Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?

Introduction

Image 1 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?

Enfonçons une porte ouverte : les smartphones sont devenus bien plus que des téléphones intelligents, ce sont en réalité des ordinateurs portables. Leurs systèmes d’exploitation sont d’ailleurs dérivés de ceux que l’on connaît sur nos PC (Linux pour Android, Mac OS pour iOS, etc.). Alors quoi de plus naturel pour nous que de tenter de faire à un smartphone ce que nous faisons à nos PC depuis de si longues années : overclocker ? Impossible sur iOS, l’opération est réalisable sous Android pour peu que l’on “root”. Voyons si le jeu en vaut la chandelle.

Pour notre test, nous avons utilisé un Samsung Galaxy Note gracieusement prêté par Samsung (merci pour le rose, vraiment). On pourrait nous reprocher ce choix : le Note est en effet déjà puissant, à quoi bon l’overclocker ? Nous allons pouvoir détailler la réponse au fil des pages suivantes, mais considérez déjà ces quelques points : le Note est facilement “rootable”, il est géré de manière exhaustive par les quelques applications qui permettent d’overclocker et des utilisateurs chanceux ont réussi à atteindre de très hautes fréquences.

Samsung Galaxy Note
SoC
Samsung Exynos 4 Dual 45 nm (anciennement Exynos 4210)
CPU
Dual ARM Cortex A9, 1,4 GHz
GPU
ARM Mali 400 MP4, 267 MHz
RAM
1 Go
Ecran
5,29 pouces, HD Super AMOLED, 1280 x 800 (Pentile RVBV)

Pas-à-pas

Pour overclocker, deux méthodes sont possibles : soit installer une application permettant de modifier les fréquences à la volée sans modifier le système installée d’origine, soit installer un système modifié, plus précisément un noyau adapté à l’overclocking, autorisant l’accès à des fréquences supérieures.

Root !

Image 2 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?Dans les deux cas, il faut impérativement commencer par activer le mode super-utilisateur, le root. Le web – et surtout le forum xda – regorge de méthodes pour y parvenir. Nous y avons consacré un dossier, présentant les manipulations nécessaires au rootage de plusieurs téléphones répandus : Rooter son smartphone Android et changer de ROM.

Dans notre cas, notre Note fonctionnait sous Android 2.3.6 (Gingerbread), mais dans une version non rootable, Samsung ou Google ayant corrigé la faille présente dans les versions précédentes. Il nous a donc fallu télécharger et installer un système plus ancien et le rooter. Nous avons ensuite pu le mettre à jour pour revenir dans la version initiale.

Samsung et les opérateurs ont depuis nos tests distribué Android 4.0 pour les Galaxy Note. D’après les premiers retours, le “rootage” est possible directement, sans devoir réinstaller une vieille version, mais nous ne l’avons pas vérifié sur notre exemplaire.

Overclock

Image 3 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?Une fois le compte root activé, nous avons installé l’application Tegrak Overclock Ultimate, développée pour l’overclocking des smartphones et tablettes Samsung (Galaxy S, SII, Note, Tab etc.). Cette application charge à son lancement un module qui remplace certains fichiers systèmes, ceux contenant les tables des fréquences autorisées pour le SoC. Dans sa version gratuite cette application ne permet d’overclocker que la partie CPU du SoC Exynos 4210, sur des échelons prédéfinis (1,452 GHz, 1,5 Ghz, 1,552 GHz et 1,6 GHz). La version payante – Tegrak Overclock Ultimate – ouvre non seulement la possibilité d’augmenter librement la fréquence CPU par palier de 4 MHz jusqu’à 2 GHz, mais permet en outre d’overclocker le GPU du SoC. Ce GPU bénéficie en effet d’une horloge distincte. On peut également modifier la tension appliquée au CPU ou au GPU afin de stabiliser une fréquence élevée. Tout cela paraîtra très familier à quiconque a déjà plongé dans un BIOS pour overclocker son Core ou son Phenom. 

Image 4 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?
La plateforme ARM se distingue tout de même par la possibilité de paramétrer finement les fréquences intermédiaires de fonctionnement du SoC. En effet, comme sur un PC, les processeurs des smartphones ne fonctionnent presque jamais à leur fréquence maximale : ils sont la plupart du temps dans un état de semi veille. Dans le cas de notre Galaxy Note, les deux coeurs Cortex A9 possèdent 6 paliers de fonctionnement : 1400 MHz à 1,3 V / 1200 MHz à 1,2 V / 1100 MHz à 1,1 V / 800 MHz à 1,025 V / 500 MHz à 0,95 V / 200 MHz à 0,95 V. Il est possible de modifier non seulement la fréquence (et la tension) maximale, mais aussi les fréquences (et tensions) intermédiaires et minimales.

Le GPU Mali 400 MP4, lui, oscille entre deux états : 267 MHz à 1 V et 160 MHz à 0,95 V. On peut l’overclocker à 300 MHz ou 400 MHz. On peut également modifier ses tensions.

L’overclocking en pratique

Image 5 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?Maintenant que nous avons les outils nécessaires, abordons l’overclocking en tant que tel. Les précautions d’usages doivent être appliquées ici aussi : l’overclocking est un sport aux bénéfices non garantis et potentiellement dangereux. Faire fonctionner une puce à une fréquence et une tension supérieures à celles auxquelles elle a été validée peut l’endommager, à terme, la chaleur supplémentaire générée peut aussi affecter les composants adjacents, etc. Bref, ne tentez l’expérience qu’à vos risques et périls et en connaissance de cause.


Ceci posé, notre exemplaire de Galaxy Note s’est montré capable de fonctionner avec une fréquence maximale de 1700 MHz sans qu’il soit nécessaire d’augmenter la tension. Au delà, la stabilité se dégradait très rapidement. Certes il nous a été possible de monter jusqu’à 1800 MHz, mais pendant quelques secondes seulement, le téléphone s’éteignant de lui-même ensuite. À vrai dire, 1700 MHz représentent vraiment la limite raisonnable de l’overclocking pour notre exemplaire. Pour la dépasser, il nous a fallu augmenter la tension, mais nous nous sommes très rapidement heurtés à la loi des rendements décroissants. Atteindre 1724 MHz réclamait 0,25 V supplémentaires, monter à 1748 MHz 0,75 V et nous n’avons pu stabiliser 1760 MHz même avec + 1 V.

Image 6 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ? Nous n’avons pas poussé plus loin nos essais. Difficile de ne pas être satisfait du résultat ! Quel CPU x86 accepterait une tension quasiment doublée sans un refroidissement extrême ? Du reste, les 300 MHz gagnés par rapport à la fréquence d’origine représentent déjà un gain de 21,4 %.

Côté GPU, il nous a été possible de monter la fréquence maximale de 267 MHz à 400 MHz (+ 50 % !) sans souci et sans devoir augmenter la tension. Ces superbes gains en fréquences se traduisent-ils dans la réalité ?

Un overclocking 100 % efficace ?

Passmark

Utilisons en premier lieu un test tout à fait théorique, Passmark. Ce test composite permet de vérifier les performances du CPU, du GPU, de la mémoire vive, de la mémoire de stockage.


Passmark – Tests CPU
Fréquence CPUCalculs entiers (MOps)
Calculs flottants (MOps)
Calcul nombre premiers (nb/s)
Tri de chaînes aléatoires (nb/s)
Chiffrement (Mo/s)
Compression (Mo/s)
1400 MHz112,0225,361 800
805 000
3,1695,3
1700 MHz138,3279,374 300
950 000
3,6817,7
Gain
23,5 %
24,0 %
20,3 %
18,0 %
15,4 %
17,6 %

Les tests CPU mettent en évidence une hausse d’environ 24 % de la puissance brute, qui dépasse la hausse de la fréquence de fonctionnement des deux coeurs Cortex A9 d’environ 2,5 points. Cette curiosité s’explique par la marge d’erreur inhérente au benchmark, mais aussi par l’augmentation de la fréquence d’autres composants que le CPU, notamment la mémoire.


Passmark – Tests mémoire
Fréquence CPULecture (Mo/s)Écriture (Mo/s)
1400 MHz893,3228,3
1700 MHz916,5255,3
Gain2,6 %
11,8 %

Les tests mémoires montrent que la RAM est également accélérée par l’overclocking du CPU. Le gain de bande passante est négligeable en lecture, mais significatif en écriture. L’overclocking du GPU seul ne modifie par contre en rien la bande passante mémoire.

Voyons maintenant si ces avantages théoriques se traduisent dans la pratique.

Peacekeeper

Peacekeeper est un test des performances globales du navigateur. Profite-t-il de l’overclocking ?

Peacekeeper
CPU @ 1400 MHz, GPU @ 267 MHz427
CPU @ 1400 MHz, GPU @ 400 MHz 419,8
CPU @ 1700 MHz, GPU @267 MHz482
Gain CPU
12,9 %

Le gain constaté est bien plus faible que sous les premiers tests de Passmark, à seulement 13 % pour une fréquence supérieure de 22 %. En pratique, il est difficilement perceptible. Par ailleurs, on note que l’overclocking du GPU ne touche absolument pas Peacekeeper.

Surchauffe et baisse des performances

Antutu est un benchmark souvent cité comme base de comparaison, nous l’avons donc inclus dans notre suite de test. Mais il nous a été impossible d’obtenir des résultats reproductibles dans un premier temps. D’un essai à l’autre nous pouvions observer des variations de plus de 20 %. Après un examen plus attentif nous avons remarqué que les résultats baissaient à mesure que nous répétions les essais. 

Image 7 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?
Très clairement, le Galaxy Note ne peut pas maintenir ses performances sur la durée. L’overclocking ne change d’ailleurs rien : la baisse est aussi rapide et relativement aussi forte à la fréquence d’origine. Lors du dernier essai, l’overclocking permettait tout de même de gagner un peu plus de 8 % de performances.

Au delà du constat, il est intéressant de comprendre la cause de cette baisse des performances dans la durée. L’hypothèse la plus probable est la mise en oeuvre des mécanismes de protection thermique du processeur : lorsque sa température augmente, il réduit automatiquement sa fréquence maximum afin de se préserver (phénomène connu en anglais sous le nom de throttling). CPU Spy est un utilitaire qui enregistre les durées de fonctionnement du CPU à chacune de ses fréquences. Son verdict est explicite :

  • Aux fréquences d’origine, pendant le premier essai, le CPU a fonctionné 49 s à 1700 MHz et 20 s à 800 MHz. Au douzième essai, le CPU a fonctionné 23 s à 1700 MHz et 46 s à 800 MHz.
  • Une fois overclocké, pendant le premier essai, le CPU a fonctionné 51 s à 1700 MHz et 19 s à 800 MHz. Au douzième essai, le CPU a fonctionné 19 s à 1700 MHz et 50 s à 800 MHz.

Il y a une inversion quasi-parfaite des temps passés à la fréquence maximale et à 800 MHz, ce palier étant le seul autre utilisé par le CPU dans Antutu, qu’il soit oveclocké ou non. La similitude des scores “à chaud” s’explique ainsi facilement : à chaud, le smartphone overclocké ou non overclocké passe le plus clair du benchmark à 800 MHz.

Si vous envisagiez d’overclocker votre smartphone pour accélérer des tâches assez longues (montage vidéo par exemple) préparez-vous donc à être déçu. Heureusement, dans un usage courant, un smartphone ne connaît que des pics d’utilisation très brefs. L’overclocking ne devrait alors pas être gêné par le throttling.

Dans les jeux : Electopia et Taiji

Un des usages les plus courants des smartphones est le jeu vidéo. C’est aussi un des usages les plus gourmands et celui qui peut mettre en évidence les faiblesses de certains modèles et donc l’intérêt de les overclocker.

Image 8 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?

Image 9 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?

Electopia et Basemark ES 2.0 Taiji Free, deux benchmarks utilisant des graphismes dignes de vrais jeux, livrent le même enseignement : overclocker le CPU ne sert à rien dans les jeux. Ces deux titres sont limités par la puissance du GPU embarqué, le Galaxy Note étant pourtant équipé d’une puce puissante, un Mali 400 MP4 d’ARM. Mais le Note est aussi équipé d’un écran haute définition qui augmente la pression sur le GPU. Heureusement, Tegrak Overclock Ultimate nous permet de pousser la fréquence du Mali 400 MP4 de 50 %, ce qui résulte en une hausse du nombre d’images affichées par seconde d’environ 50 % dans Taiji et de plus de 20 % dans Electopia.

Soulignons que ces benchmarks n’ont pas provoqué le phénomène de throttling que nous avons observé dans Antutu : les performances sont restées stables sur les 5 essais successifs que nous avons réalisés à chaque fréquence.

Conclusion

Image 10 : Overclocker son smartphone : est-ce bien sérieux ?L’ouverture d’Android est l’argument le plus souvent mis en avant par ses adeptes comme preuve de sa supériorité par rapport aux autres OS. En l’occurrence, cette ouverture permet d’overclocker nombre de smartphones assez facilement, pour peu qu’ils soient “rootables”. Mais le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle. Si on peut espérer rendre un terminal d’entrée de gamme un peu moins lent, overclocker un smartphone récent comme le Galaxy Note de Samsung n’apporte aucun bénéfice pratique. L’interface n’est pas vraiment plus fluide, les pages internet ne semblent pas se charger vraiment plus rapidement. Pire, les benchmarks montrent que le gain peut être réduit à peau de chagrin si le processeur est chargé pendant longtemps, car il diminue sa fréquence afin de contenir sa température.

L’overclocking peut tout de même se montrer utile. Sur tous les terminaux qui le supportent, overclocker le GPU peut rendre plus fluide un jeu qui poussait le smartphone dans ses derniers retranchements. 

Reste une inconnue : dans quelle mesure l’overclocking impacte-t-il l’autonomie ? Vous ne trouverez pas dans ce test une réponse toute faite, car il n’y en a pas. Elle dépend d’un nombre bien trop grand de paramètres, dont l’usage que l’on fait de son smartphone. Si vous êtes du genre à jouer dès que l’occasion s’en présente, alors attendez-vous à voir une baisse certaine de l’autonomie. Si au contraire, vous passez le plus clair de votre temps à appeler, surfer et écouter de la musique, l’overclocking ne fera quasiment aucune différence, le processeur restant à une fréquence bien inférieure à sa maximum dans ses tâches légères.

Nous n’avons, en outre, que survolé l’étendue des possibilités offertes par les noyaux alternatifs ou les applications comme Tegrak. Par exemple, en plus d’augmenter la fréquence maximale, on peut envisager d’augmenter les fréquences intermédiaires. On peut aussi cumuler overclocking et underclocking en abaissant la fréquence minimum et undervolting en déterminant les tensions minimales à appliquer à chaque palier de fréquence. Faute de tester chaque puce individuellement, les constructeurs sont en effet obligés de rester prudents sur ces paramètres. Les optimiser pour son exemplaire a le potentiel de maximiser les performances tant en augmentant l’autonomie. A vous d’expérimenter !