Introduction
Nous entendons beaucoup parler de fusions ou acquisitions ces derniers temps. Facebook acquiert WhatsApp pour 19 milliards de dollars, Dell décide de racheter ses actions et AMD ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans le rachat d’ATI. Ce genre de pratique est courante et peut détruire ou bâtir des empires.
Voici une sélection de 20 fusions ou acquisitions qui ont eu un impact important sur le marché des hautes technologies. Nous nous concentrons évidemment sur les fabricants de semiconducteurs, de composants ou de PC et nous ne parlerons pas de 3dfx qui s’est fait en partie racheter par NVIDIA après qu’il ait entamé une procédure en redressement judiciaire. Il fera donc partie d’un autre dossier sur les grandes faillites du monde des hautes technologies. Dans certains cas, ces fusions ou acquisitions ont transformé des marchés entiers, dans d’autres cas elles ont tué ou ressuscité des produits ou technologies. Le classement est donné chronologiquement en fonction des dates d’annonce de la transaction et non sa date de finalisation qui n’est pas toujours connue ou précise.
NeXT par Apple (20/12/1996)
Apple a racheté NeXT pour 429 millions de dollars en cash, soit 640 millions de dollars aujourd’hui en tenant compte de l’inflation, ce qui représente 467 millions d’euros. Steve Jobs reçut quant à lui 1,5 million de dollars en action (1,6 million d’euros aujourd’hui). Cela reste encore l’acquisition la plus importante de l’histoire d’Apple.
La firme acquit principalement deux choses. Elle ramena Steve Jobs dans ses rangs. Il redevint P.D.G de la société en 2000. Elle reprit aussi les logiciels et interfaces de NeXT qui ont redéfini Mac OS X et ont joué un rôle dans l’utilisation par la société de Cocoa (nommé OpenStep auparavant). Les technologies acquises par ce rachat sont encore utilisées par Apple dans iOS.
Linksys par Cisco (20/03/2003)
Cisco acquit Linksys pour 500 millions de dollars en action (463 millions d’euros aujourd’hui en tenant compte de l’inflation). Il tenta ainsi de pénétrer le marché grand public en utilisant une marque respectée. La société fut bien intégrée et Linksys continua de sortir des produits intéressants, mais il perdit peu à peu les faveurs des passionnés. Cisco eut aussi du mal à comprendre le marché grand public, ce qui explique qu’il a finalement revendu la société à Belkin en 2013.
IBM PC par Lenovo (07/12/2004)
Lenovo racheta la division PC grand public d’IBM pour 1,75 milliard de dollars, ce qui représente aujourd’hui 1,6 milliard d’euros en tenant compte de l’inflation. L’acquisition a transformé le marché des PC puisqu’il a propulsé le chinois à la troisième place mondiale en plus d’acquérir la marque ThinkPad qui était très populaire à l’époque. Cette manoeuvre est l’exemple type d’une acquisition réussie. Lenovo a continué d’utiliser les marques et l’expertise d’IBM pendant plusieurs années avant de passer petit à petit vers ses marques à lui. De son côté, Big Blue a pu décharger plus de 500 millions de dollars de dette sur le Chinois et entamer une transition réussie vers le service aux entreprises. IBM s’est peu à peu désinvestit de Lenovo jusqu’à ce qu’il détienne moins de 5 % de ses actions.
Alienware par Dell (22/03/2006)
Dell acheta Alienware pour un montant indéterminé. L’acquisition n’était pas une surprise puisque des rumeurs à moitié démenties l’avaient annoncé (cf. « Dell ne rachète pas Alienware… pour l’instant »). Il faut dire que Dell avait besoin d’Alienware pour gagner le marché haut de gamme avec cette marque qui avait conquis des passionnés de jeu qui n’avaient pas envie de monter leur propre machine. De son côté, Alienware profitait des grosses poches de Dell. Néanmoins, avec les années les usines Alienware se sont éteintes les unes après les autres. Il faut dire que Dell va mal et Alienware souffre forcément de la baisse des livraisons de PC.
ATI par AMD (24/07/2006)
Le rachat d’ATI par AMD a secoué le monde des hautes technologies et il est aujourd’hui admis que c’était une bonne chose pour AMD qui profite grandement des circuits graphiques du Canadien. Il a coûté 5,4 milliards de dollars à AMD, ce qui correspond à 4,6 milliards d’euros aujourd’hui en tenant compte de l’inflation et le géant vert a dû emprunter 2,5 milliards de dollars. Les enjeux d’une telle acquisition étaient difficiles à comprendre à l’époque et les fruits de cette union se sont manifestés bien plus tard avec la sortie des premiers APU. Cette transaction a aussi eu de profonds effets sur les équipes des deux compagnies (cf. « Le président d’ATI démissionne de chez AMD ») parfois au détriment d’AMD qui n’a pas su toujours garder ses talents (cf. « AMD : les 10 raisons du déclin »).
VoodooPC par HP (26/09/2006)
HP a voulu reproduire les effets du rachat d’Alienware par Dell en acquérant VoodooPC. Le problème est que les choses ne se sont pas passées comme prévu. Les talents de VoodooPC sont partis après quelques années (cf. « Le père de Voodoo PC quitte HP pour Microsoft ») et la marque a perdu de son prestige, ce qui a poussé HP à fermer petit à petit ses activités. Depuis 2013, le site Internet de la marque est hors ligne et HP ne vend plus de machines utilisant à ce nom. On ne connaît pas le montant de la transaction, mais on sait qu’elle n’a pas été fructueuse.
Gateway et Packard Bell par Acer (27/08/2007 et 31/01/2008)
Acer s’est rapidement imposé sur le marché américain et européen en rachetant Gateway et Packard Bell pour la somme de 710 millions de dollars et 45,8 millions de dollars respectivement, ce qui correspond à 583 millions d’euros et 36 millions d’euros en tenant compte de l’inflation. Il a réussi à déjouer les plans de Lenovo qui voulait aussi acquérir Packard Bell. En achetant Gateway, Acer a obtenu un contrat passé entre les deux sociétés avant son arrivée stipulant qu’une offre faite par une compagnie tierce pouvait être contrée par Gateway. En rachetant Gateway, Acer s’est donc assuré de pouvoir contrer l’offre de Lenovo.
Au fil des ans, les deux marques n’ont pas eu le même sort. Packard Bell continue d’être vendu en Europe, tandis que la marque Gateway disparait petit à petit. Son site de vente en ligne a été fermé et les produits serveur et stockage sont maintenant connus sous la marque Acer Business.
Ageia par NVIDIA (04/02/2008)
Le rachat d’Ageia par NVIDIA a permit à NVIDIA d’établir une stratégie lui permettant d’obtenir un moteur physique digne de ce nom (cf. « Nvidia : le PhysX (sur)vivra »). Elle continue aujourd’hui de promouvoir sa technologie (cf. « NVIDIA offre le PhysX à ATI »), mais AMD a préféré s’associer avec Havok. Ageia a été une compagnie audacieuse qui a tenté de bouleverser le monde du jeu et des calculs physiques. C’est l’une des compagnies qui a mis ce problème sur le devant de la scène. Néanmoins, le succès commercial n’était pas au rendez-vous. Le rachat par NVIDIA fut donc la meilleure porte de sortie.
P.A Semi par Apple (23/04/2008)
Le rachat de P.A Semi par Apple était surprenant parce que personne ne s’attendait à ce qu’Apple se jette dans le design de processeurs, mais les deux firmes avaient déjà travaillé ensemble et l’intégration de leurs équipes s’est donc faite de manière assez naturelle.
Les analystes étaient surs qu’Apple ne fabriquerait pas de processeur. Nous savons aujourd’hui que les équipes de P.A Semi ont permis la sortie des SoC A4, A5, A6 et A7. Les deux premiers étaient des puces assez classiques, mais les deux derniers se sont démarqués par des architectures personnalisées qui ont donné un avantage à l’iPhone et à l’iPad.
Usines d’AMD et Chartered par Globalfoundries (07/10/2008 et 07/09/2009)
ATIC, un fonds d’investissement de l’émirat d’Abu Dhabi, a repris les usines d’AMD a un moment où la firme américaine connaissait une situation financière impossible. Le rachat d’ATI pesait lourd sur son budget et elle avait du mal à gérer ses activités de production. Elle a donc d’abord formé une coentreprise avec ATIC. Connue sous le surnom de The Foundry Co, elle fut baptisée Globalfoundries. Petit à petit, AMD s’est retirée de la coentreprise pour laisser la place à ATIC (cf. « AMD va perdre Globalfoundries ») qui a profité de sa position pour racheter Chartered en 2009. Glabalfoundries a su s’imposer aux côtés de TSMC et UMC.
Palm par HP (28/04/2010)
Le rachat de Palm par HP était prometteur. Palo Alto a principalement acheté webOS pour en mettre un peu partout (cf. « HP veut mettre WebOS dans ses imprimantes »), mais les choses ont vite tourné au vinaigre. Le TouchPad s’est très mal vendu. Les problèmes internes ont provoqué le départ des équipes Palm (cf. « Jon Rubinstein quitte HP ») et très vite, HP a montré qu’il ne savait pas quoi faire avec son nouveau produit (cf. « HP veut vendre des licences webOS ») au point d’essayer de le vendre, mais sans succès. Au moment du rachat, Palm était en difficulté puisque ses smartphones ne se vendaient pas. L’acquisition fut donc une belle porte de sortie. Le problème est que HP était aussi en situation difficile et que le rachat n’a pas été la solution magique tant espérée.
Hitachi GST par Western Digital (07/03/2011)
Western Digital a racheté Hitachi GST pour 4,3 milliards de dollars, soit plus de 3 milliards d’euros. Hitachi GST reste tout même une entité à part entière détenue par Western Digital, mais disposant de deux personnes au comité de direction. Les deux marques sont aussi présentes sur les étals afin de donner l’illusion d’un semblant de concurrence. Néanmoins, pour satisfaire les autorités de régulation des marchés, Western Digital a été obligé d’abandonner ses parts au sein de Toshiba. En effet, cette fusion entre les deux sociétés a considérablement restreint le jeu de la concurrence et l’union entre Samsung et Seagate qui suivit quelques mois après créa un duopole.
Motorola Mobility par Google (15/08/2011)
Google acquit Motorola Mobility pour 12,5 milliards de dollars en cash, ce qui représentait 9 milliards d’euros à l’époque. Ce fut une grosse somme pour un résultat décevant. Motorola Mobility est resté une entité indépendante de Google, mais cela n’a pas calmé les craintes des OEM Android qui pensaient que Google allait devenir un concurrent sortant ses propres terminaux. Il a aussi racheté la société pour ses brevets, qui se sont avérés être inutiles. Google a tenté de réduire les pertes générées par sa nouvelle acquisition. Au final, rien n’en est vraiment sorti et Motorola Mobility fut revendu à Lenovo pour trois fois moins que ce que Google a dépensé pour son rachat.
Samsung Disque Dur par Seagate (19/12/2011)
Seagate a acquis la division disque dur de Samsung après une série d’accords regroupant les deux sociétés (cf. « Seagate finalise l’achat de Samsung »). Il était difficile de ne pas voir dans cette transaction une réponse à l’acquisition d’Hitachi GST par Western Digital. Samsung gagna 9,6 % des actions de Seagate en plus d’un paiement en cash d’une somme indéterminée. Contrairement au premier accord, la marque Samsung a disparu petit à petit au profit de celle de Seagate. La création de ce duopole a suscité la curiosité de la Commission européenne (cf. « L’UE enquête sur les fusions Seagate/Samsung et Western/Hitachi »), mais personne ne s’y est finalement opposé.
Linksys par Belkin (24/01/2013)
Belkin a racheté Linksys pour un montant indéterminé. Les rumeurs de la vente étaient connues depuis un certain temps (cf. « Belkin achète Linksys de Cisco »). Cisco avait déjà fermé sa division Flip (caméscope grand public). Les routeurs n’étaient donc que l’étape suivante. Belkin a décidé de garder la marque. Cette acquisition lui a permis de prendre 30 % du marché du réseau grand public.
Nokia par Microsoft (02/09/2013)
Nokia a été racheté par Microsoft pour 5,4 milliards d’euros. En plus de disposer de la division produit de la société et des marques Lumia et Asha, il a acquis ses brevets pour au moins dix ans. Cette transaction fut le fruit de longues négociations qui ont débuté en 2011 (cf. « “Microsoft va racheter Nokia”, la rumeur v.2 »), mais de nombreux différends ont retardé la signature de l’accord. L’un d’entre eux aurait pour objet la chute malencontreuse de Steve Ballmer sur une table en verre.
Au sein de Nokia, certains ont mal pris cette acquisition qui est perçue comme le résultat des mauvaises stratégies de Stephen Elop et de ses relations trop proches de Microsoft. Cela n’a pas non plus empêché Nokia de sortir Normandy, un smartphone sous Android. La transaction devrait être finalisée cette année.
Dell par Dell (29/10/2013)
La sortie des marchés publics par Dell est l’une des manoeuvres les plus exceptionnelles de l’histoire des hautes technologies et l’un des rachats d’actions les plus importants. Le montant total de la transaction s’élève à 24,9 milliards de dollars (18 milliards d’euros). Il permet à Michael Dell de transformer sa société, qui passe par une période de crise, sans être surveillée par Wall Street et sans subir les aléas des marchés. Ce rachat fut hautement contesté (cf. « Le rachat de Dell mis en danger par les actionnaires »), ce qui provoqua une petite guerre d’actionnaires, mais il fut au final ratifié, principalement parce que la firme n’avait pas d’autres solutions plus valorisantes.
IBM Serveurs x86 par Lenovo (23/01/2014)
Lenovo a racheté les serveurs x86 d’IBM pour 2,3 milliards de dollars (1,7 milliard d’euros). Les discussions ont commencé au début 2013 (cf. « Lenovo rachète les serveurs x86 d’IBM pour 2,3 milliards de dollars »), mais les deux sociétés ont longtemps débattu sur le prix de la transaction. On pensait même que les discussions étaient au point mort. Les deux compagnies sont néanmoins tombées d’accord, principalement parce qu’IBM avait besoin de continuer sa mutation vers les services et logiciels en abandonnant cette division peu rentable, tandis que Lenovo avait besoin de se diversifier.
Palm par Qualcomm (23/01/2014)
Moins d’un an après l’arrivée de l’ancien leader de Palm chez Qualcomm (cf. « Après Apple et Palm, Jon Rubinstein rejoint Qualcomm »), ce dernier a racheté les technologies de la société qui appartenait auparavant à HP (cf. « Après Apple et Palm, Jon Rubinstein rejoint Qualcomm »). Ce n’est pas une acquisition classique, mais cela en reste proche puisque Qualcomm a plus ou moins repris ce que HP n’a pas déjà liquidé. Il récupère donc la marque et la possibilité de continuer les produits de la société. On imagine néanmoins qu’il va principalement se concentrer sur webOS.
Motorola par Lenovo (29/01/2014)
Lenovo a racheté Motorola Mobility pour 2,3 milliards d’euros (483 millions d’euros en cash, le reste en action). Il est important de comprendre que Google n’a pas tout vendu, puisqu’il garde une majorité de brevets. La différence de prix entre ce que Google a payé et ce qu’il a vendu a Lenovo n’est donc pas si importante qu’elle en a l’air au premier abord, même s’il est admis que Google a tout de même perdu de l’argent. Le rachat par Lenovo est survenu après que le gouvernement canadien ait refusé de lui vendre BlackBerry et quelques jours après le rachat des serveurs x86 d’IBM.
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