La Russie souhaite développer un processeur Elbrus à 32 cœurs d’ici 2025

Le gouvernement russe est prêt à investir 7,5 milliards de roubles dans le projet.

Si depuis de nombreuses années, le développement de processeurs échoit essentiellement à des entreprises américaines, certains pays revoient leur manière d’appréhender ces enjeux et sortent progressivement de leur immobilisme. On pense bien sûr à la Chine, qui développe diverses solutions depuis maintenant plusieurs années, ou encore aux pays européens via le projet EPI (European Processor Initiative) lancé en 2019 ; une autre contrée entre en lice, la Russie.

Image 1 : La Russie souhaite développer un processeur Elbrus à 32 cœurs d’ici 2025

Le ministère de l’industrie et du commerce russe ambitionne de développer un processeur 32 cœurs d’ici 2025. Pour cela, il a lancé un appel d’offre à 7,4893 milliards de roubles (environ 83 millions d’euros) – à titre de comparaison, le projet européen EPI engage 2,7 milliards d’euros. Ce financement doit permettre d’élaborer un processeur basé sur l’architecture VLIW Elbrus et gravé en 7 nm ou mieux. Il se destinerait à plusieurs applications : HPC, serveurs, centres de stockage, et embarquerait logiquement pas mal d’unités de traitement IA.

Elbrus-4C : un processeur russe qui émule un CPU x86

PCIe 5.0 et DDR5

La Russie n’a pas beaucoup d’entreprises spécialisées dans le domaine. Les deux principales sont Baikal Electronics et le MCST (Moscow Center of SPARC Technologies). La première élabore des CPU et des FPGA ; la seconde n’est autre que la propriétaire de l’architecture VLIW Elbrus. La firme, financée par le gouvernement, doit soumettre officiellement sa proposition d’ici le 10 décembre 2020 ; a priori, il s’agit d’une simple formalité.

Les projets en cours du MCST sont des processeurs Elbrus à 12 et 16 cœurs ; ils sont prévus pour 2021. La puce Elbrus à 32 cœurs bénéficierait de 64 Mo de cache ; elle prendrait en charge jusqu’à 2 To de mémoire DDR5 sur six canaux. Enfin, elle gérerait également jusqu’à 64 lignes PCIe 5.0.

Enfin, comme souvent, cette volonté d’émancipation semble en partie liée à des enjeux de sécurité nationale. Dans la documentation de MCST, on peut par exemple lire, dans une traduction toute approximative, des phrases comme “les processeurs étrangers ont un grand nombre de fonctions et de vulnérabilités non documentées au niveau matériel […] ; et les unités de contrôle, qui sait comment elles fonctionnent ? Ce sont des ordinateurs dans un ordinateur, avec leur propre système d’exploitation et leur propre microprogramme. Personne ne peut les étudier, car les codes sources sont manquants et le microprogramme lui-même est crypté. Elles ont accès à n’importe quel programme, n’importe quelle donnée, “au dessus” des mécanismes de protection du logiciel”.

Intel Management Engine et AMD Platform Security Processor

La documentation de MCST et, in fine, le projet russe, font ici référence à deux technologies “de sécurité”, intégrées aux processeurs Intel et AMD. Du côté d’Intel, il s’agit de l’Intel Management Engine (IME), basé sur le CPU 32 bits Intel Quark x86 et faisant directement tourner l’OS MINIX 3. Son créateur, Andrew S. Tanenbaum, s’en était d’ailleurs offusqué à travers une lettre ouverte adressée au fondeur de Santa Clara. Et du côté d’AMD, il s’agit du Platform Security Processor (PSP), en réalité un cœur ARM avec TrustZone, intégré au processeur central en tant que coprocesseur. Chez Intel, la solution est intégrée au chipset.

Dans les deux cas, on peut en effet parler de “processeurs dans le processeur” (… ou dans le chipset, donc !), susceptibles de fonctionner de manière autonome, y compris PC éteint s’il est malgré tout alimenté. Une évidente porte d’entrée pour les pirates, que le projet russe vise à fermer.

NDLR : les deux premières sources sont écrites en russe. Naturellement, si vous êtes russophone et que vous découvrez des erreurs et/ou des détails supplémentaires, n’hésitez pas à nous en faire part dans les commentaires.

Sources : MCST, 3dnews.ru