu de la vitesse de déplacement du train et de l’étendue de la zone à couvrir, c’est extrêmement difficile. Impossible en tout cas avec les réseaux de téléphonie cellulaire. Pour son service, la SNCF a donc dû faire appel à la seule technologie permettant réellement d’accéder à internet partout sur Terre : le satellite.

C’est sur les panneaux solaires de l’Atlantic Bird 2 Eutelsat, un satellite géostationnaire opéré par Eutelsat, que repose l’accès à internet dans le TGV. Ce satellite offre une couverture complète de l’Europe, particulièrement de la France, de l’Allemagne et du Sud de l’Angleterre. Idéal donc pour le TGV qui ne dépasse pas les limites de ces territoires.

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Des technologies innnovantes

Afin d’assurer la liaison satellite, chaque rame est donc équipée d’une parabole. Elle est dissimulée dans un radôme sur le toit d’une des voitures du train (la remorque 3). Cette antenne conçue par Eutelsat est omnidirectionnelle et mécanisée afin de compenser automatiquement et précisément le déplacement du train par rapport au satellite. Ce pointage automatique est réalisé grâce à l’antenne GPS installée à côté de la parabole. Sa conception a aussi dû intégrer les fortes contraintes du milieu ferroviaire (compacité, perturbations électromagnétiques des lignes d’alimentation, vibrations, accélérations, températures…).

Mais Eutelsat ne gère pas directement l’accès à internet, il ne fait que relier le train à une passerelle internet gérée par Orange. Le signal satellite qui parvient au hub Eutelsat de Turin est donc redirigé via un lien fibre optique à Aubervilliers, à la plate-forme d’Orange. C’est elle qui régit ensuite le trafic internet.

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Eutelsat a aussi mis en oeuvre dans ce projet une technologie visant à réduire la bande passante nécessaire à l’ensemble des trains. Les kbits satellitaires coûtant horriblement cher, c’était un impératif pour la SNCF. Le CRMA (Core Reuse Multiple Access) est une variante du CDMA (Code Division Multiple Access) connu sur les réseaux GSM 3G par exemple. Nécessaires pour fiabiliser les transmissions satellites, ces technologies ont aussi pour intérêt de limiter les besoins en bande passante, chaque émetteur (chaque train) pouvant réutiliser les mêmes fréquences sans risque d’interférence. Mieux, les trains et le hub Eutelsat peuvent employer les mêmes fréquences.

Au final, chaque utilisateur bénéficie d’environ 2 Mbps pour le sens descendant et 512 kbps dans le sens montant. Et dire qu’une bonne partie des Français n’a même pas ces débits à domicile !

Le Wi-Fi à la rescousse

Et sous les tunnels alors ?

Grâce au satellite, toute la ligne TGV est couverte. Toute ? Non ! des endroits peuplés d’irréductibles tunnels résistent encore et toujours à l’envahisseur. Dans les gares et les tunnels en effet, la liaison satellite est impossible. La solution choisie par la SNCF est d’utiliser un réseau Wi-Fi dans ces lieux confinés. En plus de l’antenne satellite et de l’antenne GPS, la remorque 3 des TGV est donc munie de deux antennes Wi-Fi. Elles communiquent avec celles installées dans le tunnel.

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Le passage de relais entre le réseau satellite et le réseau Wi-Fi tunnelier est automatique et normalement transparent pour l’utilisateur. C’est un routeur IP placé à bord de chaque rame qui supervise ce handover. Là encore, la localisation GPS aide, en permettant au routeur d’anticiper l’arrivée dans un tunnel.

Wi-Fi dans les trains

Voilà pour la liaison « sol-bord », c’est-à-dire « TGV-reste du monde ». Distribuer l’accès à l’intérieur des wagons du train est une tâche beaucoup plus simple. S’agissant d’accès sans fil, la SNCF a bien entendu utilisé un réseau Wi-Fi. Dans chaque wagon, dissimulés dans le faux plafond, deux points d’accès créent le réseau visible par les voyageurs. Situés à chaque extrémité d’espace voyageur, ils sont eux-mêmes reliés par un câble Ethernet, afin de ne pas créer d’interférence inutile et de ne pas surcharger l’espace voyageur d’ondes radio. Image 5 : Internet dans le TGV : comment ça marche ? Mais comment les points d’accès de chaque voiture sont-ils connectés au réseau satellite ? Là encore par Wi-Fi. Aux deux extrémités de chaque wagon, quatre bornes Wi-Fi forment un « pont radio » entre les voitures. Curieux vu la faible distance séparant les wagons. Mais durant le développement, la SNCF s’est rendu compte qu’il était beaucoup plus difficile d’implanter un lien filaire que ce pont radio dans ses anciennes rames TGV. Les câbles seront tout de même préférés dans le matériel plus récent, pour d’évidentes raisons de coût, de simplicité et de fiabilité.

Image 6 : Internet dans le TGV : comment ça marche ?Image 7 : Internet dans le TGV : comment ça marche ?Image 8 : Internet dans le TGV : comment ça marche ?

Trois serveurs et un train

Chaque voiture est donc reliée de proche en proche à la remorque 3, celle qui reçoit le signal satellite. Le trafic est enfin géré par une baie serveur contenant trois tiroirs et installée dans un range-bagages. La cartographie de cette baie est détaillée ci-dessous.

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On voit par exemple que l’un est consacré à la localisation GPS. Un autre fait office de routeur , un autre gère la sécurité de la plateforme. On voit aussi les serveurs dédiés au portail mis en place par la SNCF pour l’occasion. Ce portail donne accès à des informations pratiques, telles que les dernières dépêches AFP, les prévisions météo , la visualisation de la position du train sur une carte interactive, des renseignements touristiques sur la destination, et aussi à du contenu multimédia embarqué, comme des vidéos, des jeux etc. Tout ce contenu ne génère pas ou peu de trafic vers l’extérieur et permet donc à la SNCF d’économiser de la bande passante sur la liaison satellitaire tout en facilitant l’accès aux informations pour ses clients.

Ce contenu nécessite tout de même quelques mises à jour, mais elles sont réalisées à intervalles programmés et de manière à ne pas gêner les utilisateurs. Ainsi, les actualités sont rafraîchies toutes les 15 minutes, alors que les vidéos à la demande ne sont modifiées que la nuit lorsque le TGV n’est pas en service. Les contenus légers sont donc gérés sur un serveur alors que les contenus lourds sont téléchargés et diffusés vers les clients par un autre.

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Chacun de ces PC possède une puissance très modeste au regard de nos machines actuelles. Ils sont composés de CPU Intel à 650 MHz doté de 1 Go de RAM, 1 Go de tampon Flash et 60 Go de disque dur. Du matériel assez lent certes, mais “ferroviairisé”, c’est-à-dire adapté aux contraintes mécaniques et thermiques très fortes d’une utilisation dans le TGV. Notons également que la SNCF a privilégié les logiciels libres (Linux, FreeBSD, Apache).

En pratique : une réussite

Promesses tenues

La SNCF nous ayant conviés hier matin à un galop d’essai sur une rame commerciale, nous pouvons confirmer que le service est bel et bien fonctionnel. Nous avons pu nous connecter sans souci, surfer, chater, et même essayer des téléchargements en peer-to-peer ! Aucun usage n’est bloqué ce qui est une très bonne surprise, mais peut-être pas appelé à durer. Nous avons mesuré le débit effectif de la connexion : 204 ko/s ATM, 164 ko/s IP, soit autant que prédit par la SNCF. La fiabilité de la connexion fut aussi très satisfaisante.

Petites coupures

Nous avons malgré tout rencontré quelques coupures sur le trajet Paris-Reims que nous avons parcouru. Elles sont malheureusement inévitables et ne viennent pas d’un mauvais fonctionnement du service, mais de limites infranchissables. Par exemple, lorsque le relief du terrain est trop prononcé pour que le train soit à portée du satellite. En effet, l’Atlantic Bird 2 au beau n’être en orbite qu’à 8° du Zénith, il peut être masqué par une vallée un peu encaissée. Et il n’est évidemment pas question d’installer du Wi-Fi dans les montagnes pour boucher ces trous dans la couverture. De plus, la SNCF n’étant pas établie ailleurs qu’en France, elle n’a pas implanté de réseau Wi-Fi dans les obstacles hors de l’hexagone. Tous les tunnels allemands, suisses ou autres seront donc des trous noirs.

Deux ou trois euros de l’heure

Techniquement, la SNCF réalise presque un sans-faute. On envisage donc les yeux fermés de s’acquitter des 2 ou 3 € qui seront demandés par heure de connexion. Toutefois, nous avons relevé deux gros défaut à l’offre d’accès à internet dans le TGV Est.

On en veut plus, plus vite !

Capacité très limitée

L’un des plus gros inconvénients de l’offre de la SNCF est qu’il ne peut pas y avoir plus de 50 usagés connectés simultanément. 50, cela paraît fort peu alors que chaque rame de TGV peu embarquer au moins 360 personnes !

Evidemment tout le monde ne voyage pas avec son PC portable, et tout le monde ne souhaite pas accéder à internet dans le train. Mais, tout de même. Les hommes d’affaires voyageant en semaine ne seront sans doute pas gênés, mais il faudra sûrement s’armer de patience lors des grands départs en vacances !

A l’Ouest, pas de nouveau !

Image 12 : Internet dans le TGV : comment ça marche ?Enfin, nous n’avons pas encore abordé le principal défaut de cette offre. Elle n’est pour l’instant accessible que sur le réseau TGV Est (Allemagne, Suisse, Luxembourg), et sur une rame uniquement. Deux autres rames ont été équipées et sont actuellement testées. Elles entreront en service public avant fin janvier. Mi-2008 la SNCF fera un bilan sur l’utilisation de son service et décidera de la suite à lui donner. Même dans le meilleur des cas, les 52 rames du réseau TGV Est ne seraient équipées que fin 2009 ! Et rien n’est encore prévu pour les autres destinations, comme le Paris-Marseille ou le TGV Atlantique. Bref, l’Internet dans le TGV restera pendant longtemps encore un rêve pour la majorité des voyageurs. Dommage, car nous y avons pris goût !

  • L’album photo du TGV Internet