Si le passage au numérique a été rapide dans le monde de la télévision, avec un lancement en 2005 et un abandon de l’analogique en 2011, la radio n’a pas vraiment suivi le même chemin : la RNT (Radio Numérique Terrestre) va être lancée demain en France dans l’indifférence générale alors que d’autres pays sont passés en numérique depuis des années. Au Royaume-Uni, la technologie a été lancée en 1995 et plus de 40 % des foyers sont équipés de récepteurs compatibles.
Lancement dans la douleur
La RNT va finalement être lancée, mais dans la douleur : dans trois villes seulement (Paris, Marseille et Nice) et avec une offre limitée. On ne trouve pas les radios de Lagardère (Europe1, Virgin Radio et RFM), NRJ (NRJ, Chérie FM, Nostalgie et Rires & Chansons), NextradioTV (RMC et BFM) et RTL (RTL, RTL2 et Fun Radio) ou celles de Radio France, qui ont pourtant une audience significative.
Techniquement, la RNT abandonne la bande FM, saturée, et passe dans la bande III, utilisée auparavant pour la télévision analogique. Comme son nom l’indique, elle est numérique, et c’est un des problèmes de son lancement : alors que la majorité des pays utilise la norme DAB ou la norme DAB+, la France voulait au départ utiliser le T-DMB, une technologie plus complète sur certains points (elle permet notamment de diffuser des images) mais qui pose des soucis de compatibilité en Europe et l’ombre du SECAM planait sur son avenir…
Heureusement pour les consommateurs, le CSA a finalement accepté que la diffusion se fasse en DAB+ — une norme déjà utilisée au niveau européen —, ce qui permet d’éviter de devoir développer des récepteurs uniquement pour la France.
Une émission de test à Paris (TNT.net)
Le DAB+ utilise le codec HE-AAC, une évolution de l’AAC qui permet d’obtenir une qualité équivalente à celle d’une bonne réception FM avec un débit assez faible, de l’ordre de 80 kilobits/s. La norme DAB, encore utilisée dans d’autres pays, utilise le codec MP2 avec un débit de l’ordre de 192 kilobits/s pour obtenir une qualité correcte.
À Paris, la majorité des stations utilise le DAB+ (les tests sont en cours depuis quelques jours), mais quelques chaînes sont émises en T-DMB.
Les avantages du numérique
Les avantages du numérique sont nombreux, en particulier sur les fréquences : alors qu’en FM une station nécessite une fréquence précise, il est possible de diffuser plusieurs chaînes sur la même fréquence en numérique. Gros avantage pour les utilisateurs, du moins quand la couverture sera plus étendue, le fait de voyager ne demandera pas de chercher la nouvelle fréquence : le récepteur se calera simplement sur le flux de la radio écoutée, automatiquement. Autre petit avantage, la majorité des récepteurs permet d’enregistrer la radio directement, en dumpant directement le flux, et certains permettent même un contrôle du direct, avec la possibilité de mettre le direct en pause. Enfin, la qualité est généralement meilleure : on évite le souffle de la FM, notamment.
Le numérique a par contre, comme toujours, quelques défauts. Le premier est le même que pour la TNT : quand la réception est très mauvaise, on perd généralement totalement le signal, alors qu’en analogique, il est parfois possible d’obtenir un son (très) dégradé. De plus, dans certains cas, la qualité peut être perçue comme moins bonne, à cause de la compression parfois audible. C’est essentiellement lié au débit choisi par l’émetteur, et à 80 kilobits/s en DAB+, le problème ne devrait pas se poser.
Peu d’appareils dans le commerce
Un récepteur RNTAu niveau des appareils, les récepteurs compatibles sont encore rares. On trouve quelques modèles « de salon » dans les enseignes spécialisées, et quelques autoradios, souvent importés d’Allemagne ou du Royaume-Uni. Parfois, il s’agit tout simplement d’appareils mis sur le marché au niveau européen et donc compatibles par défaut, à la manière des téléviseurs DVB-T2. Pour ceux qui veulent écouter la radio de façon nomade, les smartphones ne sont pas compatibles. Enfin, il existe de rares tuners USB compatibles pour une écoute sur PC, mais ils ne sont généralement pas disponibles en France. Les plus aventureux pourront toujours tester une bidouille à base de SDR : certains tuners TNT peuvent être utilisés pour capter d’autres fréquences que celles prévues…
Dans la pratique, la RNT ne devrait donc pas avoir le même succès que la TNT en son temps, même si le passage au numérique semble tout de même inéluctable à terme. Certains pays, comme le Royaume-Uni (encore), ont d’ailleurs déjà défini une date pour l’abandon de l’analogique, mais ce n’est visiblement pas prêt d’arriver en France…