Steve Jobs, sa vie son oeuvre
Steve Jobs est décédé hier, le mercredi 5 octobre 2011 (le 06 octobre à 1H30 heure Française). Et pourtant, Steve Jobs sera toujours là, dans notre quotidien, dans nos usages de l’informatique. Si la personne elle-même peut être critiquée — tout comme son « œuvre » — force est d’avouer que le patron d’Apple et de Pixar a tout de même changé pas mal de choses dans l’informatique en général. Nous avons donc choisi de vous proposer une sélection des « coups de génie » de Steve Jobs.
En effet, dans certaines Keynote — ses conférences d’ouverture dont il a transformé le style —, on a pu se dire que le patron d’Apple voyait trop loin, que ça ne prendrait pas, que ça n’avait pas d’intérêt. Et dans beaucoup de cas, pourtant, ça a fonctionné. Apple a lancé des modes, bouleversé certains marchés. Rétrospective.
L’Apple II
Le premier vrai « coup de génie » de Jobs, c’est l’Apple II. Cette machine dont le design a été confié à Steve Wozniak a révolutionné l’informatique personnelle, à un moment où l’Altair était une simple boîte avec des LEDs pour les amateurs d’informatique, ce qui était un peu péjoratif à l’époque. Cette machine produite pendant plus de 10 ans (l’Apple IIc+ date de 1988) était basée sur un microprocesseur 8 bits (le même que dans la NES de Nintendo) et a amené l’informatique dans les foyers, même si on reste très loin de l’intuitivité et la simplicité des machines actuelles.
C’est grâce à l’Apple II que des machines mythiques comme le Commodore 64 ou même le PC sont apparues.
Le Mac en 1984
Le plus emblématique des succès de Jobs, c’est bien évidemment le Macintosh. Mené contre vents et marées par Steve Jobs et Jeff Raskin, le projet Macintosh se concrétise en 1984 avec une publicité devenue mythique. Si le Macintosh n’est pas le premier ordinateur avec une souris et une interface graphique — Apple s’étant « inspiré » des travaux du PARC (Palo Alto Research Center) que Xerox trouvait sans avenir —, c’est le premier qui a été placé sous les feux de la rampe. La machine, peu évolutive, montre déjà certains des travers d’Apple, mais c’est indéniablement un succès et même si un iMac actuel n’a finalement plus grand-chose en rapport avec un Macintosh de 1984, la philosophie et le nom sont toujours là.
Le rachat de Pixar
En 1986, Steve Jobs a été viré d’Apple par une personne qu’il avait lui-même amenée (John Sculley, l’ancien président de Pepsi), peut-être un de ses plus mauvais choix. Et cette année-là, il rachète une petite société à Georges Lucas — qui avait des problèmes financiers suite au flop de Howard… une nouvelle race de héros. Le Graphics Group de Lucasfilm devint Pixar. Si initialement la société vend des ordinateurs à Disney (notamment), elle se démarque assez vite dans un domaine : l’animation. Steve Jobs n’a pas toujours cru à ce marché (il avait envisagé de vendre Pixar au début des années 90), mais c’est pourtant avec ses films d’animation que la société devient célèbre. En 2006, Pixar est racheté par Disney pour 7,4 milliards de dollars et Steve Jobs devient l’actionnaire privé principal de Disney, avec 7 % des parts de la société. Jolie plus-value pour une société achetée pour environ 10 millions en 1986…
NeXT
Pixar n’est qu’un des bébés de Jobs après son premier passage chez Apple : NeXT est un des plus intéressants. Cette société n’a connu qu’un succès d’estime (il y a eu peu de machines NeXT vendues) mais son système d’exploitation est tout de même à la base de Mac OS X et beaucoup de technologies développées à l’époque sont encore utilisées aujourd’hui. Pour l’anecdote, NeXT a permis à deux personnes de révolutionner notre travail : Tim Berners-Lee, qui a créé le World Wide Web en 1991 sur une machine NeXT et — évidemment dans une moindre mesure — John Carmack qui a développé Wolfenstein 3D et Doom sur un NeXT Cube.
AirPort en 1999
En 1999, quand Steve Jobs a présenté « AirPort », ça a fait un choc. Une technologie permettant d’aller sur Internet sans fil entre l’ordinateur et le modem, c’était révolutionnaire. Si le Wi-Fi est devenu omniprésent 12 ans plus tard, c’est en partie grâce à Apple. Pour la petite histoire, Apple n’a pas utilisé le mot Wi-Fi pour sa technologie, car ce mot n’existait même pas… La première mention connue du mot Wi-Fi est en effet ultérieure d’environ deux mois à l’annonce d’AirPort. En 2011, avec OS X Lion, le mot AirPort a enfin laissé sa place au mot Wi-Fi dans les machines d’Apple.
Le « tout USB » en 1998
1998. À la sortie de l’iMac — premier du nom —, Apple fait table rase des interfaces externes : adieu ADB, série, lecteur de disquettes, etc. L’iMac ne propose que deux ports USB, un connecteur Ethernet et une prise RJ11 pour le modem interne. Seul moyen d’échanger des données ? Internet, éventuellement le réseau, les clés USB n’existant pas encore. Un pari réussi sur la simplification des interfaces. En 2011, le modèle le plus populaire de la marque — le MacBook Air — propose encore moins : deux ports USB, un lecteur de cartes SD, un connecteur Thunderbolt.
Dans les faits, il faut bien avouer que les choix d’Apple ont fait le bonheur des constructeurs de lecteurs de disquettes externes pendant quelques années…
Mac OS X en 2001
Soyons honnêtes : Mac OS X est peut-être le pari le plus risqué de Steve Jobs. Si Mac OS 9 avait besoin d’un remplaçant tant les fondations du système posaient des problèmes, Mac OS X n’a pas tout de suite convaincu. Esthétiquement assez réussi, le nouveau système était particulièrement lent et une bonne partie des applications étaient absentes au lancement, comme un lecteur de DVD. Il a fallu attendre la version 10.2 (la première était la 10.0) pour obtenir un système réactif et 10.4 pour vraiment remplacer Mac OS 9. En 2011, Mac OS X est très utilisé, ce qui est finalement assez étonnant au vu de l’accueil assez froid en 2001. Un vrai pari gagné pour Steve Jobs au final.
L’iPod
2001 : Steve Jobs lance un appareil atypique, un baladeur MP3 proposant un disque dur de 5 Go dans un format proche des baladeurs à mémoire flash qui se limitent à 64 Mo. Archos ou Creative, avec des modèles proposant 6 Go dans un format « lecteur CD » font la moue, et personne ne croit à cet appareil cher, à cause du disque dur de 1,8 pouce alors que les autres utilisent des 2,5 pouces. Pourtant, l’appareil va se vendre. Peu au début, puis de plus en plus avec l’arrivée de la compatibilité Windows, des modèles mini, nano, shuffle. Au final, l’iPod est devenu aussi emblématique que le Walkman, un objet de mode, un objet à avoir. Il a aussi montré que la simplicité — avec peu de fonctions au final — était un avantage, alors que ses concurrents étaient pourtant souvent plus avancés techniquement. C’est aussi peut-être le produit Apple qui a reçu le plus de critiques à son annonce tout en étant au final un des produits les plus vendus.
L’iPhone
En 2007, quand Steve Jobs lance l’iPhone, la donne est différente. L’iPod avait été fraîchement accueilli, l’iPhone est ovationné. Si Steve Jobs espérait 1 % du marché des smartphones à la fin de l’année 2008, il en contrôle plus de 25 % en 2011. Après l’iPhone, Nokia est tombé du statut de référence à ce lui de « has been », RIM est dans la tourmente et Samsung est devenu un acteur très important du monde des téléphones et des smartphones. Il y a clairement un « avant » et un « après » iPhone, même si le téléphone n’est ni le premier smartphone tactile ni le premier smartphone capable de surfer sur Internet. Mais malgré des spécifications finalement assez moyennes, il impressionne grâce à son interface, sa fluidité, sa simplicité.
Et même en 2011, la concurrence n’a pas encore réussi à rattraper totalement Apple sur ces trois points : si Android est né grâce à l’iPhone, la politique d’ouverture de Google implique aussi une plus grande hétérogénéité dans les appareils et donc dans les performances.
L’iPad
Dernier coup de génie d’Apple et de Steve Jobs, l’iPad. Comme pour l’iPhone, ce n’est pas « nouveau », des tablettes tactiles existent depuis des années. Mais l’iPad est simple à utiliser, rapide, réactif et offre une bonne autonomie, ce qu’aucun Tablet PC n’a jamais pu offrir. Comme après la sortie de l’iPhone, tout le monde a suivi Apple, et comme à la sortie de l’iPhone, certains se sont cassés les dents. Si Samsung et Archos — à une moindre échelle — arrivent à suivre Apple sur le marché des tablettes, RIM, LG, Motorola beaucoup de plus de mal et HP a carrément jeté l’éponge.
L’iPad est particulier dans le sens où il a créé un besoin qui n’existait pas et — un peu à la manière de la Wii — trouvé de nouveaux débouchés, créé de nouveaux marchés. Si les geeks ne comprennent pas nécessairement l’attrait de la tablette, se moquent de ses limitations, ironisent sur le côté fermé de la chose, Steve Jobs a bien compris que ce ne sont pas eux qui rapportent de l’argent. Et la tablette se vend très bien chez les personnes âgées, les personnes qui veulent surfer simplement, etc.
Quoi qu’on puisse penser des tablettes et de leur intérêt, l’iPad a créé un marché qui semble pérenne.
L’écosystème Apple : iTunes/AppStore
Dernière réussite intéressante de Steve Jobs, qui a selon les observateurs beaucoup participé au succès des offres : l’écosystème Apple. Même si ce mot n’est pas totalement adapté, nous voulons parler de l’environnement qui va garder l’utilisateur « captif », en offrant des liens entre les différents appareils. La première brique a été l’iTunes Music Store pour proposer de la musique de façon simple aux utilisateurs d’iPod. La seconde a été l’App Store et les applications pour iPhone, puis iPod et iPad. Enfin, le Mac App Store est à ce jour la dernière brique pour créer un écosystème cohérent avec des utilisateurs achetant des logiciels chez Apple qui finance les magasins en ligne — formidables produits d’appel — avec une commission sur les ventes.
Si le côté fermé et la validation des contenus par Apple rebutent beaucoup de gens, ce sont pourtant deux des raisons du succès des offres. Le côté fermé implique qu’on va trouver les applications là et nulle part ailleurs. La validation permet à Apple de se faire une image « propre », différente de celle d’Internet en général qui est souvent résumé (à tort) à la pornographie, au piratage, aux virus, etc. C’est un point important pour beaucoup d’utilisateurs : les applications achetées sur l’App Store sont sûres.
Dans les faits, le succès est tel que tous les « grands » du secteur ont maintenant leur magasin : Microsoft avec Windows Phone 7 et bientôt Windows 8, RIM, Nokia, Samsung, etc. Et Google propose un système plus ouvert avec l’Android Market, même si certains constructeurs préfèrent (en plus) proposer un magasin dédié.
Thunderbolt et l’abandon des lecteurs optiques en 2011 ?
En 2011, Apple a fait deux choix technologies osés : l’abandon des lecteurs optiques et l’adoption de Thunderbolt. Dans le premier cas, ce n’est pas un abandon franc et massif comme celui de la disquette, mais les deux machines « d’entrée de gamme » d’Apple — MacBook Air et Mac mini — ne proposent plus de lecteur optique. On verra d’ici la fin de l’année si les MacBook Pro, les Mac Pro et les iMac suivent la même voie.
L’autre choix, c’est Thunderbolt : Apple a pour le moment fait l’impasse sur l’eSATA et l’USB 3.0, deux interfaces rapides, et a lancé récemment le Thunderbolt, une technologie rapide et intéressante mais onéreuse. Là aussi, il va falloir attendre un peu pour voir si les périphériques à cette norme s’imposent. Le Thunderbolt a un gros avantage : c’est la technologie la plus rapide pour brancher un disque dur externe, même si dans la pratique l’USB 3.0 et l’eSATA sont suffisants pour la majorité des usages.