Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?

Le VDSL2 en théorie

Au 31 mars dernier, la France comptait 22,1 millions d’abonnés xDSL (ADSL ou SDSL). En son temps, cette technologie fut une révolution, décuplant littéralement les débits par rapport au classique modem analogique. Pourtant, l’ADSL2+ semble aujourd’hui tout juste suffisant et l’on rêve non plus de haut débit, mais de très haut débit (plus de 30 Mbit/s selon la définition adoptée par l’ARCEP). Ce très haut débit est permis par la fibre optique, mais le déploiement de celle-ci reste très lent, malgré la volonté des pouvoirs publics. Alors ? Alors il existe une technologie encore inexploitée en France qui pourrait apporter les débits de la fibre sur les lignes ADSL existantes : le VDSL2. Après des années d’atermoiements, l’ARCEP a enfin donné son feu vert à l’ouverture commerciale de réseaux VDSL à la rentrée. Faisons donc le point.

VDSL et ADSL sont deux technologies soeurs. Elles exploitent toutes deux le principe d’une transmission numérique à haute fréquence sur les lignes téléphoniques en paires de fils de cuivre torsadées prévues à l’origine pour une transmission analogique. Mais alors que l’ADSL2+ promet 30 Mbit/s au grand maximum, le VDSL2 promet jusqu’à 200 Mbit/s. Pour ce faire, le VDSL (Very high speed Digital Subscriber Line) exploite un spectre de fréquence plus large que l’ADSL : jusqu’à 30 MHz au lieu de 2,2 MHz.

Ces chiffres représentent toutefois le maximum de ce dont est capable la technologie. En réalité il existe plusieurs profils que les équipements VDSL2 peuvent utiliser.

Profil
8a
8b
8c
8d
12a
12b
17a
30a
Fréquence maximale
8,5 MHz
8,5 MHz
8,5 MHz
8,5 MHz
12 MHz
12 MHz
17,67 MHz
30 MHz
Débit
théorique
50 Mbit/s
50 Mbit/s
50 Mbit/s
50 Mbit/s
68 Mbit/s
68 Mbit/s
100 Mbit/s
200 Mbit/s

Comme on le voit, les 200 Mbit/s ne sont atteints qu’avec le profil le plus haut, qui utilise 30 MHz de bande passante. Or ce profil n’est pas toujours utilisable.

Avant d’autoriser l’exploitation commerciale du VDSL2 en France, l’ARCEP a mis sur pied un comité d’experts chargé de valider les conditions techniques. Or ce comité a déterminé que seuls les profils 8 à 17 pouvaient être exploités. Pour les abonnés, cette décision signifie tout simplement que le débit maximum disponible sera de 100 Mbit/s et non 200 Mbit/s.

VDSL et ADSL partagent une autre caractéristique : leurs performances décroissent avec la longueur de la ligne téléphonique. Et le VDSL2 est encore plus sensible que l’ADSL2 à ce sujet : il ne donne le meilleur de lui-même qu’à quelques centaines de mètres de distance et, au-delà de 1,2 km, il n’est pas plus performant que l’ADSL.

Image 1 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?

Le VDSL2 ne sera donc pas une panacée permettant de remplacer totalement la fibre optique. Toutefois il est beaucoup plus simple à mettre en oeuvre par les opérateurs. Alors qu’installer une ligne en fibre optique nécessite de faire littéralement passer une fibre à la place du câble en cuivre, ouvrir une ligne en VDSL2 se fait en remplaçant simplement le DSLAM ADSL2 par un modèle compatible VDSL2. Mieux, les équipementiers ayant rendu d’office leurs DSLAM ADSL2 également compatibles VDSL2 depuis plusieurs années, bon nombre de DSLAM installés récemment par les opérateurs sont d’ores et déjà compatibles. Les investissements liés au passage en VDSL2 n’ont donc aucune commune mesure avec ceux nécessaires au déploiement de la fibre optique.

En pratique en France

Après ce tour d’horizon des capacités théoriques de la norme, voyons ce qu’il sera en pratique. Les opérateurs, tels OVH ou Free, communiquent volontiers sur les 100 Mbit/s maximum, mais la vérité est qu’ils seront rarement atteints.

L’ARCEP se montre beaucoup plus prudente. Selon elle, compte tenu des difficultés techniques, “le débit réel maximum observé sur le territoire devrait se situer autour de 50 Mbit/s (débit descendant) pour les lignes les plus courtes”. L’atténuation en fonction de la longueur de la ligne n’est en effet pas le seul obstacle sur le trajet du VDSL2.

L’un des principaux problèmes est la sensibilité du VDSL2 aux perturbations électromagnétiques, encore plus forte que celle de l’ADSL2 qui utilise des fréquences plus basses. Les équipements installés chez l’abonné ou sur le trajet de la ligne (ascenseurs notamment), la qualité du câblage du domicile, la qualité des filtres auront une influence tangible sur les débits réels. 

Image 2 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?
Pire, en quittant le domicile des particuliers, les lignes téléphoniques sont regroupées sous la forme de torons, où elles sont enroulées les unes sur les autres. Or les câbles téléphoniques sont mal blindés. D’un foyer à l’autre, les résultats ne seront donc pas identiques.

Pour limiter les problèmes, l’ARCEP n’a autorisé les opérateurs à exploiter le VDSL2 que sur des lignes en distribution directe, c’est-à-dire reliant directement l’abonné au noeud de raccordement (NRA) sans passer par un sous-répartiteur. 

Image 3 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?

Cette décision, cumulée à la faible portée du VDSL limite le nombre de logements éligibles. Selon les calculs de l’ARCEP, environ 7 millions de logements pourront bénéficier du VDSL2 à l’automne. Toutefois, parmi ceux-ci, seuls 5 millions sont raccordés par des lignes suffisamment courtes pour constater une réelle augmentation du débit. Et seulement 2 millions d’abonnés pourront profiter d’un débit supérieur à 30 Mbit/s !

Image 4 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?

En outre, toutes les box ne sont pas compatibles VDSL2. Chez Orange, il vous faudra la dernière Livebox Play, chez Free, une Freebox Revolution, chez Bouygues une Bbox Sensation. SFR a prévu une version spécifique de sa Neufbox Evolution.

Malgré tous ces prérequis, le VDSL2 est capable de tenir ses promesses. Depuis la fin mai, les opérateurs ont lancé un déploiement pilote à l’échelle de deux départements, la Dordogne et la Gironde. Les premiers retours d’utilisateurs sont positifs : quelques Freenautes ont constaté des débits réels de 100 Mbit/s environ dans le sens descendant (et environ 20 Mbit/s dans le sens montant). OVH a montré des résultats similaires : 100 Mbit/s en descendants et 30 Mbit/s montants. Ces débits étaient atteints sur des lignes très courtes toutefois (environ 250 m) et ne représentent donc pas la situation de la majorité des clients éligibles.

Questions/Réponses

Quand ?

Image 5 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?Bordeaux est déjà couvert en VDSL2.

Le VDSL2 est déjà une réalité pour certains habitants de la Gironde et de la Dordogne. Le reste du territoire devra attendre l’automne. La date exacte de l’ouverture commerciale des premières offres dépend de l’opérateur. OVH annonce un lancement au 1 octobre. Orange a prévu d’ouvrir son offre de gros (location de son réseau aux autres opérateurs) le 10 octobre. Bouygues Telecom parle de novembre 2013. 

Pour qui ?

Toutefois, comme nous l’avons indiqué précédemment, lancement national ne signifie pas éligibilité de toutes les lignes. Tous les opérateurs n’ont pas communiqué précisément sur l’étendue de leur couverture VDSL2. Orange, l’a récemment fait toutefois : ce sont 5000 NRA Orange qui sont VDSL2 ready et ils couvrent environ 60 % de la population. Comme pour l’ADSL, les autres opérateurs pourront proposer du VDSL2 soit sur leurs NRA propres, soit en louant l’accès à la boucle locale d’Orange.

Il est possible d’ores et déjà de savoir si une ligne est éligible grâce à un test mis au point par OVH. En plus de l’éligibilité éventuelle, OVH détaille les débits attendus en VDSL2. Soulignons que ce test ne prend pas seulement en compte les lignes raccordées à des NRA degroupés par OVH (il n’y en a que 180 sur le territoire métropolitain).

Combien ?

Les opérateurs ont l’habitude – somme toute légitime – de facturer une nouvelle technologie. Cependant, dans le cas du VDSL2, les investissements dans le réseau semblent avoir été suffisament faibles pour qu’on échappe à une augmentation du coût des abonnements. Tous les opérateurs n’ont pas encore communiqué sur ce sujet, mais OVH et Bouygues Telecom a indiqué que « le VDSL2 sera inclus dans les offres fixes Sensation de Bouygues Telecom, sans surcout par rapport à l’ADSL ». De même, OVH et Free ont passé leurs clients situés dans les deux départements pilotes en VDSL2 sans surcoût. Il est peu probable qu’Orange ou SFR se risquent à procéder différemment.

Image 6 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?Une carte VDSL2 d’un DSLAM OVH.

Le VDSL2 nuira-t-il à la fibre ?

Le VDSL2 apparaît comme une excellente solution permettant d’amener le très haut débit à moindre coût dans une partie – certes restreinte – du territoire, mais certains craignent que son apparition retarde le déploiement du vrai très haut débit, la fibre optique. Ces craintes ont notamment été exprimées par Olivier Henrard, secrétaire général de SFR. M. Henrard a expliqué à nos confrères des Échos que « les déploiements VDSL2 vont avoir nécessairement un impact sur le déploiement de la fibre optique, car ils créent une confusion sur les messages commerciaux dans l’esprit à la fois des abonnés potentiels et des investisseurs : il faut donc les limiter au maximum, sans quoi le modèle économique de la fibre sera plombé ». Autrement dit, comment convaincre de la nécessité des investissements en fibre optique quand le cuivre peut faire apparemment aussi bien ? Ces craintes nous semblent exagérées, mais expliquent sans doute que SFR ait récemment augmenté le débit de ses offres fibre optique à 300 Mbit/s.

Un réseau FTTdp plutôt que FTTH

En vérité, loin de s’opposer VDSL2 et fibre optique pourraient s’avérer complémentaires pour assurer la couverture en très haut débit du territoire. D’une part, l’ARCEP estime que les lignes éligibles au VDSL2 à l’automne prochain « sont [concentrées] dans les zones qui ne bénéficieront pas de déploiements FttH à court terme. » (ce qui s’explique notamment par la limitation aux lignes en distribution directe). Ainsi, le VDSL2 ira porter le très haut débit là où la fibre est trop coûteuse à tirer, dans les zones peu denses.

D’autre part, le VDSL2 pourra accélérer le déploiement de la fibre en permettant aux opérateurs d’économiser le fibrage des immeubles, le plus complexe à réaliser. Plutôt que de réaliser un réseau FTTH (fibre jusqu’à l’abonné), les opérateurs pourraient réaliser un réseau FTTdp, où la fibre est amenée jusqu’à un point de distribution desservant un quartier, une rue ou immeuble, les dernières dizaines ou centaines de mètres étant couvertes par le VDSL2. Cette approche est déjà employée dans d’autres pays, Orange a annoncé vouloir l’employer dès cette année, on en saura sans doute plus à l’automne.Image 7 : Le VDSL2 : 100 Mbit/s, pour qui ?

Et après ?

Alcatel Lucent a récemment fait la démonstration du G.fast, une technologie encore plus sophistiquée et utilisant un spectre de fréquences encore plus large (jusqu’à 200 MHz) permettant d’atteindre 1 Gbit/s sur une ligne en cuivre en laboratoire et environ 500 Mbit/s en pratique. Seule limite, le débit s’effondre avec la distance : 500 Mbit/s à 100 m maximum, 200 Mbit/s à 200 m, 150 Mbit/s à 250 m. Le G.fast est cependant encore loin d’être prêt pour une exploitation commerciale : l’UIT devrait finaliser le standard en 2014, ce qui implique que les premiers équipements compatibles seraient disponibles fin 2015.