La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti…

Une carte trop rapide !

Que faire quand vous avez dans votre équipe un sportif tout simplement trop bon ? Vous versez un peu de tranquillisant dans son thé… Quand il s’agit d’une carte graphique comme la GeForce GTX 1070 Ti, il n’y a qu’une seule solution, il faut trafiquer le BIOS pour modifier artificiellement le résultat final. C’est ce que Nvidia a tenté de faire…

Commençons par la puce graphique, qui est censée venir se loger entre les GeForce GTX 1070 et 1080. Avec 2432 shaders, la GeForce GTX 1070 Ti se place nettement au-dessus des 1920 shaders de la GTX 1070 et à peine en dessous des 2560 shaders de la GTX 1080. Il lui manque donc surtout 8 TMU pour dépasser la GTX 1080. Pour que la hiérarchie soit garantie, il faut donc ralentir la nouvelle venue d’une façon ou d’une autre. Jetons un coup d’œil au package de la puce dont nous voulons expliquer l’intitulé :

Image 1 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

Couleur
Signification
Blanc
Identifiant du GPU
Jaune
Identifiant d’usine pour le package
A = ASE (Taiwan)
S = SPIL (Taiwan)
SCC = STATSChipPAC (Chine)
Rose
Pays d’origine
Bleu
Date de production
1734 = 2017, semaine 34
Rouge
Révision du masque
Vert
Usine
P = TSMC Fab 14

Avec ses informations de base, nous pouvons maintenant enquêter sur ce qui s’est réellement passé ces dernières semaines sur ce lancement.

Un BIOS, de nombreuses révisions

Dans le BIOS, Nvidia enregistre les fréquences de base et turbo pour neuf paliers, lesquels représentent une augmentation par rapport à la fréquence d’origine. Depuis l’avènement de la génération Pascal, ce système est aussi bien gardé que Fort Knox et il est impossible de modifier ces paramètres. Si on veut modifier la fréquence (et donc la performance finale), c’est là qu’il faut agir, et c’est là que Nvidia est intervenu.

Image 2 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

Nous supposons que le tout premier BIOS que Nvidia a transmis aux constructeurs de cartes avait été concocté à partir d’un modèle Founders Edition. Or, la version Founders Edition de la GeForce GTX 1080 avait un problème de température, de sorte que sa performance ne pouvait jamais s’exprimer pleinement à moins de faire tourner le ventilateur au maximum. Nous avons pu observer le même phénomène sur GeForce GTX 1070 Ti FE, et c’est peut-être la raison de l’opération de modification du BIOS a postériori.

Trafique de BIOS au dernier moment

Pour avoir le droit d’utiliser le BIOS, les fabricants de cartes partenaires doivent se baser sur le BIOS d’origine et passer un examen de conformité aux spécifications Nvidia. Pour chaque puce, il faut rentrer dans des critères de consommation, de température et de nuisances sonores, mais aussi de cible de puissance (Power Target). Ces mesures sont réalisées de manière standardisée et évaluées par le logiciel Nvidia. C’est seulement ensuite que Nvidia donne le feu vert à la production des cartes utilisant ce BIOS.

Image 3 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

Chez les fabricants de cartes partenaires, la production industrielle se déroule selon un plan bien défini et les premières confirmations du firmware sont arrivées juste à temps dans le processus de production. Le problème, c’est que les 1620 MHz de fréquence de base et 1709 MHz de Boost plaçaient les cartes partenaires au système de refroidissement supérieur à portée de tir de la GeForce GTX 1080 FE, et même la dépassaient en overclocking manuel ! Le seul avantage significatif de la GeForce GTX 1080 vient de sa mémoire GDDRX5, qui lui permet de conserver de peu la première place dans 3DMark Fire Strike Extreme.

Image 4 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

C’en était assez pour que l’équipe marketing de Nvidia fasse machine arrière. Mauvais timing : les fabricants avaient non seulement fini le développement de leurs versions overclockées, lancé la production du packaging, mais aussi commencé la production des cartes, de sorte que plusieurs dizaines de milliers de cartes avaient été produites. On retrouve la trace de cette marche arrière dans les versions de firmware de certaines cartes mises à jour, ou même le BIOS original sur certaines cartes produites la première semaine.

Pour arriver à la version finale du BIOS, le chemin a été long et semé d’embuches, et on peut dire que les équipes de recherche et développement n’ont pas chaumé ces derniers temps. En effet, Nvidia n’a pas seulement réduit la fréquence, mais aussi réduit le Power Target à 150 W (180 W avec augmentation manuelle) au lieu des 180 W (216 W maximum) initiaux. Le problème, c’est alors que les cartes GTX 1070 overclockées se montraient alors plus performantes avec le risque d’une cannibalisation des parts de ventes par le bas. On peut tourner le problème dans tous les sens, il n’y a pas de marge de manœuvre suffisante pour que la carte trouve sa place sans marcher sur les plates bandes des autres cartes.

Step
Base Clock MHz
Boost Clock  MHz
Ratio
1
1493
1582
1.060
2
1506
1607
1.067
3
1518
1620
1.067
4
1531
1632
1.066
5
1544
1645
1.065
6
1556
1657
1.065
7
1569
1670
1.064
8
1582
1683
1.064
9
1594
1695
1.063

Pour finir, Nvidia décida de revenir aux 180 W initiaux et à la place de restreindre le ratio entre fréquence de base et fréquence de Boost, de réduire ainsi la progression possible, et de diminuer en outre la fréquence de base. Par défaut, la carte reste donc bien sagement à sa place, mais laisse assez de marge de manœuvre pour un overclocking manuel.  

Image 5 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

On obtient ainsi les paliers de fonctionnement suivants :

Step
Base Clock MHz
Boost Clock  MHz
Ratio
1
1607
1683
1.047
2
1620
1708
1.054
3
1632
1721
1.055
4
1645
1733
1.053
5
1657
1746
1.054
6
1670
1759
1.053
7
1683
1771
1.052
8
1695
1784
1.053
9
1708
1797
1.052

Galère pour les fabricants, pas les clients

Pour les fabricants de cartes, la situation est donc plutôt difficile, et la balance trouvée ne tient que si on ne permet aucun overclocking d’usine. Et c’est ce qui s’est passé. Toutefois, il est maintenant impossible de vendre le type de produit sur lequel les fabricants se démarquent généralement : des cartes overclockées d’usine. Ainsi, tous les modèles OC comme les cartes Aorus chez Gigabyte et GameRock Premium Edition pour Palit passent à la trappe !

Image 6 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

Il a donc fallu reclasser une GeForce GTX 1070 Ti Aorus en une G1 Gaming et appliquer sur un PCB d’Aorus, plutôt court, un système de refroidissement fait pour une G1 Gaming, avec une plaque arrière largement plus longue que le PCB sous-jacent. Ça semble un peu bancal, il faudra faire avec. C’est dommage, d’autant plus que le design du PCB avait été revu, avec plein de bonnes idées comme une puce tournée à 90 degrés. Chez Gainward, on rétrograde une GeForce GTX 1070 Ti Phoenix Golden Sample (GS) en une simple Phoenix sans blabla. Les premières cartes sont encore marquées GS et les boites également. On comprend bien que les constructeurs n’aient pas eu le cœur de tout jeter simplement parce que Nvidia s’emmêlait les pinceaux.

Image 7 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...Image 8 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

D’autres fabricants se sont contenté de remplacer la mention « OC » par d’autres appellations édulcorées telles que « XXX Top » au lieu de « XXX OC ». C’est le chemin qu’ont pris la plupart des fabricants.

Image 9 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

Si ce frein artificiel est assez ennuyeux pour les fabricants, pour le client, cela ne revêt pas autant d’importance, puisqu’il est toujours possible de le contourner par des outils de tuning et d’obtenir la vraie performance de la carte, comme nous allons le voir tout de suite.

Le client dit merci

C’est l’acheteur qui profite à la fin de ce jeu de dupes, car la carte livre de toute façon ce qu’il est possible de tirer d’elle raisonnablement avec un refroidissement par air. Les fréquences de base et de Boost sont donc aussi intéressantes que les prévisions météo de la semaine dernière. Nous avons testé les limites du BIOS initial et du BIOS actuel et les résultats étaient en fait identiques, avec une fréquence oscillant entre 2038 et 2063 MHz dans The Witcher 3.

Image 10 : La folle histoire du BIOS des GeForce GTX 1070 Ti...

La version de BIOS n’a donc aucune influence sur le potentiel d’overclocking de la carte, il suffit d’augmenter la fréquence de base de 150 à 200 MHz et le Power Target à 120% à l’aide de programmes tels que Afterburner.

Nous voici donc avec un remake de la 7900 GTO, à laquelle on avait renié le statut de GTX. La GeForce GTX 1070 Ti overclockée manuellement atteint pourtant la performance d’une GeForce GTX 1080 non overclockée. Est-ce que cela en fait pour autant une bonne affaire ? C’est le prix de vente effectif qui nous le dira.

Les 469 € recommandés par Nvidia se rapproche dangereusement d’une Geforce GTX 1080 premier prix, c’est donc en l’état un peu trop élevé. A partir de 430 €, la carte peut devenir une sérieuse alternative à la GeForce GTX 1080. Quant à la GeForce GTX 1070, son tarif devrait logiquement aussi baisser dans les semaines qui viennent.