Récupérer l’or et l’argent des processeurs

Introduction

Il y a quelques années, nous vous avons proposé un dossier consacré à la récupération « artisanale » de deux métaux précieux dans les processeurs : l’or et l’argent. Mais les cours des métaux rares et précieux ne cessent d’augmenter, conduisant les constructeurs à optimiser et améliorer leurs procédés de fabrication afin de réduire encore plus la quantité de ces métaux dans les produits informatiques.

Pourtant, l’or – et d’autres métaux – sont indispensables au bon fonctionnement des appareils électroniques. Il est donc toujours possible de récupérer l’or et l’argent des CPU, même si la méthode présentée n’est bien entendu absolument pas rentable (les industriels utilisent d’autres procédés, plus efficaces mais plus dangereux encore) !

Article d’origine, publié le 16 mai 2011 :

Il y a 10 mois, nous réussissions à récupérer de façon « artisanale » l’or présent dans les cartes mères (voir notre reportage « Récupérer l’or des cartes mères »). Ce n’est toutefois pas le seul endroit dans nos ordinateurs où ce métal inoxydable et inaltérable est utilisé : on le retrouve en effet également dans les processeurs.

L’or est présent dans ces composants au niveau des broches et des plages d’accueil du die des composants, mais également sous forme de petits fils d’or destinés à faire la jonction entre ces mêmes plages d’accueil et les broches. Le plus dur reste donc à faire : récupérer, toujours de manière artisanale, ce métal précieux. Et cette fois-ci, nous allons également en profiter pour récupérer un autre métal précieux : l’argent !

Attention, les produits chimiques utilisés au cours de cette démonstration sont extrêmement dangereux, surtout aux concentrations employées. Nous vous déconseillons donc très fortement de tenter de reproduire chez vous cette expérience.

Acide Nitrique

Première étape : les processeurs vont être plongés dans un bain d’acide nitrique concentré. Ils vont y rester, nous allons le voir, un petit moment, même si ça ne va pas forcement leur faire très plaisir.

Plouf !

Au cours de cette étape, cet acide fort va réagir avec un certain nombre de métaux, le cuivre et l’argent en particulier. L’acide nitrique n’a en revanche aucune action sur l’or.

Notez que notre K5 ne semble pas beaucoup réagir à ce bain forcé. Pour l’instant…

Les CPU prennent un bain

Rajoutons quelques processeurs… A gauche, les CPU viennent tout juste d’être plongés dans la solution d’acide nitrique concentré. A droite, au bout de quelques minutes, la solution prend déjà une coloration bleutée, caractéristique de la présence de nitrate de cuivre II et donc d’ion Cu²⁺. On note au passage le dégagement d’un gaz brun (du dioxyde d’azote, ou NO₂).

Cu + 4 HNO₃ -> Cu(NO₃)₂ + 2 NO₂ + 2 H₂O

Attention, danger !

La réaction peut être plus ou moins rapide (voire violente !), et reste dans tous les cas dangereuse.

Le bain, quelques semaines plus tard

Au bout de quelques semaines, la solution est devenue très bleutée en raison de la forte présence d’ions Cu²⁺.

Le cuivre et l’argent (entre autres) ont été dissous, mais par l’or (ni quelques autres métaux rares).

CPU… HS

Retirons les processeurs de leur bain. Forcément, ils vont beaucoup moins bien marcher maintenant…

Filtrage

Étape suivante : filtrer.

L’argent est présent dans la solution en tant que nitrate d’argent (AgNO₃) alors que l’or et les quelques autres métaux non attaqués par l’acide nitrique et les impuretés restent dans le filtre. Gardons le filtre pour plus tard, et intéressons-nous à la solution.

Un peu de sel…

On ajoute du chlorure de sodium (du banal sel de table) à la solution.

L’argent précipite

Magie (ou presque) : l’argent du nitrate d’argent précipite et forme du chlorure d’argent.

AgNO₃(aq) + NaCl(Aq) -> AgCl(s) + NaNO₃(aq)

Un peu de zinc

Ajoutons un peu d’acide chlorhydrique. Un morceau de zinc est ensuite immergé dans cette même solution.

Attention, la réaction est exothermique !

Photographie

Au bout de quelques heures, on note l’apparition d’argent métallique. Notez que le précipité de chlorure d’argent a commencé a noircir à la lumière. Le zinc a réagit avec l’acide chlorhydrique pour former du dihydrogène (et du chlorure de zinc).

Zn + 2 HCl -> H₂ + ZnCl₂

Le dihydrogène va alors réduire le chlorure d’argent : de l’argent métallique se forme.

H₂ + 2 AgCl -> 2 Ag + 2 HCl

Filtrage et rinçage

On filtre la solution et on rince le tout : voici de l’argent metallique !

Laissons sécher la poudre…

Fondre l’argent

Il ne reste plus qu’à fondre l’argent dans un creuset avec un chalumeau oxy-butane.

Une pièce d’argent

Et voilà, une jolie petite pièce d’argent ! Bien entendu celle-ci n’est pas constituée d’argent pur à 100%, chose impossible à obtenir avec un tel procédé « artisanal » (mais on s’en rapproche raisonnablement). Présence suspectée de platine, palladium et rhodium.

Poursuivons.

Après l’argent, récupérons l’or

Nos chers CPU n’en ont pas fini. Il va en effet maintenant falloir récupérer l’or qu’ils cachent !

Après un petit rinçage à l’eau distillée, plongeons-les dans un bain composé d’acide chlorhydrique et d’eau oxygénée à 3%, dans une proportion de deux pour un.

Bain forcé, encore

Notez sur la photo les fils d’or, très fins, que l’on peut voir autour du « die » du processeur en train de se décoller. Laissons les processeurs quelques heures dans ce bain…

Filtrer, de nouveau

Après quelques heures, on filtre la solution afin de récupérer les paillettes d’or, ainsi que divers déchets.

Dichlore : attention danger !

Dans le filtre, il reste donc un mélange de divers métaux et d’impuretés. Plongeons tout cela dans un mélange d’acide chlorhydrique à 35% et d’eau de javel à 5%, dans une proportion de 2 pour un. La réaction est très exothermique et produit du dichlore (Cl₂), un gaz très dangereux !

2 HCl + NaClO -> Cl₂ + NaCl + H₂O

C’est justement le dichlore qui va attaquer l’or pour former du chlorure d’or (III).

On filtre

Il ne reste plus qu’à filtrer une nouvelle fois le tout : le filtre va retenir toutes les impuretés, tandis qu’il ne restera plus que du chlorure d’or (III) dans la solution.

On précipite…

Pour récupérer de l’or métallique, il va falloir faire précipiter l’or en solution. Utilisons pour cela du métabisulfite de sodium en poudre. En présence d’eau, le métabisulfite de sodium donne de l’hydrogénosulfite de sodium.

Na₂S₂O₅ + H₂O -> 2 NaHSO₃

De la poudre d’or !

C’est ce même hydrogénosulfite de sodium qui va permettre à l’or de précipiter.

3 NaHSO₃ + 2 AuCl₃ + 3 H₂O -> 3 NaHSO₄ + 6 HCl + 2 Au

Il faut ensuite récupérer cette poudre en filtrant la solution, puis laisser sécher.

Laisser sécher

Ça ne ressemble pas encore vraiment à de l’or, et pourtant…

Fonte de l’or en poudre

Après séchage de la poudre d’or, il ne reste plus qu’à fondre le tout dans un creuset. Notre chalumeau oxy-butane fera l’affaire, le point de fusion de l’or se situant aux environs des 1064 °C.

Une bille d’or

Et voila une jolie bille d’or ! Bien entendu, comme c’est le cas avec l’argent, notre procédé artisanal ne permet pas d’obtenir de l’or parfaitement pur.C’est d’ailleurs en partie pour cela que les industriels utilisent d’autres procédés, plus dangereux. Mais ça, c’est une autre histoire…